Balard, un projet qui ne respecte pas sa feuille de route financière

L'équilibre financier du partenariat public-privé Balard n'a pas été respecté. Les économies réalisées se sont révélées en outre inférieures à celles qui étaient prévues. Le ministère a dû remettre au pot des crédits supplémentaires.
Michel Cabirol
Le coût de Balard s'élève à 5,8 milliards d'euros.
Le coût de Balard s'élève à 5,8 milliards d'euros. (Crédits : POOL)

Du bon et du mauvais pour le projet Balard, le Pentagone à la française décidé sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. "Les modalités de conduite de l'opération ont permis de négocier le contrat puis de piloter sa réalisation de manière à parvenir à un résultat opérationnel jugé satisfaisant par le ministère des Armées", explique la Cour des comptes dans son rapport annuel. C'est également le constat de Bercy, qui dans sa réponse à la Cour des comptes a estimé que le partenariat public-privé de Balard a "plutôt bien fonctionné à ce stade". Dans un contexte de vulnérabilité, le ministère a pu maintenir à tout moment ses capacités opérationnelles alors que les principaux centres de commandement ont été totalement renouvelés, constate la Cour.

Les états-majors se montrent "très satisfaits" de la modernité du nouveau centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). Moins stratégique, mais important pour le moral, le service restauration a recueilli un taux de satisfaction de 85% lors de la première enquête. En dépit de quelques réserves, le bâtiment a été livré avec "un faible retard de calendrier" principalement dû à des difficultés avec la ville de Paris. Enfin, les dérapages du coût de construction "sont restés relativement contenus et inférieurs à 7% du coût total des investissements" (bâtiment et Systèmes d'information et de commandement), précise la Cour des comptes.

"Avec le site de Balard, la France s'est dotée d'un outil de planification et de conduite des opérations cohérent, moderne, efficace et répondant aux impératifs opérationnels actuels et futurs, a estimé pour sa part le ministère des Armées dans sa réponse à la Cour des comptes. Deux ans après l'arrivée à Balard, les conditions de vie et de travail sur le site satisfont le personnel et permettent aux autorités du commandement des armées d'exercer pleinement leurs missions".

Des objectifs financiers non respectés

Pour autant, note la Cour des comptes, l'emménagement de près de 10.000 personnes à Balard "n'a pas encore produit l'ensemble des bénéfices attendus du fait de l'absence du ministre et de son cabinet", demeurés rue Saint-Dominique à l'Hôtel de Brienne. Mais c'est sur le plan financier que les critiques de la Cour des comptes sont les plus sévères. Ainsi, observent les Sages de la rue Cambon, "les objectifs financiers de l'opération ne sont pas respectés à ce stade".

Cette opération de regroupement des états-majors et des organismes centraux du ministère de la Défense à Balard reposait sur l'hypothèse que les économies générées par ce regroupement devaient permettre de financer l'ensemble de l'opération. Soit 5,8 milliards d'euros : 4,33 milliards au titre du contrat de partenariat de 30 ans signé en mai 2011 avec le consortium Opale (Bouygues, Thales, Sodexo, Dalkia, CDC...), un surcoût de 990 millions résultant du soutien conservé en régie et de 355 millions correspondant à des investissements supplémentaires. Malheureusement les économies se sont révélées bien inférieures aux estimations initiales du ministère de la Défense.

"L'analyse financière du contrat du partenariat montre que cette contrainte initiale n'a pas été respectée", confirme la Cour des comptes.

Pourquoi une telle différence entre coûts et économies

Pour financer le contrat de partenariat, le ministère s'est engagé à verser une redevance de 143 millions d'euros par an en moyenne jusqu'en 2041. Or, il a estimé les économies à 110 millions d'euros environ par an dans le plan de financement initial. Soit 3 milliards d'euros. Loin, très loin déjà du montant de la redevance de 4,336 milliards (dont 148 millions d'impôts). L'Hôtel de Brienne économise également 305 millions d'euros de taxes et d'impôts au titre des emprises qu'il a vendues. Soit 3,3 milliards à déduire du coût total de 5,8 milliards d'euros.

Toutes ces économies ne permettaient donc pas de financer le contrat Opale à elles seules. Et ce d'autant que le produit de cessions des trois emprises vendues (360,65 millions d'euros) par le ministère de la Défense a servi in fine au financement des équipements (programme 146) et non à celui de l'opération Balard. En conséquence, une dotation budgétaire spécifique de 948 millions d'euros (soit 33 millions par an) a dû être inscrite afin de contribuer à 22% du financement global.

