Musique : la « French Touch » de Lang Lang

Superstar, jeune papa, le pianiste interprète Saint-Saëns et des compositrices méconnues comme Charlotte Sohy.
Alexis Campion
Au Royal College of Music à Londres (Royaume-Uni) en novembre.
Au Royal College of Music à Londres (Royaume-Uni) en novembre. (Crédits : © LTD / Rii Schroer/Eyevine/ABACAPRESS)

Il vient d'entrer dans sa quarantaine, il est citoyen chinois, depuis deux décennies le monde est à lui. Considéré comme l'un des plus grands pianistes en activité, Lang Lang passe sa vie sur les routes. « Mes trois ports d'attache sont New York, Paris et surtout Shanghai, où je passe le plus de temps possible », explique-t-il sans plus de détails. Le virtuose sillonne souvent, aussi, les scènes d'Allemagne et de Corée du Sud, les deux pays de sa jeune épouse, la pianiste Gina Alice. Il précise seulement - en anglais et en regrettant ne pouvoir s'exprimer en français - que leur fils apprend trois langues : le chinois, l'allemand et le français.

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« L'anglais attendra car il ira de soi et n'est pas si difficile. » Et la musique, langue universelle ? « Il n'a que 3 ans, je le sens attiré par le violoncelle et les sons graves. » Pour le papa superstar, il ne sera jamais question de forcer son enfant : militant de l'apprentissage musical par le jeu, il développe avec sa fondation la méthode Lang Lang, par laquelle il fournit les écoles du monde en claviers numériques...

Début mars, c'est à Paris, la ville de Camille Saint-Saëns, que Lang Lang fête la sortie de son nouveau disque, double et justement intitulé d'après le compositeur romantique. Accompagné par l'orchestre de Leipzig, le maestro chinois interprète le Concerto pour piano no 2 et Le Carnaval des animaux. En piano seul, il salue au passage Ravel, Debussy, Fauré, dont il joue les pavanes et petites suites, et cinq compositrices plus ou moins oubliées alors qu'elles sont comme l'essence d'une qualité hexagonale sans équivalent, insiste Lang Lang. « J'ai toujours rêvé d'un album français mais je ne me sentais pas encore prêt ; j'avais sans doute besoin de mieux connaître le pays avant », déclare le musicien, qui depuis dix ans construit sa propre histoire avec le château de Versailles, dont il est « ambassadeur » : il y a enregistré son live Chopin-Tchaïkovski, fêté son mariage, il ne doute pas qu'il y reviendra.

« J'adore Ravel et Debussy »

Sa relation avec les compositeurs français date de bien avant celle qu'il tisse aujourd'hui avec Bernard Arnault et les grandes marques. « À 4 ans, je jouais déjà les petites pièces de Rameau, que j'adorais. Je suis aussi passé par Saint-Saëns et le Carnaval. Bien sûr, Bach restait la base, mais je sentais déjà une connexion particulière avec le goût français. Ce n'est pas un hasard si ce goût, en musique, en mode, en cinéma, est plus populaire en Chine que ce qui vient d'Allemagne ou d'Angleterre. » Une évidence qui, selon lui, dépasse de loin le cliché reliant Satie et les parfums d'Orient, les impressionnistes et Ryuichi Sakamoto. « J'adore Ravel et Debussy, dont chaque pièce est une petite aquarelle en soi, mais je ne peux pas me passer non plus du souffle des post-romantiques. Les sonates pour violon et piano de César Franck sont les meilleures car tout y est, texture, couleurs, technique. »

À 4 ans, je jouais déjà les petites pièces de Rameau, que j'adorais

Pour illustrer ce romantisme et cette complétude raffinée qui le nourrit en France, ce sont des compositrices moins célèbres que Lang Lang a préféré mettre en lumière. « Elles m'ont toutes sidéré par leur substance, leur profondeur, il est impossible de verser dans la musique d'ascenseur avec de telles musiciennes. La Valse lente de Germaine Tailleferre et La toute petite s'endort, de Mel Bonis, sont des merveilles. » Il interprète aussi Louise Farrenc, Lili Boulanger, la plus difficile selon lui, et Charlotte Sohy, sa préférée. « Si je devais consacrer un projet plus ample à l'une d'elles, je choisirais Sohy. En tournée, j'ai joué ses pièces aux rappels, c'est imparable, tout le public voulait savoir qui avait composé ça. »

Si ses parents ont souffert de la Révolution culturelle - son père joue de la viole chinoise, l'erhu -, Lang Lang incarne, lui, une ère plus apaisée où, par exemple, citer le maestro Fou Ts'ong au rang de ses maîtres et modèles ne pose aucun problème. « Le premier à m'avoir expliqué la belle connivence liant l'Orient et l'Occident, c'est lui », témoigne son héritier qui, aujourd'hui, s'autorise à cultiver son goût français dans d'autres univers, plus contemporains.

Ses duos libres sur Ravel et Debussy avec Herbie Hancock l'incitent à improviser, jeu auquel il se trouve « encore trop timide ». Avec Mika, il participe à des émissions de variétés jusqu'en Irlande et avec Alicia Keys, il vient de commettre le clip publicitaire d'un cognac... Ce genre de détour mercantile et kitsch, Lang Lang l'assume sans vergogne, convaincu que c'est pour la bonne cause. « Ma femme compose, elle voudrait écrire et chanter de la pop. Je la soutiens, mais plus j'avance, moins j'écoute la pop et plus je sais à quel point je préfère le classique. »

Lang Lang, Saint-Saëns (Deutsche Grammophon) - En concert le 25 mai à Bordeaux, le 5 juin à Strasbourg, le 9 à Lyon, puis les 12 et 14 à la Philharmonie de Paris.

Alexis Campion

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