Entre records alarmants et progrès accomplis, voici le bilan climatique de l'année 2023

Températures record, sécheresses, mégafeux... comme l'année dernière, 2023 ne fait malheureusement pas exception en matière d'événements climatiques alarmants. Mais l'année possède aussi son lot de nouvelles encourageantes sur le front de la transition écologique : mix énergétique de plus en plus durable, meilleur soutien des pays pauvres face à la crise écologique, etc. En neuf points clefs, La Tribune dresse le bilan climat, non exhaustif, de cette année 2023.
Mathieu Viviani
L'observatoire environnemental européen Copernicus est sur le point de décréter l'année 2023 comme la plus chaude de l'histoire de l'humanité
L'observatoire environnemental européen Copernicus est sur le point de décréter l'année 2023 comme la plus chaude de l'histoire de l'humanité (Crédits : Mathieu Thomasset / Hans Lucas via Reuters Connect)

« Cette année, nous avons vu des communautés du monde entier frappées par des incendies, des inondations et des températures extrêmes ». Tels sont les mots utilisés dans une vidéo par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, le jour de l'ouverture de la 28e conférence mondiale pour le climat, à Dubaï aux Emirats arabes unis. Le haut fonctionnaire international, dont le sens de la formule est bien connu, parle en connaissance de causes.

Comme ces dernières années, 2023 ne fait pas exception en matière d'événements climatiques inquiétants. Températures record, canicules, sécheresses, mégafeux, etc... tous ces phénomènes font désormais partie du quotidien des citoyens du monde entier, qu'ils habitent dans un pays riche ou pauvre. Selon le chef de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), Petteri Taalas, 2023 enregistre même « une cacophonie assourdissante de records » en matière climatique.

Fort heureusement, l'année a aussi son lot de « bonnes nouvelles » sur le front du climat. Des raisons d'espérer à trouver notamment dans la trajectoire énergétique plus durable prise par le monde. Une tendance qui résonne d'ailleurs dans l'accord final de la COP28, qui, pour la première fois de l'histoire, a acté le début d'une ère en dehors des énergies fossiles.

La Tribune a sélectionné les principaux points pour faire le bilan climatique de cette année 2023.

Les nouvelles qui inquiètent les experts du climat

2023, année la plus chaude de toute l'histoire

Sur le plan climatique, c'est sans doute l'un des phénomènes les plus prégnants de cette année : après six mois consécutifs de records de température entre juin et novembre, l'observatoire environnemental européen Copernicus est sur le point de décréter l'année 2023 comme la plus chaude de l'histoire de l'humanité. Avec une moyenne de 14,22 degrés Celsius à la surface du globe, novembre 2023, le dernier mois mesuré par l'institut, a dépassé le précédent record de 2020 de 0,32 degré.

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En France, la tendance est assez proche. Selon le dernier bilan de Météo France, l'année 2023 devrait se classer au deuxième rang des années les plus chaudes dans l'Hexagone (2022 reste numéro un). Ce, avec une température moyenne de 14,2 °C.  « L'anomalie thermique sur l'ensemble de l'année devrait se situer probablement autour de + 1,3 °C  (par rapport aux normales 1991-2020) », précise l'agence météorologique.

« Ces dernières années, on va de record en record au niveau des températures. Tant qu'on n'atteindra pas la neutralité carbone, c'est mathématique, la température globale poursuivra sa hausse, avec les conséquences néfastes que cela engendre », juge auprès de La Tribune François Gemenne, politologue et co-auteur du sixième rapport du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).

Toujours autant de vagues de chaleur...

La hausse anormale de la température du globe a, en effet, plusieurs conséquences négatives très concrètes. Et l'année 2023 en a évidemment fait les frais. Parmi les phénomènes à mentionner figurent les vagues de chaleur, voire les canicules, toujours plus fortes et fréquentes. L'Hexagone illustre bien ce triste phénomène. D'après les mesures de Météo-France, le pays a connu cette année son quatrième été le plus chaud depuis le début des mesures en 1900 (derrière, on trouve les étés 2003, 2022 et 2018).

