La France est-elle en train de revoir sa position sur l'importation de l'hydrogène propre ? Fermement opposé jusqu'ici à cette approche, à laquelle il préfère une production et une consommation locales, l'exécutif tricolore pourrait bien revoir sa copie. La mise à jour de la stratégie nationale de l'hydrogène, initialement prévue à l'été 2023 et désormais attendue au plus tôt pour début 2024, a notamment été repoussée en raison d'une étude lancée par le gouvernement sur le sujet.
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Le ministre de l'Industrie Roland Lescure a, en effet, demandé à l'inspection générale des finances (IGF), à l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) ainsi qu'au Conseil général de l'économie (CGE) d'évaluer la pertinence des importations de cette molécule. Les trois services de l'Etat doivent étudier les dimensions à la fois techniques (performances des électrolyseurs, coût de l'énergie) et économiques (balance commerciale, financement des infrastructures de transport, modèle financier de l'hydrogène, etc.) de cette piste. Le document de mise à jour de la stratégie nationale hydrogène devrait être mis en consultation dans les tous prochains jours, assure l'entourage de Roland Lescure. « La mission sera détaillée dans ce document », précise-t-on.
Un réseau de 500 kilomètres de canalisations
Par ailleurs, plusieurs signaux envoyés au cours des derniers jours montrent une évolution de la position de Paris sur la question. D'abord, le 5 décembre dernier, lors de la présentation des « contours » de la nouvelle stratégie hydrogène, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a annoncé que la France serait ouverte « aux importations d'hydrogène ou de ses produits dérivés dès lors qu'elles seront compétitives et décarbonées ». « Ce qui implique d'anticiper nos infrastructures d'importation et leur réglementation », a-t-elle ajouté.
La ministre a dans la foulée annoncé que 500 kilomètres de canalisations dédiées au transport de cette molécule « pourront être déployées à court terme ». Une annonce très attendue des gaziers, Engie en tête. Le groupe tricolore déplorait depuis de longs mois que la partie « infrastructures » constitue l'angle mort de la stratégie tricolore, alors même que l'Allemagne, qui prévoit des importations massives d'hydrogène depuis des régions du monde disposant d'énergies renouvelables très compétitives, entend déployer un réseau de transport d'hydrogène de 9.700 kilomètres dès 2032.
« Une porte a été ouverte », se félicite Laurent Antoni, directeur exécutif du Partenariat international pour l'hydrogène et les piles à combustible dans l'économie (IPHE). Cette entité a travaillé en étroite collaboration avec l'organisme de normalisation ISO pour établir un standard international permettant de quantifier les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la production d'hydrogène. Un préalable à son commerce à travers la planète. Après plusieurs années de travail, la norme a été officiellement présentée début décembre, lors de la COP28 à Dubaï.
Alliance à la COP28
C'est justement durant la COP qu'un autre signe d'évolution de la position de Paris s'est manifesté. La France a, en effet, rejoint une alliance regroupant une trentaine de pays visant à favoriser l'émergence d'un commerce international autour de ce gaz via une reconnaissance mutuelle de certificats hydrogène.
« Nos champions, mais aussi nos ports, comme celui de Port-la-Nouvelle [Aude, ndlr] et du Havre (Seine-Maritime, ndlr], veulent importer ! », souligne Mikaa Blugeon-Mered, à la tête d'un groupe de travail sur l'hydrogène au sein du Medef international, qui plaide pour une évolution de la stratégie française en ce sens.
Reste que la vision d'un commerce longue distance de la molécule verte ne fait pas l'unanimité, en raison d'un certain nombre d'écueils techniques, économiques ou encore climatiques.
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