Affaire FTX : l'ancienne star des cryptomonnaies Sam Bankman-Fried condamné à 25 ans de prison

Le procureur de New York avait réclamé entre 40 et 50 ans de prison. Sam Bankman-Fried a été reconnu coupable de multiples chefs d'accusation après avoir détourné l'argent des clients de sa plateforme FTX. Ce jeudi, il a été condamné à 25 ans de prison.
Sam Bankman-Fried, la superstar déchue des cryptomonnaies, encourt jusqu'à 110 ans de prison (photo d'archives).
Sam Bankman-Fried, la superstar déchue des cryptomonnaies, encourt jusqu'à 110 ans de prison (photo d'archives). (Crédits : Amanda Perobelli)

[Article publié le jeudi 28 mars 2024 à 12h04 et mis à jour à 17h09] Sam Bankman-Fried, la superstar déchue des cryptomonnaies, a été condamné à 25 ans de prison pour avoir détourné 8 milliards de dollars issus des fonds des clients de FTX depuis sa création en 2019 jusqu'à sa faillite en 2022, a-t-on appris ce jeudi. Lors de l'audience devant un tribunal de New York, le trentenaire a présenté ses excuses, reconnaissant avoir « pris une série de mauvaises décisions ». Il avait été reconnu coupable en novembre des sept chefs d'accusation retenus contre lui.

Pour rappel, ses avocats avaient réclamé, il y a quelques jours, une peine allégée de six années de prison, le procureur de New York, Damian Williams, lui, avait réclamé entre quarante et cinquante ans de réclusion pour l'ancienne vedette des cryptos.

Aux yeux du procureur, le jeune financier a « commis l'une des plus grosses fraudes financières de l'histoire américaine, un montage de plusieurs milliards de dollars censé faire de lui le roi des cryptos ».

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« Seul Zuck (Mark Zuckerberg) est devenu si riche, si jeune »

En quelques mois seulement, ce diplômé de physique du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) a fait d'une petite startup, lancée en 2019, la deuxième plateforme mondiale d'échanges de cryptomonnaies : FTX.

Le public découvre un personnage atypique, bien décidé à jouer un rôle d'ambassadeur des cryptos, auprès des médias comme au Congrès où il fait sa première apparition en décembre 2021, lors d'une audition sur le secteur. « SBF » séduit les élus américains par son langage clair et sa vision de l'avenir des cryptomonnaies, incluant un cadre réglementaire extensif, alors que beaucoup, dans le milieu, y sont opposés. Il multiplie les nouveaux projets, dont certains empiètent directement sur les plates-bandes des Bourses américaines.

Actionnaire majoritaire de son groupe, le Californien d'origine est à la tête d'une fortune estimée à son pic à 26 milliards de dollars. « Seul Zuck (Mark Zuckerberg) est devenu si riche, si jeune », titre le magazine Forbes en octobre 2021.

Ce fils de deux universitaires de Stanford s'aventure bien au-delà de l'univers crypto, effectue des dons à des candidats politiques américains et convainc des célébrités comme la légende du football américain Tom Brady, de vanter les mérites de FTX, contre forte rémunération. Lorsque la tempête se lève sur les cryptomonnaies, au printemps 2022, il se pose même en élément stabilisateur, rachetant la plateforme en difficulté BlockFi ou les actifs d'un autre acteur en faillite, Voyager.

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Détournement de plusieurs milliards

Mais toutes les bonnes choses ont une fin. SBF est accusé d'avoir détourné plusieurs milliards de dollars de dépôts de clients sans leur autorisation. Les avoirs des clients de sa plateforme d'échanges ont ensuite été utilisés pour effectuer des transactions à risque via sa société sœur Alameda, dans le but d'acheter des biens immobiliers, notamment au Bahamas, ou faire des donations politiques.

Tout s'effondre lorsque début novembre 2022, le média CoinDesk révèle qu'une part considérable des actifs d'Alameda est constituée d'une cryptomonnaie créée par FTX, le FTT. L'information provoque l'effondrement de cette devise numérique qui se retrouve soumise à des demandes massives de retraits venues de clients paniqués. Au moment du dépôt de bilan de FTX, environ 9 milliards de dollars manquent à l'appel.

Extradé des Bahamas, où était basé FTX, Bankman-Fried, dont la fortune s'est évaporée, est inculpé mi-décembre. Fraude, association de malfaiteurs et blanchiment d'argent... Il a été déclaré coupable des sept chefs d'accusation retenus contre lui.

