
Il n'y aura pas de procès du Credit Suisse en France, car la deuxième banque helvétique a accepté de payer 238 millions d'euros, selon un accord validé lundi par le président du tribunal de Paris. Grâce à la signature de cette convention judiciaire d'intérêt public (Cjip), conclue avec le parquet national financier (PNF), l'établissement évite des poursuites pénales pour démarchage illégal de clients et blanchiment aggravé de fraude fiscale entre 2005 et 2012.
Credit Suisse AG solde ainsi son litige tant avec l'administration fiscale, à laquelle il versera 115 millions d'euros de dommages et intérêts, qu'avec le ministère public, en payant une amende de 123 millions d'euros. La banque a douze mois pour payer ces sommes, en trois fois.
Elle suit ainsi le chemin de HSBC private Bank, une filiale suisse du géant bancaire britannique HSBC, qui avait accepté de payer 300 millions d'euros, signant ainsi la première convention d'intérêt public en France. De ce fait, elle échappait à un procès pour blanchiment de fraude fiscale le 14 novembre 2017.
Des milliers de compte non déclarés à l'administration fiscale française
Dans le cas de Credit Suisse, les investigations ont révélé que 5.000 clients français disposaient d'un compte Credit Suisse depuis de nombreuses années, non déclaré à l'administration fiscale française. Les avoirs dissimulés s'élevaient à 2 milliards d'euros, a rappelé le président du tribunal Stéphane Noël. « Le Credit Suisse n'envoyait aucun relevé de compte. Le démarchage ne respectait pas la législation française, les commerciaux se déplaçaient en France, en toute discrétion. Ils identifiaient des prospects » avec des « visites dans des hôtels, restaurants, jamais dans les locaux officiels de l'établissement français », a-t-il ajouté.
Pour calculer l'amende, le PNF a pris en compte des « facteurs majorants », à savoir « le caractère systémique, une période longue, la création d'outils pour dissimuler », a détaillé le procureur François-Xavier Dulin. « La banque a créé des structures offshore pour aider ses clients dans leur volonté de ne pas déclarer certains avoirs à l'administration française », a-t-il souligné. Le PNF a aussi pris en compte les facteurs « minorants » que sont les « mesures correctrices prises par la banque, la coopération de la banque, l'indemnisation de 115.000 millions » au fisc.
Dans un communiqué, Credit Suisse a rappelé que cette convention judiciaire d'intérêt public n'incluait pas une reconnaissance de culpabilité et marquait « une étape importante dans la résolution proactive » des contentieux. « C'est une page historique, le vestige d'une ancienne époque que vient régler la banque », a abondé lors de l'audience l'avocat de la banque, Charles-Henri Boeringer.
Un accord obtenu aux Etats-Unis
Une page historique et une nouvelle étape dans la résolution par l'établissement bancaire des multiples scandales et déboires qu'elle a connus depuis deux ans. Le 17 octobre, déjà, il a annoncé être parvenu à un accord définitif avec le procureur général du New Jersey pour solder une affaire ancienne concernant la vente de titres adossés à des créances hypothécaires, dont la valeur s'était brutalement effondrée lors de l'éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis. Dans une plainte déposée en 2013, le procureur de l'Etat du New-Jersey reprochait, en effet, à la banque de n'avoir pas suffisamment informé ses clients des risques liés à quelque 10 milliards de dollars de titres adossés à des crédits immobiliers (MBS, mortgage back securities), avec à la clé, une demande initiale de dédommagement de 3 milliards de dollars. Il s'agissait de son dernier litige en cours lié à la crise financière de 2008. Pour le solder, la banque va donc s'acquitter d'une amende de 495 millions de dollars pour régler tous les dédommagements en justice. Un montant déjà couvert par des provisions, précise la banque dans son communiqué.
Par ailleurs, dans un autre dossier, un jury américain a estimé, jeudi dernier, que le Credit Suisse n'avait pas participé, avec d'autres établissements, à infléchir un taux de référence du marché des changes. Il leur était reproché d'avoir utilisé des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées pour se concerter de façon indue afin d'infléchir les taux de change entre 2007 et 2013.
Quinze autres grandes banques ont passé un accord pour solder les poursuites des plaignants, des investisseurs s'estimant lésés et regroupés dans une action collective, pour 2,3 milliards de dollars au total. Une série de pénalités représentant plusieurs milliards de dollars a aussi été infligée à leur encontre par les autorités de divers pays.
(Avec AFP)
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