Eolien en mer : les projets se multiplient, les polémiques aussi

Alors que les énergies marines renouvelables, notamment l’éolien offshore, ont généré plus de 4.800 emplois en France en 2020 avec huit projets sur les côtes françaises, les débat font rage sur les impacts de ces infrastructures. L’acceptabilité des nouveaux parcs est pourtant primordiale, font valoir l’Etat et la filière, qui défendent un accès à plus de gisement.
Marine Godelier
A Saint-Nazaire, où devrait être mis en service en 2022 le premier parc éolien en mer français, porté par EDF, près de 800 rencontres dont 300 réunions publiques et permanences ont déjà été organisées.
A Saint-Nazaire, où devrait être mis en service en 2022 le premier parc éolien en mer français, porté par EDF, près de 800 rencontres dont 300 réunions publiques et permanences ont déjà été organisées. (Crédits : Reuters)

« Outil essentiel pour la transition énergétique », selon le gouvernement, « passage en force » et « propagande » pour les opposants : les ambitions françaises dans l'éolien en mer divisent dans l'Hexagone. La fuite d'une centaine de litres d'huile par le navire foreur du futur champ offshore de Saint-Brieuc (Bretagne), la semaine dernière, n'a pas arrangé les choses : près de 400 pêcheurs ont manifesté samedi à Caen et à Dunkerque contre l'implantation de nouveaux parcs.

Mais si les esprits s'échauffent, le gouvernement compte bien construire de nombreuses infrastructures et ainsi rattraper son retard en la matière - causé entre autres par des années de procédures devant les tribunaux, du fait de recours d'associations anti-éoliennes. Tandis que le Royaume-Uni compte déjà près de 2.300 éoliennes offshore raccordées, et l'Allemagne un peu plus de 1.500, aucune installation ne tourne encore dans l'Hexagone.

Lire aussi Pourquoi l'éolien en mer devrait enfin décoller en France

Pour y remédier, l'Etat multiplie les appels d'offres - dont celui sur le huitième parc éolien en mer qui doit voir le jour au large des côtes normandes dès 2028, d'une puissance maximale de 1.000 mégawatts (le plus gros mis sur le marché à ce jour en France). Et promet la création de dizaines de milliers d'emplois locaux, permettant d'alimenter en énergie décarbonée des millions de foyers - en parallèle d'une augmentation des besoins en électricité et d'une baisse de la production nucléaire. Dans ses scénarios sur le futur mix énergétique, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE mise ainsi sur la production de 62 gigawatts (GW) d'éolien offshore en 2050 dans son hypothèse la plus haute, et de 22 GW a minima à cette même échéance. Le Syndicat des énergies renouvelables, lui, planche sur un objectif de 50 GW en 2050, « ce qui nécessite d'occuper un peu moins de 3% de la zone maritime française », selon son président Jean-Louis Bal.

Plus de 4.800 emplois dans les territoires

Force est de constater que le train est aujourd'hui lancé : les énergies marines renouvelables ont généré « plus de 4.800 emplois en France » en 2020, année marquée par le lancement des chantiers des deuxième et troisième parcs, s'est félicitée la filière mardi, à l'occasion de son bilan annuel. Quelque 1,5 milliard d'euros ont été investis dans le secteur l'an dernier, trois fois plus qu'en 2019 - du fait de la construction et du raccordement de ces trois parcs. Et le chiffre d'affaires des prestataires et fournisseurs a bondi « de 173%, à 833 millions d'euros ». Surtout, et c'est une première, la majorité de leur activité est désormais liée au marché domestique (71%).

« L'année 2020 marque un changement d'échelle pour la filière française, qui connaît un décollage grâce à la construction du premier parc français à Saint-Nazaire, et au lancement des chantiers de ceux de Fécamp et Saint-Brieuc », a noté Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster maritime français, à l'origine de l'Observatoire des énergies de la mer.

Ressource halieutique

Pourtant, face à ce tableau prometteur, des voix continuent de s'élever dans les territoires concernés. « L'implantation des éoliennes va énormément modifier les écosystèmes et les fonds marins. On va se retrouver avec quasiment 20 à 30% de ressources en moins », alertait samedi à l'AFP l'un des organisateurs de la manifestation caennaise Philippe Calone.

