Amazon peut-il croquer le marché de la distribution alimentaire ?

Les géants américains Amazon et Google testent de nouvelles formules de livraison de produits alimentaires (frais compris), aux Etats-Unis, et à Londres pour le premier. Une incursion encore peu rentable dans la distribution alimentaire, jusqu'ici dominé par les grandes surfaces.
Marina Torre
"Bien sûr Amazon est une menace parce qu'ils acceptent de perdre de l'argent sur de nombreuses activités. C'est difficile de rivaliser quand les concurrents ne réalisent pas de profits."

L'alimentaire fait saliver Amazon. Aux Etats-Unis, le géant de Seattle multiplie les annonces en ce sens depuis plusieurs semaines. Prime Now, un service de livraison dans la journée disponible dans plusieurs grandes villes américaines (et Londres), permet d'apporter jusqu'au "mobinautes" sushis, paniers de fruits du marché ou bien crèmes glacées, selon les partenariats signés avec des acteurs locaux. Dans sa ville d'origine, il propose même de l'alcool.

Même Google s'y met. A San Francisco et "une autre ville" américaine dont le nom n'est pas indiqué, le groupe prévoit de lancer d'ici la fin de l'année un service de livraison de produits alimentaires, comprenant des fruits et légumes. Deux très grandes enseignes américaines sont de la partie: Whole Foods cible les produits bio et "naturels" et Costco, numéro deux mondial de la distribution, chaîne de magasin en libre-service de gros ouvert aux particuliers (qui prévoit d'ouvrir un magasin en France en 2016).

Pour d'autres produits comprenant de l'alimentaire "sec" (céréales, épicerie etc.), moins sensible à transporter, son service de livraison Google Express étendra en outre son rayon d'action dans d'autres zones du pays.

 Dosettes et petits pots

Il s'agit pour l'instant d'expérimentation cantonnées aux Etats-Unis, même si Londres est désormais concernée par l'offre Amazon Prime Now. Et des rumeurs récurrentes circulent à propos de l'éventuelle extension d'Amazon Fresh en Grande-Bretagne voire même en France. Pour l'instant, rien n'est confirmé, mais, pour rappel, il est déjà possible de se procurer des dosettes de café, du chocolat ou des produits de nutrition infantile depuis la plateforme de vente en ligne.

Des "menaces" réelles pour les distributeurs classiques?  Pour l'instant, le modèle sur lequel repose les circuits de distribution du frais peuvent en faire douter.

Personne dans le monde n'a vraiment prouvé la viabilité économique de la livraison alimentaire. Auchan a l'un des meilleurs modèles de click & collect, et les distributeurs britanniques sont également forts dans ce domaine. Mais la livraison à domicile est chère et ne représente nulle part la majorité des ventes. Aux-Etats-Unis, c'est un gouffre financier. Mais l'investissement perdurera tant qu'il y a un appétit pour continuer à perdre de l'argent pour le faire. Personne n'a radicalement changé d'approche ni permis de dégager des sources de profits pour justifier de financer ces modèles", juge Sucharita Mupurru , analyste au sein du cabinet Forrester, et spécialiste de la grande distribution.

La logistique du frais reste en effet beaucoup plus coûteuse que pour les autres produits, notamment en raison du transport en camion frigorifique. Même pour des volumes relativement importants, le prix au kilomètre coûte encore "au moins 50% plus cher", dans le frais, commente ainsi Jean-Baptiste Renié, fondateur d'Envoimoinscher, qui vend des offres de livraisons pour les e-commerçants indépendants.Cependant le paysage connait une évolution rapide. "La filiale de la Poste, Chronopost, développe des offres dédiées", ajoute-t-il.

La Caravelle de Carrefour

De grandes enseignes réfléchissent par ailleurs à nouveaux schémas logistiques de façon à réduire le chemin entre le producteur et le consommateur. Carrefour, par exemple, a lancé en ce sens un programme baptisé Caravelle.