La moyenne des températures quotidiennes des mois de juin, juillet et août 2023 a ainsi atteint en France 21,8°C. C'est 2,6°C de plus qu'un été moyen sur la période de référence 1971 à 2000. Selon Météo-France, 245 records absolus et 280 records mensuels de températures ont été battus dans le pays. La ville de Carcassonne dans l'Aude a notamment vu monter son thermomètre jusqu'à 43,2°C. C'est 1,3°C de plus que le record de 2003.

Mais aussi des sécheresses et des mégafeux

En 2023, de nombreux épisodes de sécheresse ont aussi été observés. Parmi les régions les plus touchées dans le monde, on trouve les Etats-Unis, l'Asie centrale et de l'est, le continent africain, et l'Amérique du Sud.

La France a connu un épisode de sécheresse particulièrement aigu entre le 21 janvier et le 21 février de cette année, soit 32 jours sans pluie. Du jamais vu depuis le début des mesures hydriques en 1959. Ce phénomène est d'autant plus problématique que cette période correspond à celle du rechargement des nappes phréatiques, principale source d'eau potable en France.

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Autre conséquence de l'explosion du thermomètre mondial, les mégafeux, qui se font chaque année plus puissants et dévastateurs. Notamment dans la province d'Alberta au Canada, où l'été anormalement sec a provoqué cette année des feux dévastateurs, obligeant des villes entières à être évacuées.

Les régions de l'Oural et du Kurgan en Russie, le Chili sur le continent sud-américain, les Pyrénées-Orientales en France, l'Espagne, toutes ces zones géographiques ont aussi vu plusieurs centaines de milliers d'hectares partir en fumée, au printemps de cette année. Ce qui est précoce à en croire les spécialistes du sujet.

D'après une étude récente de la revue scientifique Nature, la durée de la saison des feux a augmenté de 20 % de 1979 à 2013, et les surfaces affectées par ces brasiers ont plus que doublé.

Le pôle Nord étouffe...

Dans une zone aussi froide, ce fait peut étonner : selon un rapport de l'Agence atmosphérique et océanique américaine (NOAA), l'été 2023 a été le plus chaud jamais enregistré dans l'Arctique (pôle Nord). Le territoire est touché par un phénomène d' « amplification », c'est-à-dire qu'il se réchauffe plus vite que les latitudes moyennes du globe. Un mécanisme qui provoque, entre autres, la perte de couverture neigeuse, le rétrécissement de la banquise et le réchauffement des océans.

Un autre rapport, cette fois-ci du National Snow and Ice Data Center (NSIDC), alerte sur cet autre phénomène : la banquise de l'Antarctique, n'a jamais été aussi petite, avec une « une étendue maximale annuelle de 16,96 millions de km² », en septembre dernier. « Il s'agit du plus bas maximum pour la banquise dans les relevés allant de 1979 à 2023, et de loin », précise l'institut nord-américain. Conséquence concrète : plus la banquise se rétrécit, moins elle renvoie les rayons du soleil, moins elle joue son rôle de régulation de la température mondiale.

Et les océans aussi

On le sait moins, mais les canicules touchent aussi les mers et océans de la planète. A l'instar des canicules d'air, les canicules dites « marines » se caractérisent par une température de l'eau anormalement élevée. Par exemple, lundi 24 juillet 2023, un capteur aquatique installé au large de la baie de Miami aux Etats-Unis a fait état d'une température de l'océan de 38 degrés. C'est inédit dans cette zone.

D'après l'Administration océanographique américaine (NOAA), 44% des mers et océans de la planète sont touchés par les canicules marines, et le phénomène tend à s'amplifier. Cet été, la mer Méditerranée a été particulièrement touchée avec des pics de températures à 30°C par endroit. D'après les experts, la température moyenne des océans et mers est globalement en hausse. Durant la première semaine d'août, l'institut Copernicus a noté que les océans avaient atteint un nouveau record mondial de température, avec une surface atteignant les 20,96°C. Le précédent record (20,95°C) date de 2016.

