Effet Macron : pourquoi les banques s'envolent en Bourse

Société Générale et Crédit Agricole s'envolent de plus de 10%, BNP de 7%. Les marchés redoutaient un duel favorable à Le Pen ou Mélenchon, qui ont les banques dans le collimateur.
Delphine Cuny
Evolution de l'indice Euro Stoxx Banks depuis six mois. Crédits : Stoxx.

[Papier mis à jour à 18h45]

C'est l'euphorie ce lundi sur les marchés financiers, qui redoutaient un duel Le Pen contre Mélenchon, deux candidats laissant craindre une sortie de l'euro, voire un second tour Fillon/Mélenchon à l'issue incertaine. Les premières à bénéficier de cet "effet Macron" sont les banques, qui signent les plus fortes hausses du CAC 40 : le Crédit Agricole s'est envolé de 10,8%, la Société Générale de 9,8%, BNP Paribas de 7,5%. Au total, les trois groupes bancaires ont augmenté leur valeur boursière en une séance d'environ 13 milliards d'euros.

Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, le soulagement général des investisseurs. Le CAC 40 a gagné 4,14%, sa plus forte hausse en pourcentage depuis août 2012, et clôturant à son plus haut niveau depuis janvier 2008, à 5.268,85 points. A la Bourse de Francfort, l'indice DAX a battu son record absolu. L'indice MSCI des 46 principaux marchés boursiers mondiaux a également inscrit un plus haut historique. L'euro s'est apprécié de 1,19% face au dollar à 1,0854$.

« C'est le scénario parfait dont le marché rêvait désespérément », a réagi le stratégiste Deutsche Bank, Sébastien Galy, spécialiste de macro-économie et des devises, auprès de l'agence Bloomberg.

1. Les taux

La victoire, jugée probable, d'Emmanuel Macron, considéré comme « le candidat le plus favorable à la construction européenne, alors que 8 des 11 candidats voulaient renégocier les traités européens », écrit le gérant d'actifs Candriam, a d'abord un effet sur les marchés obligataires. Les investisseurs reviennent sur « la dette française, largement délaissée depuis le début d'année face aux risques Le Pen et Mélenchon. » L'écart de rendement entre les obligations françaises à 10 ans (l'OAT) et les allemandes (le Bund) se réduit fortement ce lundi, à 43 points de base, son niveau de décembre 2016. En février, ce « spread » avait bondi à 80 points, les marchés s'inquiétant du « risque Le Pen » et d'un Frexit, contre 25 points de base l'été dernier.

 Or, l'évolution du cours des banques est fortement dépendante de celle des écarts de taux.

 Ce lundi, les analystes de JP Morgan prédisent ainsi que :

 « Les banques de la zone euro devraient le plus bénéficier du rebond des rendements obligataires. La corrélation entre les deux reste très forte. »

Banques corrélation obligataire Bund

[Corrélation de l'évolution du cours des banques de la zone euro et de celle du rendement des obligations allemandes. Crédits : JP Morgan/Bloomberg]

2. Les recommandations des analystes

Plusieurs courtiers ont relevé leur recommandation boursière sur les valeurs bancaires ce lundi matin. La Deutsche Bank a décidé d'augmenter son exposition à l'indice Euro Stoxx des banques, tout comme Citigroup et Goldman Sachs. Les analystes de Kepler Cheuvreux sont aussi passés de « neutre » à « surpondérer » sur les banques européennes et ils ont ajouté la Société Générale dans leur liste de valeurs préférées. Ils mettent en avant plusieurs arguments. Il y a bien sûr la levée de l'hypothèque d'un « scénario menant Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon à la présidence [...] dramatique et bien plus perturbateur pour l'eurozone et le monde que le Brexit ou l'élection de Trump. »

Même si de nombreux stratégistes et gérants d'actifs se montrent prudents, considérant, à l'image du géant américain BlackRock, que « la prime de risque politique des actifs français devrait perdurer jusqu'aux législatives de juin. »

Le courtier Kepler Cheuvreux invoque des raisons plus fondamentalement économiques, notamment l'amélioration de l'activité en Europe et le relèvement attendu des anticipations d'inflation. Il juge aussi l'action Société Générale peu chère, avec une décote de l'ordre de 20% par rapport au secteur, et bien positionnée pour l'avenir.

