
Les gouvernements se précipitent au chevet de la Silicon Valley Bank et de ses filiales des deux côtés de l'Atlantique. Dans une allocution solennelle, Joe Biden a assuré lundi que le système bancaire était « solide », et qu'il ferait « tout ce qui est nécessaire » pour qu'il le reste, à commencer par un durcissement de la régulation qu'il prévoit au Congrès.
Signe de cette anxiété, le Dow Jones a ouvert en baisse à 0,05% avant de se reprendre, quand les Bourses européennes plongeaient toutes dans le rouge ce lundi. A 16H10 heure de Paris, le CAC 40 perdait -2,6%, le DAX -2,6%, le Footsie britannique -2,2% alors que la Bourse de Tokyo a reculé de -1,56%.
Vent de nervosité
Un vent de nervosité venu de l'Ouest américain souffle sur le système bancaire depuis mercredi et l'annonce de la mise en liquidation de Silvergate Bank, petite banque californienne active dans le secteur des cryptomonnaies, puis de retraits massifs des dépôts chez SVB, établissement nettement plus important dans le financement de la Silicon Valley.
Malgré la vente de milliards de dollars d'actifs et une communication rassurante, SVB n'est pas parvenue à endiguer ce « bank run » (ou panique bancaire qui voit les clients de la banque retirer précipitamment leur argent). Sa cotation en Bourse s'est effondrée de 60% jeudi avant sa suspension et sa reprise en main par l'autorité fédérale de gestion des dépôts bancaires (FDIC).
Ruée sur les dépôts
Dans le sillage de Silvergate et SVB, une autre banque régionale, Signature Bank, a fermé ce week-end. Les startups de la Silicon Valley, habituées à déposer leurs levées de fonds chez SVB, se sont rapidement inquiétées de ne plus pouvoir retirer leur cash. L'ensemble des dépôts placés chez SVB culminait avant sa chute à 170 milliards de dollars. Le mécanisme de garantie des dépôts du FDIC, en théorie plafonné à 250.000 dollars, ne pouvait ainsi couvrir que 4% de l'ensemble des dépôts faits chez SVB.
Face au risque d'une crise de liquidités dans la tech américaine, le Trésor et le FDIC se sont finalement portés garants de l'ensemble des dépôts ce week-end. Pour éviter que cette crise bancaire régionale ne se propage au reste du pays, la Fed s'est engagée à prêter aux banques tout l'argent dont elles auront besoin si leurs clients réclament le remboursement de leurs dépôts.
Le Royaume-Uni, principal pays concerné hors des Etats-Unis
Les autorités américaines n'ont pas été les seules à réagir. Au Royaume-Uni, où SVB possédait une filiale, le ministre des Finances Jeremy Hunt a alerté dimanche au micro de Sky News sur « un risque sérieux pour nos secteurs de la technologie et des sciences, dont beaucoup font affaire avec cette banque », confirmant être « à la recherche d'une solution » tout le week-end avec le Premier ministre Rishi Sunak et le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Andrew Bailey.
La solution semble être arrivée ce lundi avec le rachat de la branche britannique de la Silicon Valley Bank par le géant bancaire britannique HSBC pour 1 livre symbolique. Dans un communiqué simultané avec HSBC et la Banque d'Angleterre, le Trésor britannique a confirmé que « les clients de SVB UK pourront accéder à leurs dépôts et leurs services bancaires normalement à partir d'aujourd'hui ». Le Royaume-Uni était, avant la reprise de SVB UK par HSBC, « le seul pays hors des Etats-Unis vraiment exposé parce que beaucoup de ses startups avaient SVB comme banque », explique l'économiste Eric Dor.
« Calmez-vous et regardez la réalité ! »
Sur le continent, le gendarme financier allemand, la Bafin, a gelé toutes les activités de la succursale allemande de SVB, basée à Francfort, à cause du « risque pesant sur l'exécution des obligations envers ses créanciers ». Cette filiale existe depuis 2018 sans proposer d'activité de dépôt et comptait un peu moins de 800 millions d'euros d'actifs fin 2022. La Bundesbank, la Banque centrale, n'a pas commenté la situation mais a tenu ce lundi une réunion de son « comité de crise ».
« Calmez-vous et regardez la réalité ! », a de son côté intimé Bruno Le Maire aux investisseurs lors d'un déplacement à Bruxelles ce lundi après-midi, au moment où la Société Générale perdait -5% et BNP Paribas -6% en Bourse.
« La réalité c'est que le système bancaire français n'est pas exposé à la SVB », a-t-il martelé, comme le confirme un porte-parole de la Banque de France. En écho, le Commissaire européen Paolo Gentiloni a également minimisé le risque d'une crise bancaire globale, ne voyant « pas de contagion directe et (...) de risque significatif ».
Pas de risque systémique mais un impact sur l'écosystème des startups
Le risque systémique doit-il être écarté ? L'économiste Eric Dor juge « exagérée » la réaction inquiète des marchés financiers et « peu fondées » les craintes d'une nouvelle crise financière globale.
« Les grandes banques américaines et européennes n'ont pas de déséquilibre de bilan comme SVB. La chute de SVB n'est pas un signal que l'ensemble du système bancaire est fragile comme en 2008. Il n'y a rien de commun aujourd'hui entre BNP Paris ou la Société Générale et SVB », tempère l'universitaire Eric Dor.
Cet épisode ne devrait toutefois pas être indolore pour la tech. Eric Dor appréhende des difficultés de financement pour les startups, qui peinent déjà à lever des fonds depuis la remontée des taux, susceptibles d'avoir « des conséquences sur la croissance économique à long terme ».
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