Levées de fonds virtuelles : vers un cadre spécifique pour les ICO en France

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a rendu publique la synthèse de sa consultation sur les Initial Coin Offerings (ICO), les levées de fonds en jetons virtuels en plein essor, synthèse qui fait ressortir un large consensus en faveur d'une réglementation nouvelle et sur mesure.
Delphine Cuny
L'ICO de DomRaider a été une des premières lancées en France, l'an dernier.

Interdire, encadrer, laisser faire ? L'Autorité des marchés financiers (AMF) avait soumis plusieurs options aux acteurs de la place dans sa consultation ouverte d'octobre à décembre sur les Initial Coin Offerings (ICO), ce nouveau type de levées de fonds par l'émission de jetons numériques (tokens) acquis en cryptomonnaies ou en monnaies fiduciaires, actuellement en dehors de toute réglementation, au point que certains parlent de Far West.

Le gendarme des marchés a publié ce jeudi la synthèse des 82 contributions reçues, "un nombre élevé de réponses pour une consultation de ce type", venues d'acteurs de l'économie numérique, de professionnels de la finance et des infrastructures de marchés, d'universitaires, de cabinets d'avocats mais aussi de particuliers.

Il en ressort un large consensus en faveur de la mise en place d'un cadre légal spécifique, "près des deux tiers des réponses" ayant été à l'option d'une "législation nouvelle adaptée aux ICO."

"De manière unanime, les répondants estiment qu'un document d'information est nécessaire pour informer les acheteurs de tokens, et qu'il devrait comporter a minima des informations sur le projet lié à l'ICO et son évolution, les droits conférés par les tokens et le traitement comptable des fonds levés lors de l'ICO", explique l'AMF.

Vers un visa optionnel

L'Autorité note que, "pour la quasi-totalité des répondants, ce document devrait également permettre l'identification de la personne morale responsable de l'offre, leurs dirigeants fondateurs et leurs compétences. Et il pourrait faire l'objet d'un visa accordé par l'AMF [la moitié des répondants, Ndlr]", comme elle l'avait suggéré, "ou une institution ad hoc."

Le collège de l'AMF ajoute qu'il va "poursuivre le travail relatif à la définition d'un cadre juridique spécifique aux ICO prévoyant les garanties appropriées, notamment en matière d'information", mais ne précise par d'horizon précis. Il évoque "le choix d'un régime de visa optionnel" comme "une solution équilibrée permettant une approche pragmatique des ICO."

Le régulateur suisse, la Finma, a publié le 16 février un guide pratique des ICO, dans lequel il précise les informations minimales requises et définit les différents types de jetons (de paiement, d'utilité ou d'investissement) d'après leur fonctionnalité.

Une moyenne de 25 millions d'euros levés

L'AMF dresse aussi un état des lieux des ICO dans l'Hexagone, un phénomène encore émergent et modeste au regard des 3,8 milliards de dollars levés par plus de 211 opérations de ce type dans le monde l'an dernier, selon CoinSchedule. Les services de l'Autorité "ont désormais connaissance de 21 ICO réalisées depuis la France ou à venir en France."

"Au 19 février 2018, le montant total des levées de fonds réalisées ou envisagées par les porteurs de projets venus dialoguer avec l'AMF est d'environ 350 millions d'euros, dont environ 66 millions d'euros collectés par 5 opérations déjà terminées. La moyenne des levées de fonds atteindrait 25 millions d'euros", détaille la synthèse de la consultation.

Un montant élevé, comparable à celui des introductions en Bourse d'entreprises de croissance ou PME en France (comme les biotech Lysogene, Advicenne ou Theranexus, par exemple). Cependant, les montants levés sont "disparates", allant de 700.000 euros pour l'ICO la plus ancienne à environ 50 millions d'euros pour des projets en cours de concrétisation. "En comparaison, la plus grosse ICO réalisée et connue à l'étranger visait une levée de fonds de 700 millions de dollars", il s'agissait d'EOS. La messagerie cryptée Telegram viendrait de lever 850 millions de dollars.

L'AMF a étudié 15 ICO. Elle note que "2 ICO qui avaient finalisé leur levée de fonds avant l'ouverture de la consultation, n'ont déposé les statuts de leurs sociétés respectives qu'après la réalisation de leur opération de financement" (les deux plus anciennes).  Les émetteurs d'ICO mettent en avant "la possibilité de s'adresser facilement à une communauté d'internautes" au niveau international et d'aller plus vite que lors de financements traditionnels.

Si une majorité d'émetteurs a prévu des règles en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, l'AMF relève que le sujet du traitement comptable des fonds levés est rarement évoqué :

"Certaines opérations prévoient d'enregistrer les fonds levés dans les recettes de l'entreprise émettrice."

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Sur un sujet connexe, l'AMF a aussi publié un avis sur la qualification juridique des dérivés sur les crypto-monnaies : il en ressort que les plateformes qui proposent des produits de ce type dénoués en espèces sont interdites de publicité par voie électronique et "doivent se conformer à la réglementation applicable aux instruments financiers, en particulier aux règles en matière d'agrément, de bonne conduite, de déclaration des transactions à un référentiel central dans le cadre du règlement européen EMIR".

Lire aussi : "Nabilla, le bitcoin c'est très risqué" interpelle le gendarme des marchés

Delphine Cuny

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