Niger : le terrible aveu d'impuissance de la France

A l'issue d'un bras de fer de deux mois avec le régime militaire nigérien, Emmanuel Macron a annoncé dimanche le retour à Paris de l'ambassadeur à Niamey et le retrait du Niger des troupes françaises d'ici à la fin de l'année.
Michel Cabirol
Le départ de Sylvain Itté et le retrait des troupes françaises étaient deux demandes du général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger. Elles avaient été formulées en août par la junte.
Le départ de Sylvain Itté et le retrait des troupes françaises étaient deux demandes du général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger. Elles avaient été formulées en août par la junte. (Crédits : STRINGER)

Un terrible aveu d'impuissance... La France va finalement quitter le Niger avec armes (troupes françaises) et bagages (diplomates) après avoir fanfaronné ces deux derniers mois qu'il n'était pas question de céder aux putschistes. Le président de la république Emmanuel Macron a fini par annoncer dimanche soir lors d'un entretien télévisé le retour à Paris de l'ambassadeur à Niamey et le retrait du Niger des troupes françaises « d'ici la fin de l'année » en concertation avec les putschistes parce que « nous voulons que cela se passe dans le calme ». Soit environ 1.500 soldats français dans ce pays sahélien affectés à la lutte anti-djihadiste. Le départ de Sylvain Itté et le retrait des troupes françaises étaient deux demandes du général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger. Elles avaient été formulées en août par la junte.

« Dans les prochaines heures notre ambassadeur avec plusieurs diplomates rentreront en France », a précisé le Chef de l'État. La France met également fin à sa coopération militaire avec « les autorités de fait du Niger car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme ». Cette décision d'Emmanuel Macron met donc fin à la présence des militaires français au Niger « dans les semaines et les mois qui viennent » après leur départ du Mali et du Burkina Faso, où des putschs militaires ont renversé les présidents élus. « Nous ne sommes pas là pour participer à la vie politique pour être en quelque sorte les otages des putschistes », a expliqué Emmanuel Macron, qui s'est entretenu dimanche au téléphone avec le président du Niger « légitime » Mohamed Bazoum, otage de la junte au pouvoir depuis le coup d'État du 26 juillet avec sa famille.

Un message de fermeté qui fait pschitt ?

Mais où est le message de fermeté d'Emmanuel Macron asséné fin août à la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs ? Cette fermeté de la France devait fin août reposer sur « le courage du président Bazoum, sur l'engagement de nos diplomates, de notre ambassadeur sur le terrain, qui restent légitimes, malgré les pressions et malgré toutes les déclarations d'autorités grâce à l'engagement de nos forces de sécurité intérieure et de nos militaires », avait claironné le Chef de l'État. Cette fermeté a fait long feu alors que le président nigérien, élu par son peuple depuis le 21 avril 2021, continue de se battre sur le plan juridique pour faire valoir le droit.

Cette décision de la France fera également peut-être tâche auprès de tous les pays partenaires de la France. « Dans quelle capitale africaine on peut dire qu'on a une politique de partenariat avec un dirigeant si quand il subit cela, on ne peut pas être en soutien ? », s'était alors interrogé fin août Emmanuel Macron, qui s'était permis de faire la leçon aux opinions publiques étrangères qui demandent à la France de quitter le Niger, « de Washington, en passant par d'autres capitales européennes ». C'est là le cœur du problème : soit la France signe des partenariats stratégiques avec des pays alliés et s'engage jusqu'au bout, soit elle ne le fait pas parce qu'elle se sait incapable de les respecter. Il en va clairement de la crédibilité de la France dans le cadre de ses partenariats stratégiques (Grèce, Brésil, Émirats Arabes Unis, Inde, Croatie...).

La Cedeao timorée

La France, coincée entre sa volonté d'agir et les critiques pour son paternalisme en Afrique (la fameuse Françafrique), comptait s'appuyer sur une intervention des pays de la la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). « Nous soutenons l'action diplomatique de la Cedeao et militaire quand elle le décidera, dans une approche de partenariat », avait expliqué fin août Emmanuel Macron. Après le coup d'État au Niger, la Cedeao a brandi la menace d'une intervention militaire, dont elle avait annoncé la préparation, pour rétablir l'ordre constitutionnel, libérer le président renversé Mohamed Bazoum et le restaurer dans ses fonctions. Une date de cette intervention serait même prévue. « Nous devons continuer avec force de le soutenir (Mohamed Bazoum, ndlr) et j'appelle tous les États de la région à avoir une politique responsable », avait plaidé Emmanuel Macron. En vain jusqu'ici...

« La faiblesse que d'aucuns ont d'ailleurs montré à l'égard des putschs précédents a nourri des vocations régionales », avait insisté fin août Emmanuel Macron. Il n'a pas été écouté en raison des divisions au sein de la Cedeao et des velléités de certains pays africains. D'autant que le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont signé mi-septembre un pacte de sécurité prévoyant que les trois pays se portent mutuellement secours en cas de rébellion ou d'agression extérieure. Aussi, pour l'heure, la Cedeao, qui a imposé de lourdes sanctions économiques à Niamey, semble privilégier l'action diplomatique. A moins que le retrait français soit une décision tactique dans la préparation d'une intervention militaire au Niger...

Michel Cabirol

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Commentaires 22
à écrit le 26/09/2023 à 21:10
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C'est facile de critiquer. Vous voulez qu'on fasse quoi ? qu'on envoie les Rafales. Un peu comme les russes. Ou les américains.