Un enjeu de préservation de la vie marine pleinement pris en compte dans la construction de nouveaux parcs, assure le gouvernement. « On a besoin de bien mettre en synergie les enjeux énergétiques et de biodiversité, et on mène un travail pour essayer de limiter les impacts », a déclaré mardi Barbara Pompili. Quant au risque pour les oiseaux d'être heurtés par une pale, la ministre l'assure, il sera limité : « pour les prochains champs offshore en Méditerranée, un travail est mené sur les trajets migrateurs » afin de ne pas y construire d'éolienne, a-t-elle certifié. Et d'insister sur l'exigence d'une « exemplarité », après l'incident de Saint Brieuc. « On voit que c'est tout de suite récupéré par ceux qui veulent nuire à la bonne image des énergies renouvelables », a regretté Barbara Pompili.

Pour ce faire, le gouvernement travaille à une meilleure planification. Celle-ci est aujourd'hui menée dans le cadre du document stratégique de façade, qui définit les orientations de la politique maritime et littorale de l'Etat, et fera l'objet d'une consultation publique tout l'été. « Cela prend la forme d'une carte qui dit que dans telle zone il faut plutôt privilégier le transport, l'éolien ou la pêche » a précisé Xavier Ducept, directeur de cabinet de la ministre de la Mer, Annick Girardin.

« Pour prévoir où seront installés des champs d'éoliennes, [...] on doit encore améliorer deux choses : les études scientifiques d'impacts potentiels, et la pédagogie autour des ces études. Mieux intégrer les éoliennes dans leur espace par par la pédagogie, la territorialisation de la construction des champs, et la réouverture aux usages maritimes », a-t-il précisé.

Pédagogie et concertation

Encore faut-il convaincre les acteurs sur le terrain. A Saint-Nazaire, où devrait être mis en service en 2022 le premier parc éolien en mer français, porté par EDF, près de 800 rencontres, dont 300 réunions publiques et permanences, ont déjà été organisées, a expliqué Olivier de la Laurenie, porteur du projet. Grand public, associations, riverains : « Ces rencontres nous ont souvent amenés à faire des émargements, car un tel projet ne se décrète pas comme ça », a-t-il souligné.

De telle sorte que la population a « énormément adhéré », a assuré le maire de Saint-Nazaire, grâce à la mise en « proximité avec ceux qui rencontraient des nuisances ». Et ce, malgré le creusement d'une longue tranchée, de manière à raccorder les câbles au port et alimenter le réseau en électricité.

« Les maîtres-mots sont pédagogie et concertation. L'enjeu pour la construction d'une filière industrielle est d'embarquer les acteurs industriels, mais surtout l'économie vivant sur le territoire, notamment les pêcheurs, et l'ensemble de la population », a-t-il ajouté.

Au Havre, où une usine de Siemens Gamesa produira les éoliennes des parcs de Dieppe, Fécamp, Courseulles sur mer, Saint Brieuc et Yeu-Noirmoutier, la question de l'acceptabilité est aussi primordiale. Le but : « permettre aux concitoyens de visualiser la transition énergétique », a fait valoir Frédéric Petit, directeur chez Siemens Gamesa. « Une centrale à charbon à fermé à quelques centaines de mètres, c'est emblématique. »

Des impacts mal connus

Mais la partie reste loin d'être gagnée, alors que de nombreux opposants demandent un arrêt immédiat des travaux en cours. Car malgré les bonnes intentions, l'environnement en mer reste mal connu, et les impacts potentiels difficiles à estimer. « On a besoin d'organiser et d'exploiter les retours d'expérience des parcs construits en Europe, pour lesquels les maîtres d'ouvrage ont mené des études approfondies sur la faune et la flore [...] même s'ils ne font pas forcément applicables à la situation française », a insisté Jean-Louis Bal.

