La France encore accro au plastique

Malgré des lois ambitieuses, les déchets augmentent dans l’Hexagone. Un texte européen, examiné mercredi à Strasbourg, tente de réduire cette pollution à la source.
(Crédits : © DORIANO STROLOGO POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

La lutte a démarré par les sacs plastique. En quelques années, la France a voté une série d'interdictions d'objets en plastique : les sacs, donc, bannis des caisses des supermarchés en 2016 et partout ailleurs depuis 2017 ; puis les couverts et assiettes, les pailles et touillettes, ou même les bâtonnets de cotons-tiges. Avec la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) en 2020, elle est allée plus loin que la réglementation européenne. Objectif : sortir du plastique à usage unique d'ici à 2040.

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Pourtant, le plastique jetable est encore partout. Pire, il gagne du terrain. En 2021, chaque Français a jeté 197,72 kilos d'emballages dont 36,79 en plastique, en hausse de 12,68 % par rapport à 2016, selon Eurostat. Avec un impact environnemental désastreux en amont - le plastique étant la troisième industrie la plus émettrice de CO2 - comme en aval, en raison des rejets de déchets et de composants chimiques dans les milieux naturels. Des produits illicites font même de la résistance, au-delà de l'écoulement des stocks. « De nombreux sacs illégaux circulent encore sur les marchés et dans les petits commerces », assure Diane Beaumenay-Joannet, chargée de plaidoyer de la fondation Surfrider.

Président de la commission environnement au Parlement européen, Pascal Canfin (Renew) a évalué l'application de la directive sur le plasatique à usage unique dans quatre pays dont la France. Sa conclusion : « Là où il y a eu des contrôles et des sanctions significatives, les changements ont eu lieu », décrit-il. Et de citer les Baléares, où des amendes jusqu'à 300 000 euros ont été prononcées contre des chaînes de restauration rapide.

Sollicitée par La Tribune Dimanche, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes rapporte les résultats d'une enquête conduite en 2021 sur les sacs plastique. Sur les 42 sacs prélevés, au cours de 143 contrôles, 20 ne respectaient pas la loi, soit un taux de non-conformité de 47,62 %. Six procès-verbaux ont été dressés. S'agissant de la directive contre le plastique à usage unique, les contrôles ont démarré le 1er juillet dernier et les résultats ne sont pas encore disponibles.

Manque de contrôle

« Il faut plus de contrôles et moins d'exemptions », conclut Manon Richert, de Zero Waste France. Ainsi, depuis 2022, les fruits et légumes frais non transformés ne peuvent plus être emballés. Mais des exceptions sont prévues pour 29 variétés. Manon Richert évoque également les sacs plastique vendus quelques centimes en caisse. « À partir d'une densité de 50 microns, ils peuvent être présentés comme réutilisables, explique-t-elle. Mais dans la vraie vie, ils sont rarement réutilisés plus de quelques fois. »

« Les interdictions ont plutôt été respectées, tempère Vincent Nicolas, ingénieur plastique à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Ce qu'on voit, ce sont les alternatives en carton ou biodégradables. » C'est le cas des barquettes biosourcées dans les fast-foods, qui ont supplanté le polystyrène expansé, ou des gobelets en carton recouverts d'un film plastique. Deux matériaux dont l'intérêt environnemental fait débat. « On a remplacé les gobelets par des déchets qu'on ne sait pas recycler, poursuit Vincent Nicolas. Ce n'était pas la volonté de la loi. L'économie circulaire, c'est d'abord réduire, puis réemployer, et enfin recy- cler. » « Si on change un plastique à usage unique par son équivalent dans une autre matière, on continue de produire pour jeter », alerte Diane Beaumenay-Joannet.

« Il y a ce qu'on interdit mais aussi les nouveaux usages qui apparaissent », observe le député MoDem Philippe Bolo, coauteur de rapports sur cette pollution. L'élu liste ces fruits décortiqués, ces œufs déjà cuits, ces portions individuelles qui séduisent certains consommateurs. « La loi régule mais les metteurs sur le marché produisent toujours plus et ont été aidés par le Covid-19, déplore-t-il. On sort le plastique par la porte, il revient par la fenêtre. »

Pour les ONG, il faut s'attaquer au tout-jetable en même temps qu'au plastique, en soutenant le vrac, la sobriété et la réutilisation. « La France s'est concentrée sur des interdictions mais n'a pas mis autant d'ambition sur le réemploi », estime Diane Beaumenay-Joannet, qui regrette que le gouvernement ait choisi le volontariat pour déployer la consigne du verre.

Autre levier : changer d'échelle. Aujourd'hui s'achève au Kenya une session de négociations du futur traité international de lutte contre les pollutions plastiques, juridiquement contraignant, avec l'objectif de réduire la production de plastique vierge. Mercredi, les députés européens examineront le règlement sur les emballages. « Avec ce texte, on sort de la logique d'interdiction produit par produit pour chercher à changer le système, indique Pascal Canfin. Le premier principe est d'éviter un emballage inutile, qu'il soit en plastique ou en papier. » Les autres emballages devront être recyclables à partir de 2030, avec une obligation de recyclabilité effective. Ce règlement s'attaque à gros : en Europe, ce secteur représente 355 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 84 millions de tonnes de déchets par an.

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Commentaire 1
à écrit le 19/11/2023 à 8:56
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Les produits les moins chers sont bien souvent les plus emballés. Les margoulins voulant faire croire aux pauvres qu'ils s'achètent un truc précieux. La débilité décomplexée de cette dictature marchande. Nos dirigeants sont nuls car cupides. "Le comm...

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