Si elles sont difficiles à mesurer, les conséquences de ces canicules marines sont réelles : perturbation, voire disparition de la faune et la flore aquatique (notamment les coraux, les mollusques, et les oursins, très fragiles), déséquilibre de la chaîne alimentaire avec des espèces prédatrices nouvelles, absorption de la chaleur et du CO2 moins bonne, etc.

Les nouvelles qui témoignent des progrès accomplis

Un accord historique à la COP28 : les fossiles mentionnés pour la première fois

Insuffisant pour de nombreux experts et ONG, le bilan de la 28e conférence de l'ONU pour le climat (COP28) peut tout de même être considéré comme une avancée positive. En effet, l'accord obtenu lors de cette édition mentionne pour la première fois une transition du monde « hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable ». Ceci, « en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ».

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De nombreux spécialistes du climat jugent cette formulation trop vague, et donc trop libre d'interprétation. Notamment par les pays producteurs de pétrole et de gaz, ou les grandes multinationales du secteur. Quand bien même. En 28 ans de COP, jamais le pétrole, le gaz ou le charbon, des énergies dont la combustion est responsable d'un quart des gaz à effet de serre de la planète, n'avaient été autant mises sous pression dans un accord international majeur.

« Cet accord est sans précédent, il faut le souligner. Il met désormais le monde sur le chemin d'une ère post-fossile. Peu auraient parié sur ça avant la tenue de la COP28. Maintenant, on va voir comment les Etats vont mettre en place cette nouvelle trajectoire. Il faut rester vigilant, mais je pense qu'il sera difficile de revenir en arrière », commente le politologue François Gemenne.

Les pays pauvres seront mieux aidés face au changement climatique

C'est l'autre avancée de cette COP28 : les pays membres de l'ONU ont voté la création du fonds destiné à financer les « pertes et dommages irréversibles » des pays les plus vulnérables au changement climatique. La plupart se situe dans le sud du globe et sont pauvres. Historique, cette décision a été saluée par une ovation des délégués présents.

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 A date, l'argent mis dans ce fonds atteint environ 790 millions de dollars. Une mise de départ qui reste cependant insuffisante au regard des besoins, évalués à plusieurs centaines de milliards. Hébergé au sein de la Banque mondiale pendant les quatre prochaines années, le fonds sera géré par un conseil de gouvernance où siègeront les pays bénéficiaires de cette aide (en majorité au sein de l'instance) et les pays donateurs (en grande partie des pays riches et développés).

Mais certaines modalités restent floues, au grand dam des pays bénéficiaires : les contributions financières ne sont pas obligatoires, il n'y pas d'objectif de fonds fixé, et l'accord n'oblige pas que ceux-ci soient décaissés uniquement sous forme de subventions, plus directes et accessibles que les prêts bancaires.

Les dépenses dans les énergies vertes dépassent celles en faveur des fossiles

La transition vers un mix énergétique neutre en carbone est une des clefs de voûte de la décarbonation du monde. Sur ce front, l'année 2023 marque une avancée. Selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) paru en mai, les dépenses en faveur des énergies vertes devraient dépasser cette année celles allouées aux fossiles. Sur la séquence 2021-2023, l'AIE a ainsi calculé que les investissements en énergies vertes ont augmenté de 24%, contre une hausse de 15% pour leurs homologues carbonés.

Cette trajectoire est boostée par un déploiement de plus en plus fort des énergies renouvelables (tout particulièrement le solaire) et des véhicules électriques. Au total, l'agence chiffre en 2023 la dépense en énergies vertes à 1.700 milliards de dollars, contre 1.000 milliards de dollars pour le pétrole, le charbon et le gaz. Le nucléaire, l'installation de pompe à chaleur et le stockage sont pris en compte dans ces investissements durables.

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 « Pour chaque dollar investi dans des énergies fossiles, environ 1,70 dollar part vers des énergies propres. Il y a cinq ans, ce ratio était de 1 pour 1 », explique le rapport. Une précision tout de même : les montants consacrés aux hydrocarbures et au charbon continuent de progresser de 15 % annuellement.