Quant à la gestion du fameux "dernier kilomètre", la partie la plus coûteuse de l'opération qui consiste à transporter les produits jusqu'aux clients, est elle aussi transformée par de nouveaux acteurs (français , belges ou allemands) , qui se cantonnent pour l'instant à la livraison de repas préparés en ville.  Pour cet observateur du marché de la logistique, note pourtant que "l'alimentaire représente une tendance forte dans l'e-commerce. les grands distributeurs n'ont d'autre choix que de suivre le mouvement".

Moins de 3% des ventes

Car, si face à cette offre complexe à rentabiliser, la demande reste marginale, elle serait vouée à croitre rapidement. Dans l'alimentaire, la part de marché des distributeurs classique reste écrasante. En France, la vente à distance ne représentait en 2013 que 2,2% du volume total des biens alimentaires vendus au détail en France d'après les derniers chiffres de l'Insee disponibles. Plus de 66% des ventes étaient réalisé en grande surface, la proportion étant plus élevée encore parmi les consommateurs aux revenus les plus faibles.

Et même si la formule "Drive" ou "click and collect" (commande en ligne, retrait en magasin) se développe très vite en France, elle reste minoritaire parmi les choix des consommateurs pour effectuer leurs courses.

>> Les Drive, coûteux moteurs de croissance de la grande distribution

Pour les clients, les barrières à l'achat en ligne de produit frais sont multiples. Outre des prix trop élevés ou des horaires de livraison incommodes, il faut aussi prendre en compte d'autres difficultés très pratiques. "Le problème de l'achat sur internet, c'est qu'il est beaucoup plus difficile de proposer des produits de substitution", avance ainsi Frank Lheureux, responsable européen en charge de la distribution pour l'éditeur de logiciels de logistique JDA. Autrement dit, s'il manque la marque de yaourt ou le fruit désiré parmi les choix proposé, le client aura tendance à abandonner plus rapidement son panier.

Près d'un Français sur deux a acheté un aliment en ligne

Malgré ces freins, les habitudes semblent changer. Outre-Atlantique, le marché de la vente alimentaire en ligne est évalué à 10.9 milliards de dollars par un le cabinet spécialisé IbisWorld. Ce dernier prévoit une croissance de près de 10% par an d'ici 2019.  Tandis qu'en France, au cours des douze derniers mois, 46% des Français interrogés par l'ObSoCo pour le forum dédié aux innovations en distribution alimentaire (Fodali) ont affirmé avoir effectué un achat alimentaire en ligne. Les intentions d'achat, à prendre bien sûr avec des pincettes car elles ne sont que déclaratives, signalent un appétit pour les offres de formule en ligne, surtout pour les sites qui vendent en direct aux producteurs.

Capter le premier cette demande potentielle, voilà tout l'enjeu puisque sont justement sur les volumes que comptent les nouveaux acteurs pour tenter de rentabiliser leurs modèles. Brian Elliot, directeur de Google Express reconnait ainsi, dans une interview à Bloomberg:

"Si je dois payer quelqu'un pour apporter le produit d'un point A à un point B, plus le panier est grand, plus je dégage de chiffres d'affaires plus je peux compenser ce coût".

Pour l'instant, ce serait plutôt le groupe de Jeff Bezos qui serait de nature à  "inquiéter" les grands distributeurs. "Bien sûr Amazon est une menace parce qu'ils acceptent de perdre de l'argent sur de nombreuses activités. C'est difficile de rivaliser quand les concurrents ne réalisent pas de profits. Reste que cela n'est pas rentable. Cela finit par se transformer en course vers le bas", juge à cet égard Sucharita Mulpurru. De quoi maintenir la fameuse "guerre des prix" qui coûte tant aux agriculteurs.

Marina Torre

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Commentaires 2
à écrit le 21/09/2015 à 23:24
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Il serait utile que vos journalistes se relisent avant la publication d'un article, c'est navrant et encore plus pour un journal comme la Tribune. Article parsemė de fautes en tout genre, la qualité de vos rédacteurs diminue, dommage.

le 16/12/2016 à 16:20
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