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Personnalité ambivalente

Lors de son procès, qui aura duré cinq semaines, les avocats de « SBF » l'ont présenté comme un jeune chef d'entreprise dépassé par sa charge de travail et victime des erreurs de jugement de ses associés et employés. Pour obtenir la clémence du magistrat fédéral, ils ont aussi mentionné le fait que cet ancien trader présentait des troubles du spectre de l'autisme, ce qui le rend, selon eux, « vulnérable au sein d'une population carcérale ». Lui a admis lors d'une audition des erreurs de gestion mais pas de fraude.

Sauf que la défense de Sam Bankman-Fried a été fragilisée par les témoignages de trois anciens cadres de FTX et d'Alameda, dont son ancienne petite amie, qui avaient tous mis en évidence, de façon détaillée, le rôle moteur de l'accusé dans la fraude.

« Il comprenait les règles, mais a décidé qu'elles ne lui étaient pas applicables », a insisté le bureau du procureur dans un document transmis au juge, évoquant une « mégalomanie pernicieuse » et « un complexe de supériorité ».

Depuis le verdict, Sam Bankman-Fried a changé son équipe d'avocats et s'est notamment adjoint les services de Marc Mukasey, beaucoup plus extraverti et offensif que le discret Mark Cohen, chargé auparavant de sa défense. Face à la menace d'une très lourde peine, les avocats de Sam Bankman-Fried, qui vient de fêter ses 32 ans, ont cherché à dépeindre un « SBF » plus humain que le manipulateur décrit lors de son procès.

« Ceux qui connaissent Sam savent qu'il est désintéressé, altruiste », ont écrit ses conseillers dans un document soumis au juge fédéral Lewis Kaplan avant l'audience, accompagné de dizaines de lettres de soutien de proches. Les personnes qui l'ont côtoyé « comprennent que sa conduite n'a jamais été motivée par la cupidité ou la soif de prestige », ont appuyé les avocats, citant un des témoignages à l'appui de leur demande.

Le fait est que l'ancien élève du Massachusetts Institute of Technology (MIT) n'a jamais été mis en cause pour enrichissement personnel et a conservé, jusqu'au bout, l'essentiel de sa fortune en actions FTX, dont la valeur s'est évaporée.

Le secteur impacté

Dans le monde des cryptomonnaies, certains se réjouissent de la condamnation de la star déchue. « Ce verdict devrait marquer, espérons-le, la fin d'une période sombre pour notre industrie », a commenté, sur X (ex-Twitter), Yat Siu, président d'Animoca Brands, éditeur de jeux vidéo et investisseur dans des projets liés à la blockchain, technologie sous-jacente des cryptomonnaies.

L'implosion de FTX avait ponctué une séquence entamée au printemps 2022 et marquée par la défaillance d'une série de sociétés et plateformes liées aux cryptomonnaies. Cette période a vu la valeur du bitcoin divisée par trois (-67%) entre fin mars et fin novembre 2022. La reine des devises numériques a mis près d'un an à se remettre et n'a retrouvé un élan que depuis quelques semaines.

« Des milliards de dollars qui appartenaient à des utilisateurs (de FTX) ont été perdus et la réputation de notre industrie a pris un gros coup », a fait valoir Hayden Adams, fondateur d'Uniswap, une plateforme décentralisée d'échange de cryptomonnaies. « Les seuls gagnants ont été quelques cabinets d'avocats et des opposants aux cryptos ».

« Durant le prochain cycle, notre industrie doit faire mieux », a-t-il exhorté. « Nous concentrer sur la technologie et nos valeurs, repérer les signes alarmants et éviter les sociopathes et leur culte de la personnalité ».

Et concernant les pertes des clients, les liquidateurs du groupe ont déjà récupéré environ 6,4 milliards de dollars en numéraire et prévoient de rembourser intégralement les personnes lésées. Ils profitent notamment de l'appréciation brutale des cryptomonnaies, qui se sont remises après le millésime 2022 catastrophique. Porté par un afflux d'investisseurs et la commercialisation d'un nouveau produit de placement, la reine des monnaies numériques, le bitcoin, a enchaîné les records depuis début mars.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 28/03/2024 à 20:21
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Il ressemble beaucoup au magicien de chez Drucker ! Son tour n'a pas marché, qu'à celà ne tienne, combien y parviennent... dans l'ombre !

à écrit le 28/03/2024 à 18:59
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Bernard Madoff 65 Mds 150 ans de prison soit ~2,31 ans/Md chapardé, Samuel Bankman-Fried 8 Mds 25 ans de prison soit ~3,21 ans/Md détourné. Bien que la sentence peut paraître plus lourde pour le jeune surdoué, celui-ci aura tout le loisir de réc...

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