
Et si Thierry Breton était l'homme de la situation dans la crise des lanceurs. Excédé et furieux par « la défaillance de gouvernance, programmatique et financière » dans les lanceurs spatiaux, le commissaire européen est donc passé à l'action en lançant une OPA sur ce dossier actuellement opéré par l'Agence spatiale européenne (ESA). « Il nous faut un portage politique, programmatique, industriel et européen clair. C'est pourquoi je pense qu'à l'avenir, il faut que la politique des lanceurs soit définie et pensée dans le cadre de l'Union comme nous avons pu le faire pour IRIS² », (constellation de satellites européenne destinée à assurer les communications sensibles des États membres), a tonné mardi à Séville le commissaire européen au marché intérieur, en charge entre autres du spatial.
Dans ce contexte, il assure que « la Commission est prête à prendre ses responsabilités pour porter une vision ambitieuse sur la question des lanceurs ». Car, selon lui, « l'Union ne peut être réduite à un simple client. Son budget ne peut pas être la variable d'ajustement de la mauvaise gestion des lanceurs. Avec 28 lancements d'ici à 2028, nos besoins programmatiques ne peuvent être ignorés ». Avec panache, Thierry Breton a décidé de peser de tout son poids pour réussir son OPA. Sera-t-il suivi par la France et la Commission ?
Impératif de lancer 4 satellites Galileo en 2024
Pourquoi une telle exaspération de la part de Thierry Breton, qui a dans son viseur le rôle défaillant de l'ESA et les industriels du secteur ? « Nous avons perdu notre accès autonome à l'espace : il faut le reconnaître. La situation actuelle met en péril le déploiement et le réapprovisionnement de nos constellations souveraines : Galileo, Copernicus et demain IRIS² », a averti Thierry Breton. Pour compenser l'absence de lanceurs européens disponibles, la Commission européenne a été contrainte à regret d'acheter deux lancements à SpaceX pour 2024 permettant de lancer quatre satellites Galileo. Cet accord reste pour le moment subordonné à un accord de sécurité avec les Etats-Unis. Il compte sur les États membres de l'ESA pour finaliser cette opération « au plus vite ». Thierry Breton a révélé que dix satellites Galileo étaient en attente de lancement.
« Les exigences programmatiques ne nous permettent pas d'attendre plus : nous risquons sinon d'être confrontés à une dégradation du signal Galileo. Il est impératif de lancer quatre satellites l'année prochaine », a-t-il martelé. Et de préciser qu'il s'agissait « bien de solutions temporaires, imposées par des exigences programmatiques, pour passer cette crise. Ariane 6 et Vega-C restent les lanceurs de référence européens ».
En outre, il étudie, en raison des dysfonctionnements répétés du lanceur italien Vega-C (Avio), « la nécessité d'un lancement additionnel sous SpaceX pour Copernicus Sentinel 1C ». Et il a amèrement regretté que la Commission européenne ne puisse ne plus lancer Sentinel 1C « alors que nous en aurions grandement besoin. Ici aussi, nous devons lancer en 2024 ». Enfin, il a fortement mis la pression sur la filière lanceurs en lâchant : « aujourd'hui, je ne sais toujours pas avec quel lanceur nous pourrons déployer IRIS² ». Une constellation qui a vu le jour grâce au commissaire européen, qui s'est beaucoup battu pour lancer ce projet stratégique pour l'Europe.
La feuille de route de Thierry Breton
Face à cette situation, le commissaire a pris ses responsabilités en affirmant que dans le prochain programme spatial européen, il faut envisager « un pilier accès à l'espace avec quatre principes ». Ainsi, le commissaire souhaite plus de concurrence et moins de retour géographique (voire plus du tout). Il préconise « une plus grande responsabilité industrielle avec plus de rupture technologique - comme le réutilisable ». Pour rentabiliser cette filière, il recommande une agrégation des lancements institutionnels européens (Union européenne, ESA et États membres) dans le cadre de l'article 5 du programme spatial de l'Union européenne. Avec pour objectif d'établir « une préférence européenne claire, mais pas seulement pour la Commission ». Cela doit être « le cas aussi pour tous les États Membres, et aussi pour les lancements militaires ».
« C'est en fait une condition sine qua non de l'autonomie d'accès à l'espace, car c'est ainsi que nous pourrons assurer la viabilité commerciale de nos lanceurs comme le font les Etats-Unis. Nous devons mettre fin au paradoxe européen : nous voulons être autonomes mais trop de lancements institutionnels des États membres se font sur des lanceurs non européens », a déploré Thierry Breton.
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