Pétrole : les investissements augmentent dénonce une ONG, TotalEnergies dans le viseur

L'ONG allemande Urgewald affirme que les dépenses d'investissement du secteur pour l'exploration de nouvelles réserves de pétrole et de gaz ont « augmenté de plus de 30% » depuis 2021, et ce, alors que l'Agence internationale de l'énergie estime qu'ils ne sont « pas nécessaires ». TotalEnergies figurent d'ailleurs parmi les mauvais élèves, pointe l'ONG.
96% des 700 compagnies productrices de pétrole et de gaz poursuivent l'exploration et le développement de nouvelles réserves d'hydrocarbures.
96% des 700 compagnies productrices de pétrole et de gaz poursuivent l'exploration et le développement de nouvelles réserves d'hydrocarbures. (Crédits : LIZ HAMPTON)

Les géants de l'énergie ne semblent pas prêts à se passer du pétrole, si l'on en croit le rapport « Global Oil and Gas Exit List » (GOGEL), publié ce mercredi 15 novembre, par l'ONG allemande Urgewald. Cette dernière a analysé, avec plus de 50 ONG partenaires, les plans d'investissement de 1.623 compagnies de l'industrie pétrolière et gazière « représentant 95% de la production mondiale d'hydrocarbures » (producteurs, mais aussi constructeurs d'infrastructures et opérateurs de centrales au gaz).

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Et le constat est sans appel. Pas moins de 1.023 entreprises prévoient des projets d'infrastructures de transport des hydrocarbures, tels que la construction de « nouveaux terminaux de gaz liquéfié (GNL) » ou d'oléoducs et de gazoducs. Surtout, 96% des 700 compagnies productrices de pétrole et de gaz poursuivent l'exploration et le développement de nouvelles réserves d'hydrocarbures, indique le rapport.

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En termes de montant investis Urgewald estime que 539 compagnies - dont Saudi Aramco, QatarEnergy et la société russe Gazprom - s'apprêtent à court terme (un à sept ans) à lancer la production de l'équivalent de 230 milliards de barils de pétrole. Les dépenses d'investissement du secteur pour l'exploration de nouvelles réserves de pétrole et de gaz ont même « augmenté de plus de 30% » depuis 2021. Les compagnies étudiées ont dépensé au total « 170,4 milliards de dollars » dans ces projets ces trois dernières années.

Des investissements « pas nécessaires », selon l'AIE

Des investissements justifiés par les majors pétrolières comme importantes. Objectif défendu, répondre à la demande mondiale croissante. Un argument toutefois contredit par l'Agence internationale de l'Energie (AIE). Compte tenu du développement des énergies et des technologies propres, « il n'est pas nécessaire d'investir dans de nouveaux gisements de charbon, de pétrole et de gaz naturel », a souligné l'institution en septembre dans la dernière version de sa feuille de route du secteur de l'énergie pour arriver à la neutralité carbone en 2050.

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Depuis deux ans les émissions du secteur de l'énergie sont restées élevées, atteignant un nouveau record de 37 milliards de tonnes de CO2 en 2022 (1% de plus qu'en 2019), selon l'AIE, éloignant le monde de l'objectif de contenir le réchauffement planétaire à +1,5 degré par rapport à l'ère préindustrielle. Mais il n'est pas trop tard, affirme l'institution. Elle estime que « le secteur de l'énergie évolue plus rapidement que ce que beaucoup pensent, mais il reste encore beaucoup à faire et le temps presse ».

Pour tenir les objectifs, l'AIE appelle les Etats à accélérer le calendrier pour atteindre la neutralité carbone. Les « pays riches », dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, doivent avancer leur objectif à 2045 (contre 2050 jusqu'ici) et la Chine à 2050 (contre 2060). Cette anticipation est nécessaire pour réussir à contenir le réchauffement planétaire à +1,5°C, fait valoir l'AIE, en précisant que tout retard était impossible.

TotalEnergies pointé du doigt

Du côté des entreprises qui devront faire le plus d'efforts pour diminuer leur bilan carbone, le rapport GOGEL épingle les sociétés chinoises China National Petroleum Corporation (CNPC), CNOOC et Sinopec, la compagnie nationale saoudienne Saudi Aramco, la mexicaine Pemex, l'américaine Pioneer Natural Resources ou encore l'anglo-néerlandaise Shell.

Mais notre pétrolier national figure aussi parmi les noms cités dans le rapport. Selon Urgewald, sont les activités de TotalEnergies qui sont les plus étendues géographiquement, avec des projets pétrogaziers dans « 53 pays », ajoute le rapport. En outre, « près d'un tiers des pays » dans lesquels TotalEnergies explore et développe de nouvelles réserves d'hydrocarbures sont des pays n'ayant actuellement « que peu ou pas de production de pétrole et de gaz ». A travers ces projets, les grandes compagnies pétrogazières poussent ces pays « à devenir dépendants des combustibles fossiles », dénonce Urgewald.

TotalEnergies exclu du label ISR

Après des mois d'atermoiements, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé le 7 novembre qu'il lancerait une nouvelle version du label ISR (Investissement socialement responsable), excluant formellement les producteurs d'énergie fossile non conventionnelle, mais aussi les entreprises investies dans de nouveaux projets fossiles conventionnels, ce qui concerne de facto le géant français.

« C'est une vraie avancée pour tout le développement de l'investissement responsable », affirmait Pascale Baussant, membre du comité chargé de proposer un nouveau référentiel pour le label ISR. « Pendant plusieurs années, Bercy n'a pas montré un intérêt très fort pour la finance durable. Avec cette réforme, les choses vont peut-être bouger », estime Ladislas Smia, responsable ESG chez MBO+, une plateforme d'investissement. Le nouveau référentiel, qui conservera son caractère généraliste, et dont tous les détails ne sont pas encore complètement arrêtés, doit entrer en vigueur au 1er mars 2024.

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 16/11/2023 à 13:05
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Qui finance toutes ces ong ?

à écrit le 15/11/2023 à 17:49
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Les "rois" de la décroissance feraient mieux de dénoncer la démographie au lieu de la croissance des forages. Passer de 2 milliards en 1950 à 8 milliards en 2022 nécessite plus de pétrole !!!

à écrit le 15/11/2023 à 13:51
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Il n'y a rien de pire que les organisations (les 50 ONG, l'AIE,...) qui n'ont plus qu'une opinion parce qu'ils ont peur des réactions et que toute position contraire ferait un scandale. Si il y a des investissements à faire on les fait et quand ils ...

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