Emmanuel Macron, qui aime les défis, n'est pas homme à craindre la compétition. Il l'a montré notamment lors deux dernières élections présidentielles où il a fait preuve de pugnacité pour se faire élire président. Dans un discours ambitieux et volontariste, le chef de l'État français a donc relevé le défi lancé par l'Allemagne : aujourd'hui dans les mini-lanceurs, demain dans les lanceurs lourds pour succéder dans une dizaine d'années à Ariane 6. « On va se battre, on sera les meilleurs et on consolidera autour de nous, sur les lanceurs comme sur les constellations », a lancé Emmanuel Macron de Toulouse, à l'occasion d'un bilan des deux premières années de France 2030.
« Si j'ai un mot en toute franchise, on peut regretter que l'Europe ne soit trop divisée, a regretté Emmanuel Macron à Toulouse. Alors je vais être simple. Nous, on s'est battu pendant des mois et des mois en disant, la souveraineté européenne, c'est l'unité européenne. Malheureusement, on a certains de nos partenaires historiques (Allemagne et Italie, ndlr) qui sont devenus des compétiteurs. Ils ont dit : « Non, on a décidé, on va y aller ». Dont acte. Je vais être simple, on va y aller au carré pour être les meilleurs ».
Emmanuel Macron en a l'intime conviction. « Il n'y a pas de souveraineté spatiale si l'Europe perd son accès à l'espace. C'est pour cela qu'on a raison de se battre pour garder un accès français, européen à l'espace », a-t-il martelé. La France a besoin d'un lanceur pour ses propres besoins nationaux souverains mais aussi pour pérenniser une filière duale (accès à l'espace et dissuasion). C'est également vrai pour les cargos qui iront ravitailler les stations internationales publiques et privées dans le futur. « Si, pour aller vers ces stations, les seuls moyens cargos sont ou des entreprises indiennes ou chinoises ou américaines, on aura tout perdu c'est-à-dire qu'on perd là aussi la propre capacité d'envoyer les Thomas Pesquet de demain dans l'espace où on devra payer très cher à d'autres. Ce serait une folie », a-t-il expliqué. L'État soutiendra les projets, dont celui de « The Exploration Company », présidée par Hélène Huby.
Compétition, puis coopération ?
Certes, Emmanuel Macron aurait préféré une coopération (surtout avec l'Allemagne) mais le chancelier allemand Olaf Scholz a préféré la compétition pour pousser ses industriels à détrôner la France dans cette filière jusqu'ici d'excellence. Cette compétition a été actée début novembre à l'issue d'un sommet de l'Agence spatiale européenne (ESA), où Berlin a décroché son Graal en arrachant à Rome et Paris l'ouverture à la concurrence dans le domaine des mini-lanceurs. Emmanuel Macron veut de futurs Elon Musk français qu'ils viennent « de Béziers, de Pau, de Tarbes, de Besançon, de Dunkerque ou d'ailleurs ».
Pour le président, il va de soi qu'après la compétition, il faudra réunir toutes les forces pour affronter la compétition internationale proposée par les Etats-Unis, la Chine, la Russie et bientôt l'Inde. « À un moment, il faudra qu'on se retrouve autour de la table parce qu'il faudra de toute façon un acteur européen, parce que face aux Indiens, aux Chinois, aux Américains, on va devoir être sérieux entre Européens. Sinon, ce sera de l'autophagie (destruction d'une cellule par ses propres éléments cellulaires, ndlr). Et on n'a aucune envie de ça. Donc, il faudra reconsolider », a-t-il expliqué. Dans le domaine spatial, « on ne peut pas se satisfaire d'un monde où toutes les sociétés de demain seront américaines ou chinoises dans ce domaine », a-t-il insisté.
Des acteurs français en marche
La France entretient une compétition nationale dans le domaine des mini-lanceurs dans le cadre de France 2030. « On a déjà réalisé deux premiers essais de moteurs de micro-lanceurs. On a plus de huit projets pour les six micro-lanceurs français qui sont en développement et qui avancent en parallèle, qui permettent d'envisager un minilanceur opérationnel d'ici 2026 », a rappelé Emmanuel Macron. Outre Maiaspace (ArianeGroup), des startups comme Hyperspace, Latitude, Dark et Opus Aerospace sont dans la course pour développer leur projet de mini-lanceur. « On est en train de révolutionner les lanceurs avec ce qu'on fait avec France 2030 et c'est un changement copernicien là aussi », s'est enthousiasmé le président.
A cet égard, HyPrSpace a annoncé mardi qu'en partenariat avec Telespazio France et CT Ingénierie, il a décroché un nouveau financement pour le projet PADA1 d'un montant de 35 millions d'euros dans le cadre de l'appel à projet France 2030 pour développer un mini et micro-lanceur. Dans la continuité du premier volet d'un premier succès auprès de France 2030 remporté en 2022, HyPrSpace développe sa technologie de propulsion hybride innovante afin de motoriser le véhicule orbital et sub-orbital, dont le lancement est prévu pour le premier trimestre 2026.
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