Lire aussi 5 mnL'éolien flottant : une condition sine qua non pour atteindre la neutralité carbone en France

Pour ne pas naviguer à vue, RTE finance dix projets de R&D dans le domaine de la biodiversité marine, pour mesurer les impacts des installations et des ouvrages électriques en exploitation. « Les premiers résultats sont plutôt encourageants sur la coexistence avec la biodiversité marine. Dans certains endroits, cela peut même renforcer la ressource halieutique », a ainsi affirmé Régis Boigegrain, directeur des affaires maritimes de RTE.

Reste que l'organisation des travaux est un moment critique. Si à l'intérieur même des parcs, l'activité de pêche devra être maintenue pendant la période d'exploitation de l'éolienne, cette exigence ne sera probablement pas appliquée sur les chantiers, où les écosystèmes seront plus mis à mal.

Marine Godelier

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Commentaires 27
à écrit le 24/06/2021 à 14:40
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Tien! Encore un génie inconnu qui va expliquer aux pro du domaine comment faire une éolienne et par ailleurs spécialiste en économie énergétique qui va aussi expliquer à ces autres spécialistes exploitant que sur terre une éoliennes n'est pas rentabl...

à écrit le 23/06/2021 à 20:02
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Il y a qd même une technologie prometteuse et made in France qui pourrait concilier tt le monde: l'éolien flottant offshore présentant de multiples avantages : peut être installé facilement par chaînes sur corps mort ( à la manière du mouillage sur c...

à écrit le 23/06/2021 à 13:40
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Autant je comprend sans prendre parti qu'en campagne quelques locaux tentent d'en ôter la construction, l'éolien en mer je suis pour, et la majorité des râleurs ne sont même pas de familles du coin et se mèlent de se qui ne les regarde pas. Pour les...

le 23/06/2021 à 14:43
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votre intuition est confirme par une etude d ecocompatibilite sur la premiere ferme offshore americaine de Rhodes island

à écrit le 23/06/2021 à 12:25
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Le lobby des gros pêcheurs qui ont anéantie la vie sous marine on se doute, alors qu'il conviendrait surtout de ne plus jamais les écouter ces gens là seulement guidés par leur pathologique cupidité détruisant le monde en ronflant. L'Empire des faibl...

le 23/06/2021 à 12:45
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Et j'oublie toujours le lobby nucléaire qui au lieu de nous faire du nucléaire sûr préfère bêtement cracher sur les concurrents.

à écrit le 23/06/2021 à 12:14
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Il faut 300 éoliennes 24/24 heures... AVEC un Vent suffisant pour arriver à la puissance d'un EPR qui fournit 1600 mégawatts en continu, toute l'année, avec une emprise au sol de quelques dizaines d'hectares.

le 23/06/2021 à 14:22
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Faux . il faut 106 eoliennes offshores derniere generation, 15 MW, produite en France, avec de l ex technologie francaise, vendue par Alstom a General Electric, (en 2010, seule la france avait la technologie des moteurs electriques de grande puissanc...

le 24/06/2021 à 8:43
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La plus grosse éolienne d'Alstom fait 6 MW. Un EPR fait 1500 MW. Il faut donc, à pleine charge, 250 éoliennes pour remplacer un EPR. Mais une éolienne ne produit que 25 % de sa puissance nominale , en moyenne (Vents faibles, maintenance) , un EPR 75...

le 24/06/2021 à 13:58
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Le gigantisme nucléaire s'est depuis longtemps trompé de cible en l'ayant dépassé. La vrai cible c'est de fournir l'électricité à des millions de clients répartis sur tout le territoire depuis le moyen de production le plus proche possible, et non ...

le 24/06/2021 à 14:00
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Le gigantisme nucléaire s'est depuis longtemps trompé de cible en l'ayant dépassé. La vrai cible c'est de fournir l'électricité à des millions de clients répartis sur tout le territoire depuis le moyen de production le plus proche possible, et non ...

