Cryptomonnaies : la Banque de France prône un encadrement strict

Le régulateur français veut interdire aux banques et assurances les dépôts et prêts en crypto-actifs, voire la commercialisation au grand public de fonds investis en monnaies virtuelles comme le bitcoin. La Banque de France souligne toutefois que la régulation devra être discutée au niveau international pour maîtriser pleinement les risques associés à ces actifs "hautement spéculatifs".
Delphine Cuny
La Banque de France propose notamment la création d'un statut de prestataire de service en crypto-actifs pour les plateformes de conversion et de transactions en crypto-actifs.
La Banque de France propose notamment la création d'un statut de prestataire de service en crypto-actifs pour les plateformes de conversion et de transactions en crypto-actifs. (Crédits : DC)

Bitcoin, ether, ripple, etc. : ne les appelez plus jamais cryptomonnaies ou monnaies virtuelles, cet abus de langage agace la Banque de France qui préfère le terme de « crypto-actifs », car ils ne « remplissent que très partiellement les fonctions dévolues à la monnaie ». L'institution a publié ce lundi une courte note sur « l'émergence du bitcoin et autres crypto-actifs : enjeux, risques et perspectives » dans laquelle elle dévoile ses propositions d'évolution du cadre réglementaire adaptée à l'essor de ces actifs qui ont « progressivement pris pied dans l'économie réelle, au travers de services permettant leur achat ou vente contre des monnaies légales  » et « font l'objet d'une bulle spéculative ».

Établissant la comparaison devenue classique entre le bitcoin et la bulle de la tulipe au XVIIe siècle, la Banque de France juge une réglementation « souhaitable » en raison de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, afin de protéger les investisseurs et de préserver l'intégrité des marchés, et si le phénomène s'amplifie, de veiller à la stabilité financière. Pour autant, actuellement, l'encours total des crypto-actifs est « encore limité au regard du stock de monnaie en circulation », de l'ordre de 330 milliards d'euros (35% en bitcoin, 20% en ether, 10% en ripple), à comparer aux 7.500 milliards d'euros de billets et pièces et dépôts à vue des agents non financiers dans la zone euro.

Sans attendre les conclusions de la mission confiée par Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des Finances, à un ancien sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, sur les pistes d'évolution de la législation nécessaires, la banque centrale et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui lui est adossée préconisent dans ce rapport d'instaurer un encadrement des plateformes de conversion et de transactions en crypto-actifs et plus généralement des placements dans ces instruments nouveaux, en particulier pour les investisseurs non avertis.

Comparaison bitcoin Tulipe Banque de France

["Le profil d'évolution du prix du bitcoin n'est pas sans rappeler à ce jour celui du prix du bulbe de tulipe entre 1634 et 1637". Crédits : Banque de France]

Interdire aux banques et assureurs les dépôts et prêts en "crypto"

Premier axe : « réglementer les services offerts à l'interface entre la sphère réelle et les crypto-actifs », c'est-à-dire les plateformes de conversion de bitcoin en monnaie légale, qui jouent le rôle d'intermédiaire entre acheteurs et vendeurs. Ces dernières doivent avoir un agrément de prestataire de service de paiement, mais uniquement du fait de la gestion pour compte de tiers d'un compte en monnaie légale. Concrètement, il s'agirait de créer un statut de prestataire de services en crypto-actifs, y compris pour les services de transactions en crypto-actifs, afin de soumettre ces acteurs « à des règles portant notamment sur la sécurité des opérations et sur la protection de la clientèle. »

L'autre volet concerne les placements. La Banque de France suggère de limiter la possibilité pour « certaines entreprises régulées (banques assurances, sociétés de gestion...) d'intervenir sur ces crypto-actifs », ce qui irait assez loin :

« Il s'agirait d'abord d'interdire les activités de dépôts et prêts en crypto-actifs. En ce qui concerne les produits d'épargne, on doit se poser la question de l'interdiction de toute commercialisation dans des véhicules collectifs à destination du grand public [du type FCP, Sicav, fonds d'investissement alternatifs, etc., Ndlr], pour réserver ces véhicules aux investisseurs les plus avertis », explique la note.

Ces produits de placements devraient être assujettis à des règles strictes de protection de la clientèle. Certaines banques américaines ont d'ailleurs d'ores et déjà interdit à leurs clients d'utiliser la carte bancaire qu'elles ont émises pour acheter des bitcoins et "alt coins".

Coordination internationale au G20

L'ACPR et la Banque de France prônent aussi d'imposer aux entités régulées (comme les banques et les assurances), « un strict encadrement de ces placements [en crypto-actifs pour compte propre], par exemple en déduisant la totalité de ces investissements des fonds propres. » Quant aux investissements dans le cadre d'Initial Coin Offerings (ICO), ces levées de fonds par l'émission de jetons virtuels qui « constituent la transposition en crypto-actifs du concept de financement participatif » selon la note, il est rappelé que l'Autorité des marchés financiers (AMF) va définir un cadre juridique spécifique « prévoyant les garanties appropriées ».

Lire aussi : Levées de fonds virtuelles : vers un cadre spécifique pour les ICO en France

Toutefois, l'institution française est consciente que la réglementation de ces actifs « hautement spéculatifs » ne saurait être vraiment efficace que si elle s'inscrit dans un cadre international.