à écrit le 26/09/2023 à 9:35
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C'est facile de critiquer, mais qu'est-ce qu'on aurait pu faire ? : leur envoyer les Rafale, bref, faire comme les Russes ?

à écrit le 25/09/2023 à 19:38
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A partir du moment où ces pays ne veulent plus de la France, il ne reste qu'à partir. A eux de faire face aux Chinois, Russes ou autres qui nous remplacerons, ils pourront faire le bilan dans quelques années. Par ailleurs, ils sont indépendants depui...

à écrit le 25/09/2023 à 18:48
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Bonjour, nos paniques , dans quelques temps , ( 6 mois , 1 ans , 10 ans ) ils demanderons a nouveau notre soutien... Mais la , ils nous faudra beaucoup pour répondre à leur supplique. En attendant, nous devons interrompre toute relation a se pays.....

à écrit le 25/09/2023 à 14:17
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Même dans ce domaine il a ridiculisé la france

le 25/09/2023 à 14:50
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Pas du tout, il s'est enfin rendu compte qu'on ne peut pas gagner une guerre avec des contraintes démocratiques et la pression journalistique.

à écrit le 25/09/2023 à 13:48
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Aveu d'impuissance, peut etre mais en mem temps que faire d'autre? Rester et faire la guerre au gouvernement en place, surement pas alors pas le choix.

à écrit le 25/09/2023 à 13:39
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Selon les dernières données publiques, l'Agence française de développement (AFD) a versé 119,2 millions d'euros à ce pays en 2022, portant ainsi à 801 millions d'euros les montants engagés actuellement par cette institution financière sur le territoi...

à écrit le 25/09/2023 à 13:09
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Cette issue était inévitable ,tout un chacun savait que la France quitterait le Niger, impossible de rester contre la volonté d'un pays souverain. Ce qui est pathétique est la fatuité du Président Macron qui conduit à une nième humiliation de la Fra...

à écrit le 25/09/2023 à 12:22
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Il n'y a rien de terrible. C'est une bonne nouvelle. C'est terrible d'avoir encore des troupes en Afrique. Au Gabon, au Camerun, au Sénégal il faudrait anticiper et organiser notre depart. Idem pour le Franc CFA: s'ils n'arrivent pas à se mettre d'...

le 25/09/2023 à 14:40
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Ce n'est pas de même nature. Il y a des bases françaises (et à Djibouti, chinoises,...). Dans les pays sahéliens, c'était une réponse à une demande des autorités pour lutter contre le djihadisme. OK, ils veulent que les militaires partent. Il ne vous...

à écrit le 25/09/2023 à 12:02
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Eh ben voilà les enfants, ça aussi je vous l'avais pronostiqué, les intérêts économique de la France "coloniale" (via l'hégémonie du FCFA) dans ses "ex"-colonies marquent les premiers pas du déclin avec le Niger 🤣Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas...

à écrit le 25/09/2023 à 11:44
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Non, pas la France mais Emmanuel Macron. Votre titre aurait pu être : Enième aveu d'impuissance et d'incompétence d'Emmanuel Macron sur tous les niveaux autant international que national : quand va t il démissionner ?

le 25/09/2023 à 16:17
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Vous avez raison, mais La Tribune ne peut pas écrire "le terrible aveu d'incompétence de l'Elysée". Aux USA, vraie démocratie, la destitution pour « inaptitude du Président à assumer les pouvoirs et devoirs de sa charge » peut être invoquée, pas en ...

à écrit le 25/09/2023 à 11:43
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les societes de securite privées vont gagner beaucoup d'argent car il y a de nombreuses entreprisess francaises au niger, l'argent versé au niger par la france est perdu

à écrit le 25/09/2023 à 11:43
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Un coup d'état en chasse un autre, c'est le triste constat de ce qui se passe en Afrique. Rendez vous au prochain coup d'état. Un peu d'argent et l'affaire sera pliée jusqu'à la prochaine au Niger ou ailleurs. Les perdants? Les peuples d'Afrique...c...

à écrit le 25/09/2023 à 11:30
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Et les nigériens de Paris ils en pense quoi?

le 25/09/2023 à 13:37
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ils en pensent peut-être des choses. :-) Les putschistes désirent peut-être que les étudiants continuent à venir du Niger pour étudier en France. Ils veulent juste que les militaires partent mais pas arrêter les aides ni la collaboration.

à écrit le 25/09/2023 à 10:51
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Il faudra quand même mesurer l'impact catastrophique de la gouvernance Sarkozy heureusement limitée à 5 ans, nous avons eu beaucoup de chances dans notre malédiction sur notre diplomatie africaine après que celui-ci ai fait exécuter kadhafi pour des ...

le 25/09/2023 à 14:20
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Aujourd'hui à marquer d'une pierre blanche: je partage votre avis...

le 25/09/2023 à 17:22
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Entièrement d'accord avec vous. Sarkozy a chassé Kadhafi pour le compte des anglo-saxons et aujourd'hui ce sont eux qui veulent chasser la France de l'Afrique. On peut penser ce qu'on veut de Kadhafi mais c'était sous son impulsion que la Lybie aidai...

le 26/09/2023 à 8:49
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Où on se rend compte que Khadafi était un moindre mal maintenant cette région est devenue incontrôlable. Tout ça pour 50 millions... -_-

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