Un Livret A dopé à 6% de rendement par an. Voilà comment pourrait être décrit le Livret d'épargne populaire (LEP). Ce placement réglementé, dont les fonds sont garantis, peuvent être retirés à tout moment et sont exonérés d'impôts - et de prélèvements sociaux - a tout du parfait investissement en 2023. Et pour cause, son taux est deux fois supérieur à celui du Livret A, puisqu'il a été revalorisé cette année au plus haut depuis sa création en 1982. Pour rappel, son taux était de 1% jusqu'en février 2022 avant de remonter à toute vitesse, jusqu'à même dépasser l'inflation à partir de février 2023.
Le mécanisme est simple. Depuis 2020, le taux du LEP est indexé sur l'inflation et révisé tous les 15 janvier et 15 juillet, comme le Livret A. Mais les pouvoirs publics se laissent une marge de manœuvre. Ainsi, malgré la baisse de l'inflation à 5,9% sur un an en juillet 2023, après plus de 10% à l'été 2022, le taux du LEP a été maintenu à 6,1% le 15 juillet « à la demande du gouverneur de la Banque de France et a été accepté par le Ministre de l'Economie, dans l'optique de préserver le pouvoir d'achat des épargnants », rappelle Marie-Laure Barut-Etherington, directrice générale adjointe aux Statistiques et aux Études internationales de la Banque de France, à l'occasion de la présentation d'un bulletin sur le LEP, ce mardi. En outre, le plafond de dépôt sur ce placement a aussi été relevé de 7.700 euros à 10.000 euros.
Un livret pour les plus modestes, mais pas que
Contrairement au livret préféré des Français, le bien plus avantageux LEP reste toutefois peu connu. Ainsi, alors que 58 millions de Français détiennent un Livret A, rémunéré 3% fin 2023, seuls 10,1 millions des 65 millions d'habitants de l'Hexagone possèdent un LEP, selon les données de la Banque de France de septembre 2023.
Or, ce livret est en effet censé être réservé aux 18,6 millions de personnes aux revenus les plus modestes. Pour rappel, l'éligibilité est contrôlée par les banques une fois par an, sur la base du revenu fiscal de référence (RFR), figurant sur l'avis d'impôt sur le revenu et calculé à partir des informations mentionnées dans la déclaration de revenus, au printemps, ainsi que de la composition du foyer.
Ainsi, une personne célibataire sans enfant est éligible au LEP si son revenu fiscal de référence ne dépasse pas 21.393 euros (32.818 euros pour un couple marié ou pacsé soumis à une imposition commune), comme le rappelle le site Service public. Mais ce plafond augmente en fonction du quotient familiale des ménages. Ainsi, les couples ayant trois enfants peuvent eux être éligible jusqu'à un revenu fiscal de 55.677 euros.
Autre point important à connaître, les banques doivent se baser sur les revenus fiscaux de deux années consécutives pour déterminer l'éligibilité d'une personne au LEP. Une règle qui permet à tous les jeunes ayant intégré le marché du travail depuis moins de deux ans d'être, en principe, automatiquement éligibles au LEP en attendant de présenter deux années de revenus fiscaux à sa banque. A noter, enfin, en cas de non-respect des règles d'éligibilité, « c'est la responsabilité de la banque qui est en jeu », précise Marie-Laure Barut-Etherington. La banque ne peut donc pas demander de remboursement à ses clients, ayant obtenu des intérêts du LEP sans y avoir le droit.
« L'un des placements les moins rentables » pour les banques
Malgré un intérêt indiscutable, rares sont les Français à s'être vus proposer l'ouverture d'un LEP par leur banque. Au total, 21 banques proposent ce produit, mais « les 10 plus grosses distribuent 90% des encours », précise la Banque de France. De plus, certaines comme les banques en ligne ne proposent pas ce produit « par choix commercial ».
Et pour cause, 50% des intérêts des LEP sont versés par la Caisse des dépôts et 50% par la Banque. Problème, alors qu'elles placent les dépôts de leurs clients (y compris ceux des livrets) à la Banque de France, contre une rémunération de 4%, les banques commerciales doivent rémunérer les fonds placés en LEP à 6%.
« Donc ces dernières ne mettent pas forcément ce produit en avant, car il s'agit de l'un des placements les moins rentables pour elles », résume Marie-Laure Barut-Etherington.
Un livret qui commence à se faire connaître
Fort de son taux imbattable, le LEP commence néanmoins à attirer de plus en plus d'épargnants attirés par des placements rentables, permettant de protéger leur épargne de l'inflation, toujours à 4% en octobre. Ainsi, la Banque de France a comptabilisé 59 milliards d'euros d'encours fin septembre sur ce livret. Loin derrière les 406 milliards d'euros du Livret A, mais en progression notable. De fait, le LEP ne comptait que 38 milliards d'euros d'encours en décembre 2021. Surtout, 11,1 milliards d'euros ont été collectés sur ce livret entre août 2022 et août 2023, soit le double de la collecte un an plus tôt.
La dynamique devrait être similaire en 2024, estime la Banque de France qui vise 12,5 millions de LEP ouverts l'année prochaine, soit deux tiers des ménages éligibles. D'autant que les taux pourraient être maintenus à des niveaux élevés après la revalorisation du 15 janvier.
« Je serais étonné qu'il ne soit pas revu à la baisse, mais tout est possible », nuance la directrice générale adjointe aux Statistiques et aux Études internationales de la Banque de France. « Cependant, l'idée est de maintenir son taux au-dessus de l'inflation et du Livret A », conclut-elle.
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