Télécoms : les opérateurs européens renforcent leur pression sur Bruxelles

Dans une lettre adressée à Donald Tusk, le président du Conseil européen, Orange, Deutsche Telekom et Telefonica redemandent à l’Union Européenne une réforme de la régulation du secteur. Les opérateurs souhaitent être logés à la même enseigne que les fournisseurs de services Internet qui utilisent leurs réseaux sans y investir. Entre autres.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le patron d'Orange, plaide pour une consolidation au niveau français et européen pour favoriser les investissements. Une opinion que ne partage pas Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence.

La bataille entre les acteurs télécoms traditionnels et les acteurs Internet se poursuit. D'après le Financial Times, les dirigeants des plus importants opérateurs européens se sont fendus récemment d'une lettre à Donald Tusk, le président du Conseil européen. Dans cette missive, ils appellent Bruxelles à lancer urgemment une réforme de la régulation du secteur. Les géants Orange, Deutsche Telekom, KPN et Telefonica ont notamment signé cette lettre. Ils y fustigent « le traitement asymétrique entre les opérateurs traditionnels de communications et les acteurs Internet ».

Dans leur mire, figure les fournisseurs de services Internet et les nouveaux entrants comme Whatsapp, l'application de messagerie instantanée. De fait, si ceux-ci utilisent les coûteux réseaux des opérateurs traditionnels, ils n'y investissent pas un centime. Ce qui suscite, depuis longtemps, l'ire des Orange ou Telefonica : à leurs yeux, il faut sans traîner que l'UE procède à « une révision profonde » des règles qui régissent actuellement le secteur des télécommunications. En d'autres termes, ils appellent à l'émergence d'un cadre plus « équitable », en prenant en compte « les changements dramatiques » liés à la révolution digitale et aux nouvelles habitudes des consommateurs.

La neutralité du Net fait jaser

Les opérateurs européens n'en sont pas à leur coup d'essai. Depuis plusieurs mois, ils ne cessent d'accroître la pression envers Bruxelles, craignant des règles européennes plus restrictives. Or, le secteur, où la concurrence fait rage et ou les investissements se chiffrent en milliards d'euros, fait face à l'appétit grandissant des GAFA  (Google, Apple, Facebook et Amazon). Grands consommateurs de bande passante, ces ogres américains affichent de fortes croissances, tout en bénéficiant de largesses fiscales sur le Vieux continent, en s'installant par exemple au Luxembourg ou au Pays-Bas.

Au début du mois de mai, la Commission européenne a dévoilé son agenda digital. Le Commissaire européen en charge du Numérique, Günther Oettinger, a insisté sur la nécessité de mettre en place dès que possible un marché unique du numérique. Destiné à favoriser l'émergence de « champions européens » du numérique face aux géants américains, l'initiative porte sur des sujets-clés pour les télécoms, comme la régulation et la concurrence du secteur, ou la défense de la neutralité du Net.

La concentration, une « évidence économique » ?

Sur tous ces sujets, les acteurs traditionnels des télécommunications se montrent de plus en plus pressants. Concernant la neutralité du Net - un principe qui suppose que toutes les données en ligne doivent être traitées de façon équitable -, les opérateurs en appellent à une certaine flexibilité. Au mois de mars, lors du Mobile World Congress de Barcelone, Tim Hoettges, le DG de Deutsche Telekom, a déclaré : « Nous sommes favorables à la neutralité du Net, mais nous avons besoin de différentes catégories de qualité pour que de nouveaux services comme l'Internet des objets soient possibles. »

Alors que le secteur des télécoms est en pleine consolidation, ses acteurs sont nombreux à voir ces rapprochements et fusions une nécessité pour soutenir les investissements dans leurs réseaux face à des internautes et mobinautes toujours plus voraces. « La concentration horizontale est une évidence économique. C'est le besoin en investissement, dans la fibre, la 4G, les fréquences qui déclenche la consolidation », estimait Stéphane Richard il y a quelques mois, interrogé par Bloomberg au Forum économique de Davos. Depuis quelques temps, le patron d'Orange ne cesse de plaider en faveur d'une poursuite de la consolidation. Ce mardi, lors de la conférence Digiworld Future 2015 organisée par le think thank Idate, il a remis le couvert. Il a rappelé qu'en dehors du Vieux continent, et notamment aux Etats-Unis, « il y a beaucoup moins d'opérateurs » pour « des marchés qui sont infiniment plus importants que les plus grands pays européens ».

Une vision que tous ne partagent pas à Bruxelles. Lundi, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a fait part de sa préoccupation. « Les opérateurs disent que s'ils ne peuvent pas fusionner avec leurs concurrents dans un pays, ils ne pourront pas investir suffisamment. J'ai souvent entendu ce discours, mais je n'en ai jamais eu la preuve. » Pour elle, « il y a de nombreux exemples où une consolidation excessive débouche sur une moindre concurrence, un renchérissement des factures payées par les consommateurs et une moindre innovation ». De quoi donner du fil à retordre aux opérateurs.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 19/06/2015 à 15:56
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en entravant la liberté d’entreprendre et en obligeant la marché télécom à être administré (par des régulateurs qui imposent leurs lois, leurs technos, sans rien connaitre du terrain), en balkanisant le marché avec 159 opérateurs en europe quand il e...

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