Crise de la Tech : « La situation est totalement différente de celle de 2001-2002 » (Jean-Marie Messier)

Interrogé lors du Forum Tech for Future, Jean-Marie Messier, fondateur de la banque d'affaires Messier & Associés, revient sur la faillite de Silicon Valley Bank (SVB) et sur la crise que connaît le secteur de la tech. Une crise néanmoins bien différente de celle du début du siècle marquée par l'éclatement de la bulle internet.
Pour Jean-Marie Messier, « SVB n'est finalement qu'une caricature de mauvaise gestion », mais pas pour autant « la remise en cause systémique du financement et de l'avenir de la tech ».

De quoi la faillite de Silicon Valley Bank (SVB) est-elle le nom ? Les difficultés de l'établissement bancaire devenu au fil des années principal financeur du capital-risque en Californie et banque préférée des startups, ont semé un vent de panique au sein du monde de la finance et de la tech. De quoi faire craindre un même scénario en France ou en Europe ? Pour le banquier d'affaires, Jean-Marie Messier, fondateur de Messier & Associés, « SVB n'est finalement qu'une caricature de mauvaise gestion », mais pas pour autant « la remise en cause systémique du financement et de l'avenir de la tech », assure-t-il. Un point de vue différent de celui de Maya Atig, déléguée générale de la Fédération bancaire française (FBF).

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« SVB était plus fragile »

Interrogé par La Tribune lors du Forum Tech for Future le 7 avril, le banquier d'affaires explique d'une part qu'étant une banque régionale et concentrée sur un secteur, la tech, « SVB était donc plus fragile ». Par ailleurs, l'ancien patron de Vivendi Universal a pointé la fragilité du portefeuille de clients de la banque, un établissement réputé sans risque parce qu'il comptait des milliers de clients alors que ces derniers appartenaient à 50 ou 60 fonds eux-mêmes gérés par quelques dizaines d'actionnaires, lesquels ont réagi tous en même temps » en retirant leurs dépôts. La banque a donc été contrainte de céder une partie de ses actifs pour répondre à ces demandes de retraits. Le tout conduisant SVB à la faillite.

« Lorsque la dette coûte plus cher (du fait de la hausse des taux d'intérêt par les banques centrales dont la Réserve fédérale américaine, ndlr) et que l'inflation démarre, vous avez un phénomène qui est simple : l'investisseur a moins le temps d'attendre, parce que ça lui coûte cher d'attendre », analyse Jean-Marie Messier. D'autant que, « pendant que les investisseurs attendent, leur argent est rongé par l'inflation »« On observe donc un retour à la nécessité de la preuve, à un investissement plus pressé », conclut-il, « menant à ce reset (réinitialisation, ndlr) brutal des valeurs ».

« Les valeurs de la tech restent basées sur le futur »

L'environnement incertain qui attise les inquiétudes des acteurs de la tech ne saurait pour autant rappeler l'éclatement de la bulle internet qui a frappé le monde entier au début du siècle. « La situation est totalement différente de celle de 2001/2002 », tranche le banquier d'affaires qui rappelle qu'à l'époque « les valeurs de la tech ont été divisées par dix et on a observé une crise de confiance sur les comptes des entreprises ». « On avait un joli rêve, mais une technologie à la traîne », résume-t-il. Et d'ajouter que, « si la crise que l'on vit depuis l'an dernier est marquée par une hausse des tensions de toute nature, nous avons, au contraire, une technologie qui avance et qui avance même encore plus vite que ce que l'on estimait. Et bien que l'on connaisse un problème de taux d'intérêt et d'inflation, les valeurs de la tech restent basées sur le futur ».

ChatGPT est « une icône de cette rupture liée à l'intelligence artificielle »

Un futur marqué par l'intelligence artificielle notamment ChatGPT, le célèbre chatbot d'OpenAI. Ce logiciel, apparu en novembre, a rapidement été pris d'assaut par des utilisateurs du monde entier, impressionnés par sa capacité à répondre clairement à des questions difficiles, à écrire des sonnets, et même à réussir des examens et qui peut être utilisé pour écrire du code informatique, sans avoir les connaissances techniques. Un engouement de taille...tout autant que les inquiétudes qu'il a suscitées, notamment en Italie dont les autorités ont annoncé, le 31 mars dernier, leur décision de bloquer le robot conversationnel.

Lire aussiDonnées personnelles : quelles leçons retenir des premiers déboires de ChatGPT ?

Mais pour Jean-Marie Messier, ChatGPT est « davantage une icône du changement vécu actuellement, de cette rupture liée à l'intelligence artificielle ». Quant à l'idée d'un moratoire de six mois émise par Elon Musk et des centaines d'experts mondiaux dans l'attente de l'instauration de systèmes de sécurité, elle est balayée d'un revers de la main par le banquier d'affaires selon qui « ChatGPT ne nous est pas tombé brutalement sur le coin du dos. C'est quelque chose qui était préparé, sous-jacent, qui était immergé depuis des années »« On a l'impression que, parce que ChatGPT devient une réalité et qu'il est plus puissant que les instruments qu'on avait à notre disposition jusqu'à maintenant, il devient un problème majeur et qu'il faut tout arrêter et attendre avant de continuer », déplore-t-il, considérant que « ChatGPT existe, le mouvement de l'IA existe, nous sommes en train de le voir émerger et nous aurons dû nous en préoccuper bien avant ».

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Commentaires 4
à écrit le 11/04/2023 à 6:24
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Je pensais cet homme ruiné, il s'est refait depuis ? Pathétique.

à écrit le 10/04/2023 à 2:55
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L'homme à la chaussette trouée, de l'époque des goldens boys, a raison sur un point : les chatbots ont commencé leur vie, dans le début des années 2000, rien à voir avec chatgpt actuel mais on en voyait déjà le potentiel. En France, à force de passer...

à écrit le 09/04/2023 à 9:09
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Si je comprends bien «  quelques actionnaires ont réagi tous en même temps en retirant leurs dépôts «  laissant l’ardoise aux autres … Lire et relire Nassim Nicholas Taleb « Jouer sa peau «

à écrit le 07/04/2023 à 20:28
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"Pour le banquier d'affaires, Jean-Marie Messier, fondateur de Messier & Associés, « SVB n'est finalement qu'une caricature de mauvaise gestion »," Et c'est un expert en la matière...

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