Quoiqu'il en soit, cette dynamique des dépenses en source d'énergie verte est cohérente avec cet autre engagement pris lors dans l'accord de la COP28 : « Tripler la capacité des énergies renouvelables au niveau mondial et doubler le taux annuel moyen mondial d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici à 2030 ».

La consommation charbon devrait enfin refluer à partir de l'année prochaine

Une bonne nouvelle pour la trajectoire carbone du monde... mais pas pour tout de suite. Selon des projections de l'AIE publiées mi-décembre, à partir de 2024, la consommation de charbon devrait commencer à doucement reculer, pour atteindre 8,3 milliards de tonnes en 2026. L'Agence internationale de l'énergie justifie son calcul par deux facteurs : une baisse de la demande qui se confirme et la hausse des renouvelables dans les prochaines années. Selon l'AIE, cela va « pousser la consommation mondiale de charbon sur une trajectoire descendante ».

Mais pour l'heure - c'est là que le bât blesse - l'agence indique que la planète n'a jamais autant consommé de charbon qu'en 2023. La demande mondiale a ainsi culminé à 8,53 milliards de tonnes cette année. Il s'agit d'un record historique.

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C'est en Asie que l'appétit de charbon est le plus vorace. En tête, la Chine avec un bond de consommation de charbon de 220 millions de tonnes (+4,9%) entre 2022 et 2023. Le charbon indien progresse, lui, de 98 millions de tonnes (+8%), et celui d'Indonésie grimpe de 23 millions de tonnes supplémentaires (+11%). En revanche, bon point pour l'Europe qui voit sa consommation de houille ralentir fortement avec une baisse de 107 millions de tonnes (-23%). Pas loin, les Etats-Unis enregistrent une baisse de 95 millions de tonnes (-21%).

Pour rappel, le charbon demeure encore aujourd'hui la source d'énergie la plus polluante. Le combustible est en effet à l'origine de plus de 40 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre, devant le pétrole (part d'émission à 32 %) et le gaz (20 %).

Mathieu Viviani

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Commentaires 8
à écrit le 29/12/2023 à 9:23
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Il n ' y a aucun progrès , on ne fait rien depuis 40 ans et on ne fera rien ,parce que ce sont les Arnault ,les Bolloré et les Bettencourt qui devraient changer de style de vie , donc on ne fera rien N espérez rien ,il parait meme que les ultra rich...

à écrit le 28/12/2023 à 21:42
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C’est intellectuellement extrêmement malhonnête d’utiliser l’expression «  l’année la plus chaude de toute l’histoire » alors que l’on sait que dans la vie de la planète il y a déjà fait beaucoup plus chaud qu’actuellement !!

le 29/12/2023 à 9:24
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Non c'est exact , on parle de l histoire ,il a fait plus chaud oui durant la pré histoire il y a millions d'années

à écrit le 28/12/2023 à 14:25
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C’est foutu ...Le scenario engagé est guerres, pandemies, famines, catastrophes naturelles, manqued’eau, immigration submersive!

à écrit le 28/12/2023 à 12:45
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Bonjour, franchement dire aucune importance, car si nous somme en train d'effectuer notre transitions énergétique... Beaucoup de pays ne font absolument rien... La Chine , l'Inde, et l'Amérique de Mr Trump... Donc , les températures devraient gri...

à écrit le 28/12/2023 à 9:10
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Bande d'économistes ! deja des gens dans les cités dortoirs n'arrivent plus à travailler de la fin du printemps à la fin de l'été car ils ne peuvent pas dormir n'ayant pas de climatisation. Ils sont rinçés dans leurs étuves...

à écrit le 28/12/2023 à 8:52
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L'Europe agricole à raz bord a décimé ses forets, la France vue du ciel est un immense damier, celui promis par les révolutionnaires ? Les animaux n'ont plus de lieux ou vivre. La différence avec l'amérique du nord est frappante. Quand j'ai débarqu...

à écrit le 28/12/2023 à 7:25
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J'aime bien votre optimisme, une cop 28 qui ne s'embarrasse d'aucune forme d'engagement, de l'argent promis aux pays dits pauvres (pays riches en matières premières mais pillés allègrement par nos entreprises occidentales et autres) qui n'arrivent pa...

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