Île-de-France : quels sont les enjeux de l'entre-deux tours ?

En Île-de-France, la lutte finale pour la présidence du conseil régional s'annonce très serrée entre Claude Bartolone et Valérie Pécresse, alors que la région semblait pourtant promise à cette dernière. L'entre-deux-tours s’avère décisif.
Mathias Thépot
Après le premier tour, qui est réellement en ballottage favorable en Île-de-France ?

La satisfaction domine à gauche après le premier tour des élections régionales. Avec seulement 5,3 points de retard sur la liste de la droite et du centre (LR-UDI-MoDem) menée par Valérie Pécresse, (25,2 % contre 30,5 % des voix), le candidat du PS Claude Bartolone peut avoir le sourire : il a déjoué les pronostics des sondages qui lui donnaient près de 10 points de retard sur sa rivale de droite.

Or, la réserve de voix à gauche est bien plus importante qu'à droite. Les listes EELV et du Front de Gauche menées par Emmanuelle Cosse et par Pierre Laurent ont en effet réalisé respectivement 8 % et 6,6 % au premier tour. Seul réservoir significatif à droite pour Valérie Pécresse, la liste Débout la France de Nicolas Dupont-Aignan a pour sa part réuni 6,5 % des suffrages. Au total, si l'on exclut la liste Lutte Ouvrière de Nathalie Arthaud (1,4 %) qui n'appellera vraisemblablement pas à se rallier à Claude Bartolone, l'addition des blocs de gauche atteint 39,85 %, alors que ceux de droite regroupent 39,41 % des suffrages.

La droite repart en campagne

Il y a donc un réel espoir pour la gauche de l'emporter au second tour, alors même qu'elle était donnée perdante dans tous les sondages durant la campagne. A l'inverse, Valérie Pécresse, consciente du faible réservoir de voix, « repart en campagne dès lundi » assure-t-on  dans son entourage, afin notamment de convaincre certains électeurs de Nicolas Dupont-Aignan, du Front National de Wallerand de Saint-Just (18,4 %), ainsi que des abstentionnistes.

Loin d'être rédhibitoire, la déconvenue de la droite francilienne lors de ce premier tour peut toutefois poser la question de la stratégie menée par Valérie Pécresse. Car un  véritable boulevard s'ouvrait à elle pour qu'elle l'emporte : le contexte national est très favorable aux candidats de la majorité ; le contexte régional, marqué par la longue présidence de Jean-Paul Huchon (1998-2015) appelle à un changement;  l'investiture de Claude Bartolone fut très tardive - à la fin du premier semestres 2015  ; et la connaissance des dossiers franciliens de la candidate de droite qui avait déjà brigué la présidence de la région il y a 5 ans, n'est plus à démontrer.

Pécresse aura besoin de Dupont-Aignan

Tout ce contexte a pourtant été battu en brèche lors du premier tour des élections. En fusionnant les listes de la droite et du centre, tout en orientant sa campagne très à droite sur des thèmes comme le logement, la lutte contre la fraude ou la sécurité dans les transports, Valérie Pécresse n'a pas réussi séduire comme elle le souhaitait.

Désormais, elle est donc contrainte de s'appuyer sur les voix de Nicolas Dupont-Aignan, avec qui les tractations sont en cours, pour l'emporter. Mais il ne sera pas aisé à convaincre. D'autant que ses électeurs sont aussi chassés par le FN de Wallerand de Saint-Just. Une chose est sûre : pour espérer la victoire, Valérie Pécresse devra faire le plein de voix à droite, et en arracher quelques-unes à l'extrême droite.

Convaincre les électeurs de gauche

A gauche, la problématique est différente, car le Front de gauche et EELV siègent déjà au conseil régional avec le PS. Ils travaillent ensemble depuis plusieurs années à la région. Le Pass navigo à tarif unique est notamment le fruit d'une élaboration collective, aiment à rappeler les leaders des trois partis. Certes les tractations, aussi, vont bon train depuis hier soir, il est à prévoir que les trois listes arrivent à un accord de fusion.

C'est en fait davantage les électeurs de gauche qu'il faudra convaincre. Car il n'est pas certain que les électeurs du Front de Gauche soient très enthousiastes à l'idée de voter au second pour Claude Bartolone qui représente, du haut de sa stature de président de l'Assemblée nationale, la majorité présidentielle qui a renié la plupart des promesses faites à la gauche en 2012. Les sondages qui précédaient le premier tour s'accordaient d'ailleurs pour prévoir que le tiers des électeurs du Front de Gauche au premier tour n'iront pas voter Claude Bartolone au second, et préfèreront très majoritairement s'abstenir.

Du côté des écologistes, les reports de voix prévus seraient plus significatifs en proportion, même si les évènements récents autour de la Cop 21 qui ont vu des perquisitions dans plusieurs endroits en France chez des sympathisants écologistes au nom de l'état d'urgence, sont à prendre en considération.

Pas de risque FN

Du reste il ne faut pas oublier que, contrairement aux autres régions, il n'y a pas de « risque Front national » en Île-de-France puisque Wallerand de Saint-Just est très en retard sur ces deux principaux concurrents.

Les électeurs de gauche qui n'ont pas voté PS au premier tour, et les abstentionnistes ayant une sensibilité de gauche ne sont donc pas « contraints » de se mobiliser pour faire barrage au FN. Pourtant avec un taux d'abstention 54,11 %, l'Île-de-France est l'une des régions où l'on a le moins voté hier. Le potentiel de récupération de voix est donc important. Mais au regard de la configuration de l'élection, il y a peu de chances que l'un des deux favoris à la présidence de la région puisse récupérer les voix des abstentionnistes.

Mathias Thépot

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