« Compte tenu du caractère dématérialisé des crypto-actifs et de l'utilisation de technologies liées au monde de l'Internet qui facilitent la fourniture de services de façon transfrontalière, l'hétérogénéité des réglementations nationales pourrait empêcher une pleine maîtrise des risques induits », souligne-t-elle.

Le bitcoin et les cryptomonnaies seront justement au programme du prochain sommet du G20 Finances qui se tiendra les 19 et 20 mars à Buenos Aires, à la demande de la France et de l'Allemagne.

Delphine Cuny

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Commentaires 17
à écrit le 09/03/2018 à 22:35
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J'ai investi dans BITCOIN à travers une plate-forme faite par Phillippe Ballesio, j'ai fini par être arnaqué par cet homme, l'adresse de sa société a disparu et toute sa documentation a fini par être fausse, maintenant je savais que cette personne tr...

à écrit le 07/03/2018 à 0:19
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Certes. Là, réglementer rien, va peut-être falloir m'expliquer... Si certains ont des souvenirs de 2008, rappelez-moi, juste pour rire, ce qui a mis en faillite le système bancaire dans son entier..??

à écrit le 06/03/2018 à 23:16
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Laissons tout ce beau monde spéculer. Comme dans toute spéculation, à partir du moment où l'on fait appel aux particuliers, on est proche de la fin : les premiers spéculateurs se débarrassent en attirant le gogo. Je ne sais pas ce qui est le plus drô...

à écrit le 06/03/2018 à 22:14
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La banque de France qui veut réguler les chaines de ponzi à mourir de rire, Madof s en est étouffè dans sa cellule . Pas réguler ! trop contraignant , il vaut mieux émettre une charte qui parlerait de morale et d éthique . bisous bisous .

à écrit le 06/03/2018 à 22:13
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La banque de France qui veut réguler les chaines de ponzi à mourir de rire, Madof s en est étouffè dans sa cellule . Pas réguler ! trop contraignant , il vaut mieux émettre une charte qui parlerait de morale et d éthique .

à écrit le 06/03/2018 à 20:18
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Toujours amusant de constater que tout propos d'un prix Nobel d'économie ou d'un institutionnel, ici la banque de France, déclenche les réactions complotistes des cryptos-anarchistes. Il n'y a pas de complot, les crypto-actifs sont bel et bien du ve...

à écrit le 06/03/2018 à 19:24
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Les cryptos virtuelles monnaies ne sont en fait que des chaines de Ponzi modernes. Elles ne reposent sur aucun actif, aucun, uniquement sur le buzz. Voila pour quoi chacun peut créer sa "monnaie" virtuelle ou plutôt sa chaine de Ponzi et on dénombre...

à écrit le 06/03/2018 à 14:42
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Oui faisons comme au début des années 2000 ! La grande France qui va fermer les yeux sur le nouvel eldorado numérique comme elle l'a fait par le passé pour internet pour promouvoir le minitel. Aujourd'hui où sont les géants du secteurs, voilà la ques...

à écrit le 06/03/2018 à 13:38
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Le bitcoin est le dernier migrant qui se balance des frontières et encore plus de Bercy . Qui est derrière ? Un casseur de minables c'est certain .

à écrit le 06/03/2018 à 12:17
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Logique du fonctionnaire qui croit comprendre l'innovation mieux que tout le monde: interdire, réserver etc.... Dans un pays arriéré la Banque de France préservera mieux son pré carré.

à écrit le 06/03/2018 à 11:25
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Imaginez le prix du bulbe de tulipe aujourd'hui s'il n'y en avait que 21 millions. Comparaison récurrente et absurde.

à écrit le 06/03/2018 à 10:25
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Déprimant de voir que nos responsables soient autant à la traine et ne comprennent strictement rien à ce sujet... Rapport bourré de contre-vérités, et de faux arguments... Ils arrivent à sortir sur une page, que le bitcoin permet de faire des trans...

à écrit le 06/03/2018 à 9:55
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C'est un peu autoritaire ...Je trouve qu'il aurait été mieux d'interdire l'utilisation du bitcoin aux banques française pour éviter les dégâts sur l'économie de l'éclatement d'une bulle. Quant aux particuliers, on devrait leur laisser la possibilité ...

à écrit le 06/03/2018 à 9:47
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la France comme toujours veut encadrer, controller, légiférer, interdire.... et bien sur taxer, surtaxer, ajouter une taxe sur la taxe.... il est vrai qu´il n´y a pas de possibilités de placer des commissions, de faire pantoufler des cohortes d´én...

à écrit le 06/03/2018 à 8:44
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Concurrentes directes des paradis fiscaux nos vieux états européens sont incapables de l'ingérer alors que ce serait la meilleure solution pourtant, l'assimilation, nos vieux dirigeants économiques et politiques sont en train d'oublier même, de part ...

à écrit le 06/03/2018 à 8:11
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....interdire , encadrer , obliger ...... ce pays se dirige a grands pas vers une dictature "soft" , sans trop de sang mais ou AUCUN secteur n'échappe au contrôle de l'état y compris et surtout pe7nsées et comportements !

le 06/03/2018 à 19:26
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@CBmacadam Se prémunir des escroqueries oui c'est pas mal. Quand on te vend un truc qui ne repose sur aucun actif. Aucun , que du buzz.

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