 Et ce n'est pas fini. Car, selon la Cour de comptes,"un premier bilan de la capacité du ministère des Armées à financer" ce contrat "à la mi-2017, laisse présager des difficultés futures". Et pour cause, les économies réalisées sont "moindres que celles prévues dans le plan de financement à la fois au titre du fonctionnement et des dépenses de personnel".  Ainsi, selon les Sages de la rue Cambon,"entre 2012 et 2017, le manque de financement au titre des économies de fonctionnement a atteint 18 millions d'euros (7,5 % des ressources attendues). Ce manque résulte d'une évaluation excessive des économies réalisables au moment du plan de financement et des charges afférentes au maintien de troupes à l'îlot Saint-Germain". Selon le ministère, la cession de l'îlot Saint-Germain devrait intervenir cette année.

Par ailleurs, le manque de financement au titre des économies de charges de personnel a atteint 32 millions d'euros (24 % des ressources attendues). Alors que l'objectif de réduction d'effectifs de soutien était de 1.363 postes, la réduction n'a porté que sur 655 postes. En fait, 642, selon le ministère des Armées. Au final, "le manque à gagner en termes d'économies a été, pour l'instant, couvert par redéploiement de crédits internes à la mission Défense", a conclu la Cour des comptes, qui critique une "absence d'évaluation du coût global par le ministère".

Une bonne surprise de la renégociation des taux

La renégociation à deux reprises des taux de financement du projet a permis près de 185 millions d'euros hors taxes d'économies après déduction des coûts des conseils par rapport à l'évaluation initiale de 918 millions d'euros (soit 20%). Dans un premier temps, la fixation des taux de crédits entre octobre 2013 et avril 2015 a permis une économie de 145,6 millions d'euros hors taxes sur le coût du financement. Puis, en mars 2017, le refinancement de la dette par la banque HSBC en tant qu'arrangeur et coordinateur, a permis un gain supplémentaire de 42,3 millions d'euros hors taxes.

Michel Cabirol

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Commentaires 8
à écrit le 12/02/2018 à 3:01
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On est toujours perdants dans les Partenariats publics privés. Pourquoi ne savent ils pas calculer ? On en a pour jusqu'en 2041 ...

le 12/02/2018 à 18:09
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L'argent ne s'évapore pas ! Si un établissement a une perte financière, c'est qu'un autre a gagné de l'argent.

à écrit le 08/02/2018 à 18:49
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Mais quelle HORREUR cet immeuble !!! Combien d'années après le bac pour pondre un machin pareil, peut-être fonctionnel (ce qui ne se voit pas) mais esthétiquement digne de l'académie des arts soviétiques ! Mais QUI a pu choisir un projet aussi hid...

à écrit le 08/02/2018 à 13:52
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Au final, j'ai envie de dire que c'est pas si mal. Un projet de cette taille a toujours des surcoûts par rapport aux estimations de départ qui sont "hors évènements - modification - et tout se passe comme prévu". Le projet a été fini dans les tem...

à écrit le 07/02/2018 à 15:23
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Heureusement que Louis XIV n'avait pas la Cour des comptes à ses basques.....Bref....le personnel est content de la cantine...n'est ce pas l'important au final...😁

à écrit le 07/02/2018 à 13:55
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Comme d'hab ! Depuis des décennies , on sous estime les couts et surestime les recettes ou économies de ces projets . Et rien ne change : suffit de regarder le métro du grand PARIS ou les compteurs LINKY . Et in fine c'est toujours le meme qui pa...

à écrit le 07/02/2018 à 13:51
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Ce n'est pas une surprise, N Sarkozy a tout fait pour que l'opérateur privé tienne l'état en otage et qu'il ne soit pas possible de négocier, ce que voulait faire F Hollande. Ajoutons-y qu'en période de crue, cette implantation est une aberration , c...

à écrit le 07/02/2018 à 10:22
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On ne peut pas faire d'économie avec un partenariat public privé, il n'y a rien de pire, déjà que notre système s'effondre à cause de la compromission généralisée entre politiciens et hommes d'affaires si en plus on leur permet de se réunir et d'agir...

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