Free, motivé et confiant, prépare une nouvelle offre sur T-Mobile USA

Iliad, la maison-mère de l’opérateur, discute avec des partenaires financiers et industriels en vue d’améliorer son offre de 15 milliards de dollars. L’objectif est de proposer à Deustche Telekom de lui racheter l’intégralité de ses parts du n°4 américain du mobile. La Bourse s’inquiète : le titre a chuté de 9%.
Delphine Cuny
Xavier Niel se targue d'avoir "la meilleure équipe télécoms du monde" pour réussir son pari américain.

T-Mobile USA est « une opportunité unique » pour Iliad, pour « un maverick », un acteur non-conformiste voulant créer la rupture sur le marché américain, « le premier marché au monde en valeur » a plaidé Thomas Reynaud, le directeur financier de la maison-mère de Free, en présentant ce lundi les résultats semestriels de l'opérateur. La direction d'Iliad est plus que jamais motivée par son aventure américaine, bien que son offre à 15 milliards de dollars en cash, l'équivalent de 33 dollars par action, dévoilée le 31 juillet, ait été rejetée par Deutsche Telekom, l'actionnaire principal du quatrième opérateur mobile aux Etats-Unis. Elle travaille à une amélioration de son offre même si elle n'a toujours pas eu accès à la « data room », aux livres de comptes de T-Mobile USA pour mener les audits d'acquisition (« due diligence »).

 « Notre offre est toujours valable et encore plus pertinente, puisqu'à l'époque il y avait une offre concurrente » a relevé le directeur financier, en référence à celle de l'opérateur américain Sprint, qui proposait 40 dollars et s'est retiré de la course. « Notre offre peut évoluer, pas spécialement en termes de valeur mais en part du capital. Elle a certains mérites : elle ne comporte aucun risque antitrust, elle est financée et présente une prime importante par rapport au cours [avant les rumeurs de rapprochement avec Sprint]. Sur certains sujets comme la participation résiduelle de Deutsche Telekom, le débat peut être ouvert » a-t-il ajouté.

Nouvelle offre en vue mais discipline financière

 L'offre du 31 juillet ne porte que sur 56,6% du capital de T-Mobile USA, dont l'opérateur allemand détient 67%. Il y a des « réflexions en cours » en vue de proposer « une offre sur une part plus importante du capital, avec des partenaires », financiers (fonds de private equity) ou industriels, notamment américains, qui ont « frappé à [la] porte [d'Iliad] dès la mi-juillet. » C'est clairement « une des options sur la table. » Il faudrait donc mobiliser au minimum 2,7 milliards de dollars de plus, voire 4 milliards si l'offre est relevée à 35 dollars par action, le niveau auquel Deutsche Telekom serait prêt à négocier selon l'agence Bloomberg.

L'opérateur français voudrait donc s'allier - la rumeur cite notamment le fonds Blackstone et l'opérateur satellitaire Dish - pour se lancer dans cette aventure sans trop alourdir son bilan : « Iliad c'est 15 ans de discipline financière. Nous ne ferons jamais d'offre qui porterait notre endettement à des niveaux inconsidérés » a insisté le directeur financier, à savoir au maximum un ratio de dette nette représentant 4,5 fois l'excédent brut d'exploitation et une augmentation de capital de 2 milliards d'euros pour restreindre la dilution.

 La consolidation du marché français plus à l'ordre du jour

Ces propos n'ont pas suffi à rassurer les marchés. L'action Iliad a dévissé de près de 9% lundi, retombant à son plus bas niveau depuis janvier : ce sont 860 millions de capitalisation boursière évaporés, à 8,8 milliards d'euros, et une perte de valeur de 470 millions pour Xavier Niel. Les investisseurs ont des craintes à l'égard de cette opération et des implications pour le marché français : envolés, les espoirs d'accalmie sur les prix, de concentration avec un rachat de Bouygues Telecom. Les dirigeants d'Iliad ont d'ailleurs été très clairs sur le sujet.

« La consolidation du marché français n'est plus à l'ordre du jour pour nous. Nous sommes sur un projet plus excitant, plus ambitieux » a déclaré le directeur général Maxime Lombardini. « Iliad est l'acteur qui en a le moins besoin ; la consolidation est secondaire pour nous » a renchéri Thomas Reynaud.