 « La banque génère 46% de ses revenus en France, derrière Natixis (54%) et pas loin de Crédit Agricole (47%) mais devant BNP Paribas (33%). Le business model de Société Générale est l'un des rares parmi les banques européennes à offrir des perspectives de croissance (Afrique, CEE). Par ailleurs, le marché peut s'attendre à un nouveau plan stratégique au second semestre. »

[Evolution de l'indice Euro Stoxx Banks depuis six mois. Crédits : Stoxx]

 L'indice Stoxx des valeurs bancaires de la zone euro a bondi de 7,2% ce lundi, à un sommet depuis seize mois.

Didier Saint-Georges, de la société de gestion d'actifs Carmignac, analyse aussi que « en Europe, le secteur bancaire est le "proxy" le plus évident pour les cycliques domestiques », le véhicule financier à privilégier pour les investisseurs voulant prendre plus de risques et effectuer une rotation d'actifs au détriment des valeurs défensives.

3. Macron, « le candidat des banques » ?

Au-delà des considérations générales sur une sortie de la zone euro, dont le risque paraît moins élevé et le goût retrouvé pour le risque, la perspective d'une "présidence Macron" - que les marchés semblent déjà prendre pour acquise - a de quoi rassurer les banques et leurs actionnaires. Car la plupart des autres candidats, à l'exception de François Fillon, avaient les banques dans le collimateur : une vraie loi de séparation des activités bancaires (dépôts et marchés) figurait dans presque tous les programmes, de Jean-Luc Mélenchon à Nicolas Dupont-Aignan. Benoît Hamon proposait en outre une taxe de 5 milliards d'euros sur les "super-profits" des banques françaises.

L'affaire Kerviel était aussi dans le programme de La France Insoumise, qui a soutenu l'ex-trader dans son combat judiciaire contre la Société Générale : Jean-Luc Mélenchon avait promis d'« engager les procédures de recouvrement des 2,2 milliards d'euros d'argent public accordés sans preuve à la Société Générale suite à l'affaire Kerviel, évaluer les actes comparables et poursuivre les coupables de ces abus. »

Marine Le Pen, peu explicite dans son programme, si ce n'est des formules telles que « privilégier l'économie réelle face à la finance spéculative », laisse planer le risque d'une nationalisation, qu'elle avait évoquée le mois dernier.

« S'il le faut, en cas de crise grave, l'État pourra devenir, même transitoirement, propriétaire d'un établissement bancaire », a-t-elle déclaré dans sa conférence du 2 mars.

La candidate Front National ne s'est par ailleurs pas privée de railler Emmanuel Macron comme « le représentant des intérêts des grandes puissances financières » ou de « l'argent roi ». En mars, les analystes de Citigroup anticipaient que les banques risquaient de perdre un quart de leur valeur boursière en cas de victoire de Marine Le Pen (et même 38% pour la Société Générale), plus de 50 milliards d'euros de capitalisation boursière cumulés pouvant partir en fumée. Deutsche Bank avait même évoqué un événement ayant « le potentiel d'un retentissement allant au-delà d'un épisode à la Lehman. »

Taxé de « candidat des banques » par ses rivaux, le candidat d'En Marche! n'a rien prévu concernant ce secteur de l'économie, à la fois essentiel et controversé. L'ex-banquier d'affaires chez Rothschild pendant quatre ans, qui s'agace qu'on limite sa personnalité et son projet à cette expérience, a récemment déclaré lors d'un déplacement à Rungis :

« Je sais bien que cela fait plaisir à tout le monde de taper sur les banques, mais on n'a rien trouvé de mieux pour financer l'économie. »

Delphine Cuny

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Commentaires 20
à écrit le 26/04/2017 à 16:34
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C'est dommage ce manque d'appréciation. Un libéral de centre droit, ce n'est pas un ultra-libéral ! C'est même le positionnement politique qui a amené le plus de pays vers une réussite durable (pays scandinaves, Allemagne, Suisse, Autriche, Pays-Bas ...

à écrit le 25/04/2017 à 13:51
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Les cours seraient en hausse, fort bien, existe-t-il une explication au fait que l'Eurostoxx n'aurait pas dépassé le niveau de 2007 contrairement au DOW ou au DAX? Des institutions financières publiraient que nous aurions une production industrielle ...

