Londres dévoile sa stratégie Fintech et une taskforce sur les crypto-actifs

Le Royaume-Uni veut garder son titre de capitale des startups de la finance, dans le contexte du Brexit qui conduit certaines jeunes pousses à s'interroger sur leur implantation. Le ministre des Finances veut mettre en place une "robo-régulation", un suivi automatisé du respect des règles.
Delphine Cuny
Philip Hammond, le ministre britannique des Finances, à la conférence internationale de la Fintech ce jeudi à Londres avec Scott Morrison, son homologue australien, après avoir signé le pont Fintech entre les deux pays.
Philip Hammond, le ministre britannique des Finances, à la conférence internationale de la Fintech ce jeudi à Londres avec Scott Morrison, son homologue australien, après avoir signé le "pont Fintech" entre les deux pays. (Crédits : DR)

Le Brexit met-il en péril la couronne de roi de la Fintech en Europe gardée jalousement par le Royaume-Uni ? La France, qui aspire à devenir le nouveau centre de référence des startups de la finance, rêve de le détrôner et Londres préfère prendre les devants : le chancelier de l'Echiquier (l'équivalent du ministre des Finances) Philip Hammond a dévoilé ce jeudi la première "stratégie sectorielle Fintech du gouvernement" britannique, afin de "démontrer que le Royaume-Uni est le meilleur endroit dans le monde où croître et investir dans la Fintech".

"De la City de Londres à la Silicon Glen en Ecosse, le Royaume-Uni est le chef de file mondial en matière d'exploitation de la puissance des Fintech, pendant que nous créons une économie taillée pour l'avenir", a fait valoir Philip Hammond.

Il est vrai que les plus grosses levées de fonds de la Fintech en Europe ont lieu au Royaume-Uni, notamment celle de 280 millions de dollars de TransferWise, la cinquième plus importante de l'année dans le monde. Cependant, la banque mobile allemande N26 a annoncé mardi une levée de 160 millions de dollars, ce qui montre que les jeunes pousses continentales aussi peuvent récolter des montants conséquents. Le Royaume-Uni se classe au deuxième rang dans le monde, derrière les Etats-Unis, en termes de nombre d'opérations et de montants levés, avec 1,8 milliard de dollars investis l'an dernier (+153% par rapport à 2016), selon les chiffres d'Innovate Finance, l'association du secteur.

Le secteur britannique de la Fintech, qui emploie plus de 60.000 personnes dans 1.600 entreprises, contribuerait à hauteur de 6,6 milliards de livres sterling (7,5 milliards d'euros) par an à l'économie du pays.

Taskforce pour les crypto-actifs

Cette stratégie Fintech passe notamment par la création d'une "taskforce sur les crypto-actifs" (les monnaies virtuelles comme le bitcoin), composée du Trésor, de la Banque d'Angleterre et du régulateur financier, la FCA (Financial Conduct Authority).

"Je suis déterminé à aider le secteur à croître et à prospérer, et notre stratégie sectorielle ambitieuse définit comment nous allons nous assurer que le Royaume-Uni reste à la pointe de la révolution numérique", a expliqué le ministre avant l'ouverture de la deuxième conférence internationale de la Fintech, parrainée par le ministère.

"Dans ce cadre, un nouveau groupe de travail aidera le Royaume-Uni à gérer les risques liés aux crypto-actifs tout en exploitant les avantages potentiels de la technologie sous-jacente", à savoir la Blockchain ou chaîne de blocs.

Le gouvernement français aussi s'est saisi des sujets des crypto-actifs, avec plusieurs missions en cours sur le sujet (à l'Assemblée nationale, celle confiée par le ministre Bruno Le Maire à Jean-Pierre Landau). Une disposition du projet de loi Pacte donnera à l'Autorité des marchés financiers (AMF) la possibilité de délivrer un visa optionnel aux entreprises voulant lever des fonds en monnaies virtuelles (Initial Coin Offerings, ICO), domaine dans lequel "la France a tout intérêt à devenir le premier grand centre financier à proposer un cadre législatif ad hoc", a déclaré le ministre français.

"Robo-régulation"

Le chancelier de l'Echiquier veut aussi mettre en place des programmes pilotes de "robo-régulation", ou régulation robotisée : il s'agit de logiciels qui permettraient un suivi automatisé de la conformité des jeunes pousses de la Fintech et "plus largement du secteur des services financiers", avec les règles en application, "leur faisant économiser du temps et de l'argent." Londres s'était déjà taillé une réputation de régulateur "Fintech-friendly" avec la mise en place d'un "bac à sable réglementaire" (sandbox), un cadre spécifique pour tester en condition réelle les projets. De nouveaux standards du secteur seront mis en place afin de faciliter les partenariats entre les Fintech et banques, ainsi que des "plateformes partagées" pour éliminer les barrières à l'entrée pour les nouveaux acteurs.

Alors que les portes du marché unique seront plus difficiles à ouvrir avec la perte attendue du "passeport européen" à l'issue de la sortie de l'UE, Londres va se détourner de l'Europe et regarder plus loin en s'appuyant sur ses connexions héritées du Commonwealth : Philip Hammond annonce la création d'un "pont Fintech" avec l'Australie "pour aider les entreprises britanniques à se développer à l'international", et accéder à un marché de 24 millions de personnes, où les innovations digitales dans la finance sont en plein essor. Il y aura des échanges entre régulateurs des deux pays ainsi qu'entre acteurs privés, notamment au travers de sommets réguliers.

Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 22/03/2018 à 18:56
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"Robot régulation" ça ne devrait pas faire plaisir à nos financiers... Bravo les anglais, il faut tout faire pour faire fuir la finance en leur disant surtout qu'on les veut car on les aime, sinon ils deviennent vite méfiants...

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