L'avionneur franco-italien ATR va-t-il enfin s'éloigner des turbulences en 2024 ?

En dépit d'une croissance des livraisons et des commandes en 2023, les difficultés de la chaîne de sous-traitance du leader mondial de l'aviation régionale ont freiné l'envol d'ATR, qui a enregistré un chiffre d'affaires de près de 1,2 milliard de dollars. Comme souvent pour l'avionneur franco-italien, les perspectives de marché semblent prometteuses...
Michel Cabirol
ATR prévoit une demande croissante au cours des prochaines années pour répondre aux besoins de flottes en expansion, principalement en Asie du Sud (Inde), en Asie du Sud-Est (Indonésie, Philippines) et au Brésil.
ATR prévoit une demande croissante au cours des prochaines années pour répondre aux besoins de flottes en expansion, principalement en Asie du Sud (Inde), en Asie du Sud-Est (Indonésie, Philippines) et au Brésil. (Crédits : ATR)

Après une année 2022 très décevante (25 commandes, 25 livraisons), le constructeur franco-italien d'avions turbopropulseurs ATR renoue avec la croissance. Basé à Toulouse, l'avionneur a livré 36 avions neufs en 2023 (+ 44 % par rapport à 2022) et engrangé 40 nouvelles commandes (+ 53 %). Soit un book-to-bill (ratio commandes-livraisons) supérieur à 1. « C'est la première année où ATR réalise un tel niveau de livraisons depuis la pandémie du Covid-19 », se réjouit la PDG d'ATR, Nathalie Tarnaud Laude dans un entretien accordé à La Tribune. « ATR a vendu au moins un appareil sur tous les continents. Nous avons eu des commandes en Amérique latine », précise-t-elle. Autre point positif, les compagnies clientes d'ATR ont ouvert 160 nouvelles routes en 2023 avec leurs ATR 72 et ATR 42 (150 en 2022 et 131 en 2021).

« Nous allons poursuivre l'élan lancé en 2023 en stabilisant nos livraisons en 2024 tout en préparant l'avenir d'ATR : accompagner la montée des livraisons et maîtriser tous nos projets de développement. 2024 sera une année importante », résume Nathalie Tarnaud Laude.

Dans ce cadre, ATR va lancer une étude de faisabilité sur un projet d'hybridation à horizon 2030. L'avionneur a obtenu un soutien de l'État français et de ses deux actionnaires (Airbus et Leonardo). « Nous espérons avoir d'autres soutiens », précise-t-elle. Rendez-vous d'ici à la fin de l'année pour une évaluation de ce concept.

Lire aussiSupply chain : « 2024 va rester compliqué pour ATR » (Nathalie Tarnaud Laude, PDG d'ATR)

Un chiffre d'affaire en croissance

« C'est la première année également où ATR s'approche de 1,2 milliard de dollars de chiffre d'affaires » depuis quatre ans, souligne-t-elle également. Soit une forte hausse par rapport aux trois dernières années (852 millions d'euros en 2022, 707 millions en 2021 et 398 millions en 2020). Des chiffres qui restent toutefois encore loin des standards d'ATR d'avant la pandémie : 68 avions livrés en 2019 (1,6 milliard de dollars de chiffre d'affaires), 76 en 2018 (1,8 milliard), 78 en 2017 (1,8 milliard). En revanche, ATR a réalisé plus de 400 millions de dollars de chiffre d'affaires dans les services, « une année record » dans ce domaine, fait-elle valoir.

En dépit du bond des livraisons l'année dernière, 2023 a encore été marquée, comme pour l'ensemble des avionneurs, par des perturbations persistantes de la chaîne d'approvisionnement, avec des pénuries de matières premières et de composants ralentissant sa montée en cadence. Une problématique plus accentuée chez ATR, les fournisseurs privilégiant d'abord Airbus et Boeing, puis le constructeur franco-italien. Ce dernier a également souffert de la hausse des taux d'intérêt, qui a renchéri le coût des avions. Résultat, ATR n'a pas atteint son objectif de livraisons en 2023 pendant laquelle il devait livrer 40 appareils. Soit une perte de 10%. Pour autant, il a déjà livré en janvier deux appareils en retard.

