Comment l'avionneur franco-italien ATR veut enfin atterrir au Etats-Unis et en Chine

Les marchés américain et chinois se refusent obstinément au leader de l'aviation régionale. Arrivée aux commandes d'ATR en septembre 2022, Nathalie Tarnaud Laude dévoile sa stratégie pour pénétrer ses deux marchés.
Michel Cabirol
« Nous avons aujourd'hui une ambition aux Etats-Unis. Le sujet est de définir le niveau de cette ambition à travers notre étude de faisabilité. Il faudra probablement prévoir une évolution de notre avion pour répondre aux besoins du marché américain », explique la PDG d'ATR Nathalie Tarnaud Laude.
« Nous avons aujourd'hui une ambition aux Etats-Unis. Le sujet est de définir le niveau de cette ambition à travers notre étude de faisabilité. Il faudra probablement prévoir une évolution de notre avion pour répondre aux besoins du marché américain », explique la PDG d'ATR Nathalie Tarnaud Laude. (Crédits : ATR)

Un comble. Jusqu'ici le leader mondial de l'aviation régionale ATR n'est jamais parvenu à percer durablement sur deux marchés considérés comme majeurs pour sa croissance, les Etats-Unis et la Chine. Deux énormes marchés qui pourraient relancer l'avionneur basé à Toulouse vers des altitudes de croisière connues avant le Covid-19. Mais tous les prédécesseurs de Nathalie Tarnaud Laude, qui a pris le manche du constructeur franco-italien (Airbus et Leonardo) en septembre 2022, s'y sont plus ou moins cassés les dents. Pour autant, elle ne veut pas passer à côté de ces deux marchés qui restent compliqués pour ATR. Deux marchés où pourtant le constructeur a connu quelques succès mais sans lendemain aussi bien aux Etats-Unis, y compris dans le cargo (FedEx), qu'en Chine. Pour inverser la tendance, la PDG d'ATR a mis en place une nouvelle stratégie distincte dans ces deux pays.

Lire aussiAviation régionale : le marché chinois s'ouvre enfin à ATR

Etats-Unis : une étude de faisabilité

Aux Etats-Unis, ATR a connu sous l'impulsion de Christian Scherer quelques succès remarquables avec FedEx dans le cargo en 2017 (30 appareils commandés, plus 20 en option) et la même année auprès de la compagnie américaine Silver Airways (12 ATR 42-600 et 3 ATR 72-600), qui dessert la Floride et les Antilles. Ce contrat signait le retour d'ATR aux Etats-Unis sur les routes régionales. Puis, plus rien, en dépit des solides espoirs de croissance. A la décharge d'ATR, le Covid-19 n'a pas vraiment aidé à son décollage aux Etats-Unis. Mais les raisons semblent plus profondes comme le laisse entendre Nathalie Tarnaud Laude, qui a souhaité lancer une étude de faisabilité pour savoir ce que ATR devait faire pour percer durablement aux Etats-Unis. Car, pour elle, les Etats-Unis sont « un vrai marché »« ATR n'est pas assez présent ».

« Nous avons aujourd'hui une ambition aux Etats-Unis. Le sujet est de définir le niveau de cette ambition à travers notre étude de faisabilité. Il faudra probablement prévoir une évolution de notre avion pour répondre aux besoins du marché américain », explique-t-elle.

Le marché américain s'offre actuellement à ATR et tous les astres semblent alignés pour que l'avionneur européen y perce enfin de façon durable. « C'est un marché sur lequel nous avons identifié beaucoup de remplacements, notamment de petits appareils de 30 places pour lequel ATR pourrait être positionné », constate Nathalie Tarnaud Laude. Le renouvellement des flottes d'Embraer 120 et SAAB 340 mais aussi des jets pourrait constituer une aubaine pour ATR. Comment revenir aux Etats-Unis avec une proposition de valeur la plus solide ? Elle est convaincu que ATR doit « lancer une version un peu différente de celle qu'on a aujourd'hui avec une classe business ». Cette version dotée d'une classe business « pourrait être un bon point d'entrée pour les remplacements de jets, qui sont très anciens et qui ont parfois plus de 30 ans d'âge ». En outre, l'avion doit disposer d'une porte avant pour permettre de rejoindre rapidement la passerelle aéroportuaire.

C'est là où ATR a une carte à jouer avec son atout environnemental pour convaincre les compagnies aériennes américaines de lancer cette vague de renouvellement déjà opéré par Silver Airways. La compagnie a retiré de sa flotte des SAAB 340 et loue des ATR à Jetstream (ATR 42-600 et 72-600). « Nous avons aujourd'hui une vraie force de proposition, estime Nathalie Tarnaud Laude. Aux Etats-Unis, l'aspect environnemental est devenu pour certaines régions un critère important. Et nous avons une carte à jouer grâce à la sobriété que nous proposons avec nos appareils. Les ATR pourraient même rouvrir certaines routes de "point à point", qui avaient été fermées ». C'est notamment le cas pour la Californie et la Floride, qui cherchent des solutions de décarbonation pour l'aviation à moyen terme.

Enfin, la PDG d'ATR souhaite travailler avec des partenaires locaux « pour trouver la meilleure façon de réintroduire ATR aux Etats-Unis ». Avec cette étude de faisabilité dont les conclusions sont attendues cette année, ATR devra alors décider de sa stratégie pour « éventuellement attaquer le marché américain ». Mais Nathalie Tarnaud Laude y croit. « Nous avons un certain nombre d'atouts que nous pouvons faire valoir », juge-t-elle. Le marché estj pour le moment évalué à plus de 240 appareils.

Un partenaire local en Chine ?

Comme tous ses prédécesseurs, Nathalie Tarnaud Laude est attirée par la Chine et son immense marché. « Oui la Chine est un marché important, mais la Chine est un marché compliqué », constate-t-elle. La preuve : six ans après la première demande d'ATR, les autorités de l'aviation civile chinoises ont validé en 2022 la certification de l'appareil ATR 42-600 du leader mondial de l'aviation régionale. L'avionneur européen vise le marché d'un avion de moins 30 places. Pour percer en Chine, ATR doit être encore persévérant. Mais pas que... « Notre compréhension est qu'il faut qu'on arrive à travailler avec un partenaire local pour s'ouvrir le marché en Chine. C'est vrai que jusqu'à maintenant ATR n'a pas eu de succès sur ce marché », explique la PDG d'ATR.

Et pourtant en septembre 2017, tout avait bien commencé. L'avionneur avait signé deux lettres d'intentions avec Shaanxi Tianju Investment Group (dix ATR 42-600) et Xuzhou Hantong Airlines Co (trois ATR 42-600), qui n'ont jusqu'ici jamais été converties en commandes fermes. ATR avait en outre dans ses cartons d'autres accords confidentiels avec des compagnies chinoises. « C'est vrai qu'on n'a pas réussi à matérialiser mais nous travaillons de manière active avec quelques partenaires locaux, qui pourraient supporter le démarrage de l'activité en Chine », précise Nathalie Tarnaud Laude. « A qui sait attendre, le temps ouvre ses portes » (proverbe chinois).

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 17/02/2024 à 15:01
Signaler
"AUX États-Unis" !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.