Parent pauvre des politiques climatiques, l'adaptation au changement climatique doit désormais devenir un réflexe pour chaque décision d'investissement. L'exécutif en est convaincu et entend bien montrer l'exemple. Selon nos informations, le gouvernement va s'engager à prendre systématiquement en compte cet enjeu pour toute rénovation de ses passoires énergétiques ou investissement dans un bâtiment public. Gendarmerie, centre des impôts, universités... Au total, quelque 100 millions de mètres carrés de bâtiments seraient concernés.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, désormais en charge de l'Energie, et Christophe Béchu, au ministère de la Transition écologique, feront part de cet engagement ce matin à Bercy, à l'occasion d'une réunion de lancement de travaux sur l'adaptation des entreprises au changement climatique. Y sont conviés les représentants des filières économiques, du tourisme au transport, en passant par l'énergie et le bâtiment, mais aussi les organisations syndicales et patronales.
Les transports et l'énergie en première ligne
« Le changement climatique et ses conséquences n'est plus un risque. Ils sont déjà visibles, c'est une certitude », souligne l'entourage de Bruno Le Maire. « S'adapter aux effets du changement climatique, ce n'est pas renoncer aux objectifs d'atténuation [qui consistent à diminuer les émissions de gaz responsables du réchauffement de l'atmosphère]. Les deux peuvent aller de pair », abonde le cabinet du ministère de la Transition écologique.
L'objectif de cette réunion, première d'une longue série, vise surtout à sensibiliser les entreprises, encore peu habituées à envisager un panel de scénarios dans l'élaboration de leur stratégie de développement. Comment les températures élevées vont impacter les conditions de travail, notamment en extérieur ? Les trains pourront-ils encore rouler quand il fera 40 degrés ? Les niveaux d'eau des fleuves seront-ils suffisamment élevés pour la navigation des bateaux de marchandises ? Les réseaux électriques pourront-ils faire face aux tempêtes ? Les infrastructures portuaires pourront-elles encore fonctionner avec la montée des eaux ?
Alors que le niveau de sensibilisation reste très inégal, les deux ministres devraient, dans un premier temps, demander à deux filières stratégiques et très exposées à ces changements, que sont les transports et l'énergie, de leur présenter un plan d'adaptation d'ici quelques mois.
Créer « un réflexe adaptation »
Plus généralement, les réunions de travail à venir visent à déclencher un « réflexe adaptation dans tous les investissements », insistent les deux cabinets, afin « d'éviter des investissements plus coûteux par la suite ». Le raisonnement paraît logique : une PME qui vérifie aujourd'hui que l'emplacement où elle souhaite construire son futur entrepôt ne se situe pas dans une zone inondable à l'horizon 2030, n'aura pas à délocaliser ce même entrepôt à peine quelques années après sa construction.
L'idée est aussi « d'éviter la mal-adaptation, c'est-à-dire de se tromper de chemin et de réaliser que les modes d'action initialement choisis ne sont pas les bons », ajoute l'entourage de Christophe Béchu. L'enjeu est colossal : une France pas ou mal adaptée pourrait coûter entre deux et cinq points de Produit intérieur brut (PIB) d'ici 30 ans, c'est-à-dire entre 50 et 125 milliards d'euros de perdus pour l'économie française.
Une stratégie nationale finalisée d'ici à l'été
En parallèle de ces travaux sectoriels avec les différentes filières, le gouvernement planche sur l'élaboration d'un Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC). En phase de finalisation, ce plan doit être mis en consultation en mars pour une présentation officielle l'été prochain. Il devrait comprendre une cinquantaine de mesures, dont certaines pourraient se traduire sur les plans législatif et réglementaire.
Mais quid des moyens pour mettre en œuvre cette stratégie nationale ? Les cabinets des deux ministères se sont abstenus de donner un chiffre précis. Bercy a toutefois rappelé que sur les 40 milliards d'euros de dépenses vertes prévues au budget 2024, « 26 milliards répondent directement ou indirectement aux enjeux d'adaptation ».
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