Souveraineté alimentaire  : le projet de loi d'orientation sur l'agriculture arrive en Conseil des ministres

Attendu depuis plus d'un an, le projet de loi d'orientation sur l'agriculture, placé sous le signe de la « souveraineté alimentaire » et destiné au « renouvellement des générations », arrive mercredi en Conseil des ministres, pour une adoption espérée à l'été.
Le gouvernement estime que la population agricole ne peut descendre sous son niveau actuel de près de 400.000 agriculteurs « pour des raisons d'occupation de l'espace ».
Le gouvernement estime que la population agricole ne peut descendre sous son niveau actuel de près de 400.000 agriculteurs « pour des raisons d'occupation de l'espace ». (Crédits : Invitation à la ferme)

L'épilogue d'une séquence houleuse ou le début d'une nouvelle passe d'armes ? Le projet de loi d'orientation sur l'agriculture va être examiné mercredi lors du prochain Conseil des ministres. Après de nombreuses réunions avec les syndicats, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé plus de 400 millions d'euros d'aides d'urgence et ouvert un chantier sur 62 puis 67 « engagements » plaçant l'agriculture « au-dessus de tout ».

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Cela n'avait pas suffi. Hué au Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron avait finalement accédé à une revendication forte du syndicat majoritaire FNSEA, en affirmant le caractère « d'intérêt général majeur » de l'agriculture dans la loi. C'est l'objet du premier article de cette nouvelle loi, qui fait de la souveraineté alimentaire « un objectif structurant » des politiques publiques.

La souveraineté agricole est définie comme liée à « la production durable de biomasse » et à « la décarbonation de l'économie » et la souveraineté alimentaire comme la capacité de la France à assurer son « approvisionnement alimentaire ».

« Les agriculteurs ont tout à fait en tête l'idée qu'il faut faire la transition. Ce qu'il ne faut pas, c'est les acculer, c'est-à-dire interdire trop vite ou ne pas donner une trajectoire alternative », soulignait fin mars Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture à la veille du congrès de la FNSEA. Il faut que les autorisations soient données plus vite, sur le biocontrôle par exemple ».

Ce texte a l'ambition de donner un cadre simplifié d'action au monde agricole pour relever deux défis majeurs : attirer des bras - il ne donne toutefois aucun objectif chiffré, rappelant qu'un tiers des agriculteurs pourront partir en retraite dans les dix ans - et adapter les systèmes de production au changement climatique.

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Un « bachelor agro »

« Aucune activité énergétique ne doit prendre le pas sur l'activité agricole », a déclaré Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l'Agriculture et à la Souveraineté alimentaire, le 21 mars dernier, après avoir visité une « canopée agricole » (un champ recouvert de panneaux solaires) de trois hectares de blé mise en place par le groupe français TSE et qui produit près de 3 mégawatts d'électricité par an.

Elle a promis « la vigilance » sur le développement de l'agrivoltaïsme, l'installation de panneaux solaires au-dessus de terres agricoles. Marc Fesneau estime que la population agricole ne peut descendre sous son niveau actuel de près de 400.000 agriculteurs « pour des raisons d'occupation de l'espace ».

Le texte, depuis ses premières versions, contient la création d'un nouveau diplôme de niveau bac+3, un « bachelor agro », et l'instauration d'un réseau « France services agriculture » - un guichet ou point d'entrée unique pour les prétendants à l'installation sous l'égide des chambres d'agriculture. Il pose aussi le principe que chaque écolier bénéficie au moins d'une « action de découverte de l'agriculture », comme une visite de ferme.

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Le gouvernement s'était par ailleurs aussi engagé à accorder une « présomption d'urgence » en cas de contentieux autour de la construction d'une réserve d'eau pour l'irrigation. Objectif de l'exécutif : réduire les délais de procédures et « purger le contentieux en moins de dix mois ». Cette « présomption d'urgence » concernera aussi des projets de bâtiments d'élevage, dont « certaines installations classées protection de l'environnement agricoles » ce qui concerne par exemple les grands élevages de porcs et de poulets qui font l'objet d'une autorisation des services de l'Etat en raison de leur potentiel impact environnemental.

Dépénaliser les peines au profit de sanctions administratives

Le gouvernement veut aussi adapter l'échelle des peines et remplacer des sanctions pénales par des sanctions administratives dans certains cas d'atteinte à l'environnement ou à la biodiversité. Le texte doit aussi contenir « une disposition sur les chiens de protection de troupeau » : les éleveurs demandent à être déchargés de responsabilité pénale et civile en cas de contentieux, par exemple si un chien a mordu un promeneur.

« On ne va pas envoyer un agriculteur en prison parce qu'il a taillé sa haie au mauvais moment », a résumé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, jugeant plus pertinent d'instituer des obligations de restauration écologique. La FNSEA estimait que le principal obstacle à la plantation de haies était le millefeuilles administratif, avec « 14 réglementations différentes ». Ce « corpus » va être unifié dans une « réglementation unique ». Le texte doit affirmer l'interdiction de la destruction d'une haie tout en prévoyant des conditions de dérogation à ce principe (replantation par exemple).

 La FNSEA regrette un manque d'ambition sur la compétitivité

Il va falloir convaincre : en agrégeant aussi bien des questions de formation, des mesures sur les haies ou la valorisation des « sous-produits lainiers », ce projet de loi reste qualifié par beaucoup de « fourre-tout ». La FNSEA regrette un manque d'ambition sur la compétitivité et s'attend à de nombreux amendements au Parlement.

La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole héritier des luttes altermondialistes, elle, déplore un « détournement de sens » de la souveraineté alimentaire, qui n'est pour elle pas liée à une capacité de production ou à la balance commerciale mais correspond à la liberté d'un pays de choisir son système alimentaire.

Accélérer l'arrivée d'une alimentation durable et bio dans les cantines

Le ministère de l'Agriculture organise ce mardi à Paris une « conférence des solutions de la restauration collective » pour accélérer l'arrivée d'une alimentation durable et bio dans les cantines, alors que la France est encore loin des objectifs qu'elle s'est fixés en la matière. La loi Egalim en 2018, complétée par la loi Climat et résilience en 2021, a fixé l'objectif d'offrir au moins 50% de produits dits « durables » et de « qualité », dont au moins 20% de produits biologiques, dans les repas servis en restauration collective.

L'atteinte de ces objectifs par l'ensemble de la restauration collective représenterait un marché de près de 2 milliards d'euros supplémentaires pour l'agriculture biologique, selon le gouvernement. Mais en 2022, selon le dernier recensement des achats, établi sur la base de déclarations volontaires sur la plateforme « ma cantine », les gestionnaires de restaurants collectifs n'ont consacré que « 27,5% de leurs achats à des produits durables et de qualité », dont « 13% en bio ».

Pistes et bonnes pratiques seront évoquées lors de plusieurs tables rondes, notamment pour présenter la tarification sociale dans les communes rurales « qui permet aujourd'hui de ramener le repas à 1 euro pour les enfants les plus défavorisés » ou des exemples de cantines déjà 100% bio en région.

(Avec AFP)

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