à écrit le 25/04/2017 à 13:32
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Comme en Amérique, nous allons élire le moins mauvais des mauvais. Ce qui est plutôt désolant pour une nation comme la France. N'oublions toujours pas que ce pays pète plus haut qu'il a le derrière. Donc, cela n'aura guère d'importance pour la planèt...

à écrit le 25/04/2017 à 11:51
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Macron est le chouchou des banques et surtout des complexes militaro industriels de la mafia USA-OTAN-UE. Ce drone made in America va nous aligner encore davantage avec l'ogre américain et donc participer à ses aventures guerrières. Le petit peuple f...

à écrit le 25/04/2017 à 9:55
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les banques gagnerais en credibilite si elle séparais les activite commercial et les activi speculative : il serais tempt de moralisse le systeme banquere qui aide beaucoup les coronpue a mettre leurs capital dans les paradies ficaux???

à écrit le 25/04/2017 à 8:55
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Il y a eu une certaine retenue causée par l'incertitude du 1er tour, avec les " dangers pour les investisseurs " de Mme Le Pen et Mr. Mélenchon. Le soulagement vient que c'est un candidat " classique " qui soit arrivé en tête quelque que soit sa ...

à écrit le 25/04/2017 à 8:31
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Moi c est ni ni et peut être plus !!!

à écrit le 24/04/2017 à 18:36
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« Je sais bien que cela fait plaisir à tout le monde de taper sur les banques, mais on n'a rien trouvé de mieux pour financer l'économie. » C'est pas parce qu'on a pas trouver mieux pour financer l'économie qu'il faut la laisser faire ce qu'elle v...

à écrit le 24/04/2017 à 16:56
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Macron représente les lobbies, le système bancaire et financier. Donc normal que les bourses saluent sa performance. Le Front républicain est pathétique...les partis perdants se ruent sur Macron pour eviter la mort politique.. Macron ressemble...

le 24/04/2017 à 22:32
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Vous pouvez parfaitement vous abstenir de faire barrage au FN, par contre vous ne pourrez pas vous exonérer des conséquences pour le pays si Marine est élue. Donc votre "bon courage" s'applique tout autant à vous-même.

le 25/04/2017 à 7:06
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Je pense que la France aurait pu faire l'économie de cette présidentielle (ainsi que des législatives à venir), lesquelles finalement coûtent très cher et mobilisent beaucoup d'énergie . Nous aurions pu ainsi éviter ce coup d'épée dans l'eau ... vu q...

le 25/04/2017 à 16:49
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Monsieur Clairvoyant & les yeux du mauvais côté et un peu trop bas ! Cela doit sentir "mauvais" dans ce secteur ! Car ouvrir les yeux "en face des trous" c'est plus efficace et plus réaliste ! La clairvoyance ne s'attribue pas, ipso facto, à to...

à écrit le 24/04/2017 à 15:55
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Bon, on est rassuré, son ennemi, c'est pas la finance :-)

à écrit le 24/04/2017 à 15:50
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Les banques vont surfer sur une partie de la dette qui est un fake puisque ce sont eux qui l'ont créée. Attention au grossissement des rangs extrêmistes qui pourraient atteindre une force de contestation incontrôlable si Macron gouvernait avec les po...

le 25/04/2017 à 7:01
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vous dites (repetez)un ramassis de lieux communs qui ne sont que des mots ,histoire de parler ,sans aucun fondement .C'est devenu la mode ,les ignorants balancent des affirmations sans complexe ,comme disait audiart "..ça ose tout ,c'est à ça qu'on l...

le 26/04/2017 à 10:04
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C'est vrai les "cons" cela ose tout!! Même traiter les autres de "cons" Si les sois disant "investisseurs" qui ne sont que des spéculateurs sont heureux cela doit bien vouloir dire quelque chose?!?! Comme le front sois disant front républicain " la g...

à écrit le 24/04/2017 à 15:50
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Ce n'est pas tant les autres candidats qui avaient les banques dans le collimateur, mais bien macron qui est le candidat de ces banques et de la finance prédatrice.

à écrit le 24/04/2017 à 15:34
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Les banques vont bien pas vous ? vous faites pas d'efforts encore .

à écrit le 24/04/2017 à 14:57
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Ouf, j'ai cru que le gavage des actionnaires allait s'arrêter.

à écrit le 24/04/2017 à 14:33
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c'est bien la preuve que la bourse est déconnectée de la vie réelle où Macron n'a rien fait et pour cause il reste un second tour; à quand le prochain crash?

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