Japon : la faiblesse du yen fait le bonheur des touristes

Le Japon, en grande partie en raison de la faiblesse de sa monnaie, voit déferler un nombre record de visiteurs au point que les autorités sont contraintes de prendre des mesures pour lutter contre le surtourisme. En revanche, la consommation des ménages nippons est en recul constant depuis mars 2023.
A partir de cet été, il faudra payer pour gravir le Mont Fuji qui attire de plus en plus de visiteurs.
A partir de cet été, il faudra payer pour gravir le Mont Fuji qui attire de plus en plus de visiteurs. (Crédits : Reuters)

Les touristes sont les rois au Japon. Si le yen fait en ce moment du yoyo, il reste à un niveau suffisamment bas pour doper le tourisme. En mars, l'archipel nippon a ainsi accueilli en mars quelque 3,1 millions de visiteurs étrangers selon l'Office national du tourisme japonais (JNTO), un record absolu sur un mois, autant attribué à la saison de la floraison des cerisiers qu'au taux de change avantageux.

« J'ai acheté trois paires de chaussures, ce que je ne fais absolument jamais. Ça valait vraiment le coup à cause du taux de change », se réjouit Katia Lelièvre, une touriste française de 36 ans interrogée par l'AFP dans le quartier touristique d'Asakusa, à Tokyo. Elle effectue son deuxième voyage au Japon cette année et convient que « s'il n'y avait pas eu ce taux de change avantageux je ne pense pas que je serais revenue ».

 « J'étais venue il y a cinq ou six ans et je me souviens que les prix étaient nettement plus élevés qu'aujourd'hui, en particulier pour les cosmétiques et les vêtements », abonde Dominique Stabile, une touriste italienne. Elle dit avoir dépensé beaucoup d'argent pour déguster la cuisine japonaise, qui est aussi « très bon marché. J'ai essayé tout ce que je voulais. »

Résultat. Un bol de nouilles ramen à 1.000 yens revenait à 8 euros en 2019 contre 5,8 euros en début de semaine. Et une montre de luxe qui se chiffrait à l'équivalent de 5.600 euros avant la pandémie ne vaut « plus » qu'environ 4.000 euros, les touristes pouvant en outre bénéficier d'une détaxe en présentant leur passeport.

Ce jeudi, 100 yens s'échangent 60 centimes d'euros.

Des réservations en hausse de 50% sur le marché français

Selon des statistiques de l'Agence japonaise du tourisme, les vacanciers australiens sont les plus dépensiers, suivis des Britanniques et des Espagnols. Et les Français, selon les derniers chiffres du syndicat des entreprises du tour-operating (Seto), sont de plus en plus nombreux à s'y rendre. Cet hiver (1er novembre 2023 - 30 mars 2024) , les tour-opérateurs membres du syndicat ont engrangé plus de 38 millions d'euros sur la destination, soit une progression de 86.3%. La recette unitaire est de 5.239 euros, en hausse de 9.2%. Et avec des réservations en hausse de 50% pour la saison estivale, soit plus de 9.000 clients, l'engouement ne se dément pas. Des tour-opérateurs comme Asia ou Voyages d'Exception ont ainsi pu souligner ces dernières semaines que la destination fait en effet partie des cartons de l'année.

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Revers de la médaille, les autorités japonaises ne cessent d'annoncer des mesures pour lutter contre le surtourisme. Dernière en date, la décision de la ville de Fujikawaguchiko prévoit de construire d'un filet à mailles de 2,5 mètres de haut et 20 mètres de long pour dissuader les visiteurs de s'y arrêter pour photographier le Mont Fuji : « C'est regrettable que nous soyons contraints de faire cela, parce que certains touristes ne respectent pas les règles », a expliqué vendredi à l'AFP l'un des responsables de la ville, se plaignant notamment de déchets laissés par les touristes ou encore d'entorses au code de la route. Kyoto, face aux comportements de certains touristes, s'est résolu à fermer certaines ruelles dans le quartier des geishas à Kyoto et il faudra payer cet été pour gravir le Mont Fuji.

Une faiblesse de la devise qui pèse sur la consommation des ménages

Si la faiblesse du yen fait le bonheur des commerçants et des touristes, elle pèse en revanche sur la consommation des ménages nippons, en recul constant depuis mars 2023, alors que les Japonais voient leur pouvoir d'achat fragilisé par l'inflation et cette faiblesse du yen, liée au décalage entre la politique monétaire accommodante du Japon et celles observées aux Etats-Unis ou en Europe.

Depuis le début de la semaine, les autorités sont soupçonnées d'intervenir pour freiner la chute du yen par rapport au dollar. Lundi, avant de se ressaisir, la devise a dégringolé face au billet vert jusqu'à 160,17 yens, un niveau atteint la dernière fois en 1990. Mercredi, un mouvement brutal a porté la monnaie japonaise jusqu'à 153,04 yens pour un dollar. A la clôture, la monnaie japonaise a légèrement reflué, à 154,57 yens pour un dollar, ce qui constitue tout de même une hausse de 2,08% sur la journée, une variation colossale sur ce marché où les fluctuations quotidiennes se limitent souvent à quelques dixièmes de points de pourcentage. Vers 01H30 GMT jeudi, la monnaie japonaise était cependant déjà retombée à 156,23 yens pour un dollar.

Ce rebond a été plus marqué encore que celui de lundi, qui avait été vu comme le résultat d'une initiative du Japon pour stopper la glissade de sa devise. Dans les deux cas, les autorités nippones se sont refusées à tout commentaire, le vice-ministre japonais des Finances, Masato Kanda, répétant jeudi matin selon l'agence Bloomberg que les données chiffrées seraient publiées fin mai. L'ampleur des mouvements de prix est « similaire à celle de l'automne 2022, lorsque le Japon est intervenu pour la dernière fois » sur le marché des changes pour arrêter la chute de la devise, a pour sa part remarqué Lee Hardman, analyste chez MUFG.

Et malgré la chute en apparence inexorable de sa devise, qui inquiète les autorités du pays, la banque centrale japonaise n'a pas modifié fin avril son taux directeur, maintenu entre 0% et 0,1%, et a gardé un ton plutôt accommodant. Une pause qui était largement attendue après l'amorçage en douceur en mars de la normalisation de la politique monétaire de la BoJ, qui avait alors mis fin à ses taux négatifs, l'outil le plus spectaculaire de sa politique ultra-accommodante.

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Commentaires 3
à écrit le 02/05/2024 à 19:14
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A l'évidence rien ne vaut un bon bain public dans les eaux vivifiantes des piscines de Fukushima... Godzilla en raffole!

à écrit le 02/05/2024 à 11:51
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Je suis déjà allé au Japon plusieurs fois et lors de mon dernier voyage en février 2024, j'ai pu profiter du ¥ faible à 150/€1 contre 120 les années précédentes. Il est vrai que de la chambre d'hôtel à moins de €50 petit déjeuner compris et repas et ...

à écrit le 02/05/2024 à 8:52
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Cela doit être un beau pays le Japon même si on se doute que rapaces de la finance n'ont jamais du aller s'y promener en montagne. Hé oui sacrifier son peuple sur l'autel de la marge bénéficiaire, même si on se doute que les américains n'ont pas du l...

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