Des marchés prometteurs

Une fois les problèmes de sa supply chain réglés, ATR devrait revoler à des altitudes plus classiques pour le leader mondial de l'aviation régionale. « Notre objectif est de revenir à des niveaux de ventes beaucoup plus élevés, explique Nathalie Tarnaud Laude. J'avais évoqué une ambition de livrer 80 appareils d'ici à la fin de la décennie, nous maintenons cette ambition ». D'autant que l'avionneur possède de nombreuses marges de progression pour gonfler son carnet de commandes. Des perspectives de marché bien connues et identifiées mais qui n'ont pas été jusqu'ici à la hauteur des espoirs.

Ainsi, il prévoit notamment une demande croissante au cours des prochaines années pour répondre aux besoins de flottes en expansion, principalement en Asie du Sud (Inde), en Asie du Sud-Est (Indonésie, Philippines) et au Brésil. « Il faut qu'on matérialise un certain nombre de dossiers qui sont aujourd'hui au stade de prospect », souligne Nathalie Tarnaud Laude. En outre, les nouvelles réglementations liées à l'environnement offrent des opportunités à ATR de capturer une part significative du marché du renouvellement, notamment en Europe, au Japon, au Canada et aux États-Unis. Les ATR offrent une solution immédiate pour réduire considérablement les émissions de CO2 par rapport aux jets régionaux de taille similaire.

L'ATR 42 STOL et le cargo, têtes de gondole ?

Le marché pourrait être à l'aube d'une vague de renouvellement d'avions régionaux entre 30 et 50 places, qui arrivent en fin de course. Et l'ATR 42, un appareil de 40 à 50 places, est l'un des très rares, sinon le seul, à pouvoir moderniser les flottes équipées de SAAB 340 et de Dash 7, etc...  Les récentes commandes de Maldivian pour remplacer ses vieux Dash 8 démontrent qu'ATR pourrait recevoir de nouvelles commandes dans les prochaines années dans le cadre des renouvellements de flotte.

ATR avait estimé en 2019 un marché de 650 appareils à renouveler pour lequel l'ATR 42 STOL, dont la certification est attendue en juin 2025, serait pertinent. Cet appareil, qui devra décoller et atterrir sur des pistes courtes (800 mètres environ), a effectué son premier vol en décembre. L'ATR 42 STOL va réaliser sur la première partie de l'année une campagne de tests qui doit permettre à l'avionneur de démontrer la performance de l'appareil. Il a déjà reçu une vingtaine d'engagements de compagnies aériennes et de loueurs. Parmi eux, Elix Aviation Capital, loueur de lancement (10 appareils), et Air Tahiti, opérateur de lancement (2), s'étaient dévoilés lors du Salon international de l'aéronautique du Bourget 2019.

ATR a également réussi à séduire avec l'ATR 42 STOL la compagnie japonaise Toki. Cet appareil semble bien adapté au Japon, qui pourrait offrir des perspectives de marché prometteuses. Ce marché offre à l'avionneur franco-italien des opportunités très intéressantes  de vendre des ATR 42-600, en particulier des ATR 42-600 STOL, en vue de renouveler les flottes de SAAB 340 et Dash 8 de Bombardier. L'hypothèse d'un marché d'une centaine d'avions est confirmée sur un horizon plus lointain que prévu initialement. « Au Japon, il y a 90 aéroports et il y en a au moins dix qui ne sont pas atteignables aujourd'hui avec les capacités actuelledes ATR. On pourrait ouvrir dix aéroports de plus avec l'ATR 42 STOL », explique la PDG d'ATR.

Autre marché prometteur, bien que beaucoup plus limité, l'avion cargo d'ATR, l'ATR 72-600. « Nous avons beaucoup d'ambitions, on distingue un marché pour cet avion cargo », assure-t-elle. D'autant que FedEx, le client de lancement qui a passé en 2017 une commande de 30 ATR 72-600 (+ 20 en option), est « très content de l'appareil et de son exploitation ». Mais il est à ce jour le seul. Pour autant, ATR, qui vise un marché « point to point » en Europe, au Japon et aux Etats-Unis, a des campagnes en cours avec d'autres opérateurs potentiels. « C'est un avion qui a été fait pour faire du cargo et qui fait ce pourquoi il a été conçu », rappelle-t-elle. Premiers verdicts en 2024.

Michel Cabirol

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