Le directeur général a aussi fait valoir que Bouygues Telecom ne semblait « pas vraiment à vendre » et que les attentes de Bouygues étaient « trop élevées. » Interrogé sur l'impact que pourrait avoir son aventure américaine sur la marge de manœuvre commerciale de Free en France, son marché domestique et historique, le directeur financier a assuré qu'Iliad a « structuré [son] offre sur T-Mobile de telle sorte que [son] activité française ne sera en rien affectée par ce mouvement stratégique aux Etats-Unis. »

Le même ADN non-conformiste et commercialement agressif

 Au-delà des finances, Iliad a-t-elle les moyens humains de ses ambitions américaines ? Free a « la meilleure équipe télécoms au monde » s'est targué Xavier Niel, le fondateur et principal actionnaire (55% du capital), lors de la conférence avec les analystes. Avec une équipe de management certes reconnue mais resserrée et 80% de ses 7.000 salariés dédiés à la relation abonnés (centres d'appel principalement), la maison-mère de Free peut-elle prendre les commandes d'un opérateur aux 47 millions de clients (trois fois plus que lui) et 33.000 collaborateurs ?

La direction d'Iliad compte s'appuyer sur « l'équipe très performante déjà là-bas », autour du directeur général John Legere, ainsi que sur « d'anciens managers » de l'opérateur français, notamment le bouillant Michael Boukobza, l'ancien directeur général d'Iliad, surnommé « bazooka », et Olivier Rosenfeld, l'ancien directeur financier, qui pourraient se joindre à l'aventure, a indiqué Thomas Reynaud. Un tandem de choc pour mener la chasse aux coûts superflus : Iliad a en effet détaillé les 10 milliards de dollars de « synergies » mentionnés fin juillet. Il s'agit en fait de réaliser 2 milliards de dollars d'économies par an, sur les dépenses en équipements de réseau, en informatique et frais généraux, sur la relation client, le marketing, etc (voir le transparent p.28), soit 10 milliards en valeur actualisée.

« T-Mobile a un ADN relativement proche de celui de Free, un positionnement de « maverick » agressif commercialement depuis 18 mois mais une structure de coût qui n'est pas adaptée à cette politique commerciale » a fait valoir Thomas Reynaud. Pour autant, « nous n'allons pas faire un copier-coller de Free aux Etats-Unis. Nous sommes très conscients des spécificités du marché américain. »

Certaines fonctions sous-traitées pourraient être ré-internalisées (système informatique, centres d'appel). Free est convaincu de pouvoir mieux gérer T-Mobile qu'il ne l'est aujourd'hui. « Nous avons eu la chance de démarrer l'activité mobile d'une page blanche, sans avoir à gérer d'historique » ont souligné les dirigeants, ce qui leur a permis de concevoir une structure de coûts « de manière iconoclaste. »

Une idée de Xavier Niel

 L'idée de cette acquisition viendrait « du management d'Iliad, de Xavier Niel particulièrement, pas de banquiers d'affaires » a assuré le directeur financier. Le milliardaire des télécoms a investi à titre privé dans de nombreux opérateurs dans le monde, dont Golan Telecom en Israël (avec Michael Boukobza) er Monaco Telecom, mais aussi « d'autres qui ne sont pas connus. » Mais cette fois-ci il s'agit d'un projet d'Iliad or la société s'attend à enregistrer encore « trois ou quatre ans de croissance en France » et se projette donc au-delà, à cinq ou dix ans. Un pari audacieux, à l'image de son fondateur, mais que les investisseurs ne semblent pas avoir envie, pour l'instant, d'accompagner.

Delphine Cuny

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 02/09/2014 à 14:23
Signaler
il a écrémé les zones rentables et laissé les autres à charge de l'opérateur historique, ce grâce aux régles anticoncurrentielles mises en place par le régulateur, tous les avantages particuliers incroyables, il ne cesse de critiquer mais ne fait que...

le 02/09/2014 à 16:23
Signaler
Un certain Mr B. a distribué en dividende et il n'a jamais investi dans la fible et l'ADSL. Donc il n'a rien compris. Certains ont du fric et ils ont tout compris et d'autres n'ont rien compris. Au moins, il a le mérite de comprendre ou d'essayer de...

à écrit le 02/09/2014 à 6:30
Signaler
C'est une nécessité pour Iliad de trouver de nouveaux débouchés de développement, car une fois le marché français consolidé avec deux poids lourds Deutch Telecom/Orange, Numericable/SFR et quelques autres en Europe rachetés par Drahi, les deux restan...

à écrit le 01/09/2014 à 20:02
Signaler
Les marchés ont réagi...Comment Xavier Niel ose-il ne serait ce que penser conquérir l'Amérique.... Pas d'ARCEP pour obtenir des avantages scandaleux ( terminaisons d'appels- licences au rabais, délais pour la couverture, délais pour les investisse...

le 02/09/2014 à 22:34
Signaler
Je ne partage pas cet avis. Le réseau cuivre a été financé par les impôts du contribuable et ne présente pas d'amortissement. La redevance en dégroupage pour la boucle locale (8 euros/mois par ligne), et encore plus pour les zones non de groupées (15...

à écrit le 01/09/2014 à 18:51
Signaler
Dans les années à venir on risque de voir des consolidations sur le secteur. Deutch Telecom/Orange Numericable/SFR + quelques autres rachetés par Drahi Iliad/T-mobile

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.