Presqu'un tiers des émissions de gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement de la planète sont générées par les systèmes alimentaires. Mais que début février la Commission européenne a recommandé, pour atteindre la neutralité climatique en 2050, de réduire de 90% ces émissions en 2040 par rapport aux niveaux de 1990, sa Politique agricole commune (PAC) va à l'encontre de cet objectif.
C'est ce qui ressort d'une étude publiée lundi par la revue scientifique Nature Food, selon laquelle la PAC est « économiquement dissuasive pour les transitions » vers des pratiques plus durable.
« Nous avons mis en évidence que la Pac soutient de manière disproportionnée les produits carnés au détriment des productions végétales », indique son autrice principale de l'étude, Anniek Kortleve, de l'université néerlandaise de Leiden.
Peu de changements entre 2013 et 2020
Plus de 80% de ses versements aux agriculteurs sont en effet destinés directement ou indirectement à l'élevage. Ce qui est « un peu une surprise. C'est un peu plus prononcé que ce qu'ont montré d'autres études publiées précédemment, à cause de la prise en compte des aides pour l'alimentation animale », a expliqué l'autrice à l'AFP.
Dans le détail, les subventions directes aux éleveurs représentent la moitié des aides, qui se sont élevées à 57 milliards d'euros en 2013, selon les chercheurs. Le reste est en grande partie constitué de subventions en soutien à l'élevage, particulièrement à la production d'aliments, selon l'étude. En incluant l'aliment pour le bétail, les aides à l'élevage bovin passent ainsi de 71 centimes d'euro par kilo à 1,42 euro.
L'étude se concentre sur 2013, dernière année où l'ensemble des données analysées sont disponibles. Mais les chiffres des aides montre que « peu de choses ont changé » dans leur distribution jusqu'en 2020, a expliqué à l'AFP Paul Behrens, coauteur de l'étude.
Une politique à « réinventer »
Compte tenu de l'importance de la PAC dans le budget de l'UE, les auteurs de l'étude estiment qu'elle met donc à mal les objectifs du continent européen en matière d'atténuation et d'adaptation au réchauffement climatique. Selon Paul Behrens, professeur associé à l'université de Leiden, à l'échelle mondiale, « les émissions du système alimentaire suffisent à nous emmener au-delà de 1,5 degré »: la limite de hausse des températures fixée par l'accord de Paris sur le climat de 2015 par rapport à l'époque préindustrielle.
« Il sera très difficile de respecter cet objectif si on met en place un système économique qui encourage les productions les plus néfastes », souligne-t-il.
Selon le professeur, réserver des étendues de terres aux animaux d'élevage et à leurs aliments empêche également la reforestation et d'autres pratiques qui pourraient permettre le retour de davantage d'espèces végétales et animales et une meilleure absorption du carbone. Il appelle à « réinventer ».
Depuis le début de la crise agricole en janvier, l'Union européenne semble toutefois avoir pris plutôt la direction opposée. La semaine dernière, au grand dam des ONG écologistes, les 27 Etats-membres ont approuvé une révision de la PAC proposée par la Commission européenne, assouplissant une partie des critères « verts » que la nouvelle Politique agricole commune impose depuis 2023 aux exploitations. Les agriculteurs en souhaiteraient encore davantage.
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