Négociations sur les prix alimentaires : les sénateurs proposent de repousser la clôture au 31 janvier

Le calendrier qui avait été fixé par les députés, resserré autour des fêtes de fin d'année, suscitait la crainte de discussions « bâclées ». La Commission des Affaires économiques du Sénat l'a revu, en amoindrissant toutefois les effets de la stratégie gouvernementale visant à contenir au plus vite l'inflation alimentaire.
Giulietta Gamberini
La Commission des Affaires économiques du Sénat propose que les prochaines négociations se clôturent le 15 janvier pour les sociétés ayant un chiffre d'affaires consolidé de moins de 350 millions d'euros, et le 31 janvier pour celles avec un chiffre d'affaires supérieur.
La Commission des Affaires économiques du Sénat propose que les prochaines négociations se clôturent le 15 janvier pour les sociétés ayant un chiffre d'affaires consolidé de moins de 350 millions d'euros, et le 31 janvier pour celles avec un chiffre d'affaires supérieur. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Les craintes partagées par les distributeurs et les industriels d'un risque d'engorgement des négociations commerciales en fin d'année ont été écoutées par les sénateurs. Mercredi 18 octobre, la Commission des Affaires économiques du Sénat a amendé le projet de loi « portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation », approuvé par l'Assemblée nationale le 9 octobre dernier.

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Par ce texte, présenté le 27 septembre, le gouvernement veut avancer la prochaine date de clôture des négociations commerciales annuelles entre les grands distributeurs et leurs fournisseurs de marques nationales. Pour rappel, celle-ci est traditionnellement fixée par la loi au 1er mars. L'objectif de l'exécutif est que les baisses de plusieurs coûts de production soient répercutées plus vite sur les prix en rayons.

Alors que l'Assemblée nationale avait convenu qu'elles aboutissent le 31 décembre pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 350 millions d'euros, et le 15 janvier pour toutes les autres, la Commission des Affaires économiques du Sénat a décidé de décaler le calendrier de 15 jours et de modifier légèrement le seuil de référence. Elle propose donc que les prochaines négociations se clôturent le 15 janvier pour les sociétés avec un chiffre d'affaires consolidé de moins de 350 millions d'euros, et le 31 janvier pour celles avec un chiffre d'affaires supérieur. Les conditions générales de ventes devront être envoyées aux distributeurs par les fournisseurs deux mois plus tôt.

Des baisses des prix plus difficiles à obtenir

La version de l'Assemblée nationale avait en effet provoqué une convergence de vue inédite des distributeurs et des industriels. Les uns comme les autres craignaient un « engorgement ».

En raison du seuil et des dates fixées, « une cinquantaine d'entreprises au maximum signeront après le 31 janvier. L'immense majorité, devront signer avant, et les négociations se dérouleront essentiellement pendant les fêtes de fin d'année », expliquait à La Tribune Jean-Philippe André, président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).

Il pointait du doigt un risque d'« abattage », avec des « effets de bord » encore imprévisibles, notamment pour les plus petites entreprises.

Avec des « milliers de contrats à signer » pour les distributeurs, le danger de « discussions bâclées » ,si ce seuil et ces dates avaient été maintenues, était partagé par le président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) Jacques Creyssel qui, interrogé par La Tribune, précisait :

« Les baisses de prix recherchées vont plus difficilement émerger, car plus on négocie vite, plus c'est compliqué de les obtenir. »

Une distinction entre PME et ETI et multinationales

Les sénateurs n'ont toutefois pas retenu la demande de l'Ania et de l'Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec, qui représente une centaine de fabricants de produits de grande consommation) de fixer une date de clôture unique pour toutes les entreprises au 31 janvier, ou du moins d'abaisser le seuil de distinction. Ils ont maintenu la différenciation entre PME et ETI d'une part, et multinationales de l'autre, ainsi que le seuil fixé par les députés, tout en le corrigeant légèrement par la mention du chiffre d'affaires « consolidé », « jugeant qu'il aurait été inacceptable de placer sur un pied d'égalité PME ou ETI et filiales de multinationales ».