à écrit le 23/06/2021 à 11:40
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Ce qui fait cruellement défaut pour les champs d'éoliennes c'est ce qui se fait dans toutes les entreprises industrielles à savoir: un projet avec ses coûts ses avantages, ses inconvénients, comment il s'intègre dans la production électrique , commen...

le 23/06/2021 à 14:09
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demandez aux britanniques ou aux allemands. ou mieux tentez de vous informer (internet )

le 24/06/2021 à 1:47
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Heureusement que le nucléaire français est là pour compenser le manque d'énergie allemand quand le vent et le solaire fait défaut.

à écrit le 23/06/2021 à 11:22
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En 2020, plus de 500 milliards de dollars ont été investis dans les technologies de la transition énergétique dans le monde. L'Europe a capté une part significative de ces investissements, à la faveur de projets géants dans l'éolien en mer au Royaume...

à écrit le 23/06/2021 à 9:25
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@Brehat : si vous vous préoccupez de l'avenir de la planète, comme nous tous, veuillez faire preuve de nuance dans vos analyses ! En France, les émissions de CO2 sont extrêmement faibles grâce au parc nucléaire. Le développement de l'éolien doit s'ac...

le 23/06/2021 à 9:54
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La composante électricité ne pèse que 23% de l'énergie finale consommée en France (à 70% nucléaire) soit une part de 17% pour l'atome. De plus , vos faites quoi des autres énergies dont celle du pétrole et du gaz qui domine en France dans les secteu...

le 24/06/2021 à 14:15
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Faux, ces moyens sont d'abord le foisonnement quand une éolienne des Landes remplace une éolienne d'Alsace par exemple. Ensuite vient l'hydraulique s'il n'y a du vent et du Soleil nulle part.... Mais comme pour le nucleaire qui lui est obligé d'y fai...

à écrit le 23/06/2021 à 9:15
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C'est horrible et inefficace, ces éoliennes et de plus polluantes. Privilégions le solaire, l'hydrogène et l'isolation thermique des logements, le nucléaire nouvelle génération . En agriculture aussi , la pollution peut-être sensiblement réduite. Nos...

le 24/06/2021 à 14:26
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Pourquoi vous en prendre aux éoliennes en les qualifiant d'hoorble et inefficaces ? Elles sont plus horrible qu'un pylône ? Quant à l'efficacité qu'elle est votre competances en la matière ? Et le nouveau nucléaire, c'est quoi exactement ? L'EPR ?...

à écrit le 23/06/2021 à 2:28
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L'éolien est une énorme pompe à subvention, le projet Européen pour la baie de Saint Brieuc est un écocide destructeur d'emplois

le 23/06/2021 à 9:58
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C'est bizarre que le sujet éolien déchaine autant de passions en France tandis que l'EPR de Flamanville est passé de 3,3 MILLIARDS d'Euros pour sa réalisation à bientôt … 20 MILLIARDS d'Euros avec un coût de production d'électricité déjà annoncé à mi...

le 24/06/2021 à 14:29
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La première pompe à subvention en France, c'est le nucléaire

à écrit le 22/06/2021 à 20:20
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Les champs d'éoliennes sont un non sens : tout comme les panneaux photovoltaïques, il s'agit de technologies d'appoint pour des zones reculées et de petites îles. Sur le continent, seules les centrales nucléaires sont aujourd'hui optimales et on devr...

le 23/06/2021 à 9:04
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Ah bon ? De l appoint? Comment expliquez vous que certains pays en retirent 40-60% de leur énergie électrique ( Danemark etc…) même l’ allemagne a du photovoltaïque au nord du pays on a pas - plus le choix Les récentes masses d aie qui ont causé d...

le 23/06/2021 à 15:53
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Il y a 2 types de champs d'éoliennes en pratique :à terre faible rendement, tournent pas tout le temps, c'est un investissement peu rentable et peu facile à gérer. En mer ça n'a rien à voir, en mer il y a toujours du vent : brise de terre, brise d...

le 24/06/2021 à 14:34
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Mais vous, le truc, qui êtes un expert mondialement reconnu comme en atteste votre notoriété, vous savez mieux que le reste du monde..... Quelle chance nous avons de vous avoir. Heureusement que vous êtes là pour nous expliquer ce qu'il faut faire, j...

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