Agriculture : quand la blockchain vient au secours de la trésorerie

Un nouvel outil de financement des céréaliers sera lancé dès la mi-septembre. Il mise sur la création d'une monnaie virtuelle afin de permettre aux agriculteurs le paiement immédiat de leurs fournisseurs et favoriser la transparence tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
Giulietta Gamberini
La transparence et la traçabilité garanties par l'utilisation de la blockchain et de la monnaie virtuelle doivent également servir un autre objectif poursuivi par Turbocereal: celui d'inciter les agriculteurs à s'engager dans des pratiques de plus en plus écologiques.

Établir un pont entre des citoyens de plus en plus préoccupés par l'avenir de leur alimentation et de la planète et des agriculteurs fauchés, en s'appuyant sur les promesses de la blockchain. Tel est le pari de Turbocereal, jeune pousse qui lance un nouvel outil de financement des exploitations agricoles à la mi-septembre en France.

"En raison de la faible rentabilité ainsi que du caractère annuel des récoltes, selon le Baromètre agricole Terre-net BVA de 2017, quasiment la moitié des agriculteurs français ont des problèmes de trésorerie: environ un tiers se trouvent même en situation de surendettement", regrette Marcel Turbaux, co-fondateur et PDG de Turbocereal.

L'agriculteur, qui gère depuis 25 ans un négoce agricole, a ainsi décidé de le transformer en véhicule d'investissement novateur, visant à financer un an à l'avance 70% de la valeur des futures récoltes des céréaliers, avec une assurance sur les risques climatiques et une garantie d'achat à terme des céréales. Un important coup de pouce, si l'on considère "qu'aujourd'hui leur trésorerie ne couvre que 30% de leurs besoins d'exploitation", rappelle Marcel Turbaux, qui aspire à "une confiance retrouvée".

Une nouvelle cryptomonnaie, le "Cereal coin"

Le lancement est prévu le 15 septembre, lorsqu'une première levée de fonds d'un montant de 8 millions d'euros sera réalisée sous la forme d'une Security Token Offering (STO, émission de titres financiers numériques échangeables via la blockchain mais adossés à des actifs tangibles). Elle permettra à quelque 150 particuliers d'investir chacun un montant minimum de 5.000 euros. Chaque année, les tokens ainsi générés pourront être convertis en argent liquide et produiront 2% d'intérêts, auxquels s'ajouteront d'éventuels dividendes. En 2020, Turbocereal, qui s'appuie sur la Financière d'Uzès comme dépositaire et agent payeur, compte ouvrir à l'ensemble des particulierset espère lever 100 millions d'euros.

Chaque euro physique récolté donnera droit à un "Cereal coin", une nouvelle cryptomonnaie, dont la valeur restera stable et qui pourra être convertie par quiconque en argent comptant moyennant des frais de 2%. Le Cereal coin pourra être utilisé par les agriculteurs bénéficiant du financement pour acheter leurs intrants directement sur une plateforme crée par Turbocereal à partir de novembre 2019. Après la récolte, une deuxième place de marché permettra de vendre les céréales produites en utilisant la même cryptomonnaie.

"L'objectif est ainsi de réunir l'ensemble des acteurs de la filière au sein d'une même communauté", explique Marcel Turbaux, qui espère attirer notamment un grand nombre de fournisseurs - eux aussi largement surendettés en France - par la promesse d'un paiement immédiat.

Lire aussi : Blockchain, token, ICO... le lexique de la folie crypto

Le pari d'un engagement dans la transition écologique

Mais la transparence et la traçabilité garanties par l'utilisation de la blockchain et de la monnaie virtuelle doivent également servir un autre objectif poursuivi par Turbocereal: celui d'inciter les agriculteurs à s'engager dans des pratiques de plus en plus écologiques, et de mettre davantage d'argent aussi au service de cette cause.

 "Selon le Cese, en 2017, le secteur agricole a recueilli moins de 1% des 41,2 milliards d'euros investis pour la transition écologique et énergétique", déplore Marcel Turbaux.

Les exploitants qui accepteront de partager des données concernant leur utilisation d'intrants et d'énergie bénéficieront en effet, grâce à un système de "récompenses", d'une réduction des frais dus pour le financement obtenu, de 8% à 4%. Agrégées, ces données permettront ensuite d'élaborer des statistiques et des retours d'expérience, censées relever la barre vers le haut, espère Turbocereal. La diminution des frais liés au matériel et aux intrants et l'amélioration des ventes censées découler de cette transition verte devraient en effet aussi permettre aux agriculteurs de relever leurs marges, parie l'entreprise. Dans un second temps, des objectifs précis, fixés par un comité d'experts, pourraient également être imposés aux agriculteurs financés.

Un suivi de la chaîne d'approvisionnement

Les investisseurs pourront en outre flécher leurs investissements en préférant des régions ou des pratiques agricoles spécifiques (agriculture raisonnée, bio etc.): la monnaie virtuelle permettra alors de suivre le parcours de chaque euro tout au long de la chaîne d'approvisionnement, et de leur garantir ainsi le respect de leur choix.

Pour sa part, Turbocereal se rémunérera grâce à la somme de plusieurs revenus: les frais d'accompagnement payés par l'agriculteur au moment de la vente de la récolte, compris entre 4 et 8% du prix; les frais payés lors de chaque conversion des Cereal Coins en euros (2%); les frais de 2% payés par les acheteurs des céréales; d'autres frais pour d'éventuels services de conseil complémentaires.

Giulietta Gamberini

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