Cette discrimination est considérée comme essentielle par la Fédération des entreprises et des entrepreneurs de France (Feef), afin de garantir aux PME et ETI qu'elle représente de mener leurs propres négociations avant les multinationales. Elles craignent sinon la pire des conséquences : être exclues des linéaires. La proposition de l'Ania et de l'Ilec de leur assurer une telle prérogative par une simple charte facultative ne leur paraît pas suffisante.

Un désaveu pour le gouvernement

Le nouveau calendrier retenu par la Commission des Affaires économiques du Sénat représente un désaveu pour le ministère de l'Economie. De fait, après s'être entretenu avec les distributeurs et les industriels, il avait trouvé un compromis autour du 15 janvier. Il amoindrit encore l'effet potentiel du projet de loi visant à anticiper les négociations, qui ne le seront en conséquence que d'un mois.

D'autant plus que l'impact d'une telle stratégie est déjà remis en cause, notamment par les distributeurs qui, le 22 septembre, lors d'une audition devant les députés, mettaient en garde sur le risque que le résultat soit plutôt d'anticiper une nouvelle vague d'inflation.

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Cette perplexité est d'ailleurs partagée par les sénateurs, a expliqué la présidente de la Commission des Affaires économiques du Sénat, Anne-Catherine Loisier, à La Tribune.

« Dans un contexte d'inflation structurelle, on ne voit pas comment les producteurs agroalimentaires pourront réduire leurs tarifs », note-t-elle.

Les industriels  débutent la négociation avec les supermarchés « avec des demandes de très fortes hausses allant de 5 à 25% », a expliqué le 17 octobre, au micro de BFM Business, le représentant du leader de la grande distribution alimentaire E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc. Ce dernier espère toutefois « ramener l'inflation des produits de consommation courante au niveau de l'inflation générale » au terme de la négociation. L'inflation a atteint en France 4,9% sur un an en septembre selon l'Insee, alors que l'inflation alimentaire était d'un peu moins de 10%.

L'examen du texte retenu par la Commission des Affaires économiques du Sénat doit débuter en séance publique le 26 octobre. Le gouvernement ayant engagé une procédure accélérée, si le texte est approuvé, il sera soumis directement à la commission mixte paritaire et pourrait être adopté début novembre.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 5
à écrit le 18/10/2023 à 23:11
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Ca ne serait pas plus sage et plus rapide de déléguer aux représentants de la distribution et aux industriels concernés le soin de s'accorder; la chose serait réglée en un clin d'oeil. On sait ce que c'est "qu'aller d'un train de sénateur".

le 19/10/2023 à 10:07
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S'accorder, avec quelle fréquence ? La Loi dit une fois par an, pour la changer il faut voter une loi rectificative ou une nouvelle. Quand y avait aucune inflation ça suffisait. S'accorder genre l'industriel dit "je veux plus, mes actionnaires récla...

à écrit le 18/10/2023 à 17:48
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L’Etat et les élus ne devraient pas s’occuper, pour la grande distribution, de réglementer les liens entre fournisseurs et clients. On voit que ça aboutit à des rigidités défavorables aux consommateurs au prix de la création de vraies usines à gaz ad...

le 19/10/2023 à 11:09
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Economie administrée avec un état qui se mêle de tout. OK pour limiter les abus, mais l'état a-t-il pour vocation de s'occuper du prix des nouilles, alors que les fonctions régaliennes (sécurité, justice, enseignement, santé) sont déjà si mal assurée...

à écrit le 18/10/2023 à 17:15
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Un ami me disait que si Robespierre s'était fait exécuter c'est parce qu'il voulait bloquer les prix, cocasse comme on voit que ce contrôle des prix ils en parlent depuis des mois pour le repousser dans plusieurs mois. Déjà une rengaine dont on voit ...

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