Ardennes (2/5) : les fonderies locales se mettent à l'heure de la nouvelle révolution industrielle

REPORTAGE - EPISODE 2 : Quel modèle pour le développement économique dans les Ardennes ? L'écosystème local s'appuie sur la plateforme scientifique Platinium 3D pour imposer la fabrication additive, un procédé qui accélère l'industrialisation dans les fonderies locales.
Les Fonderies Nicolas, à Nouzonville (Ardennes). Cette PME de 40 salariés participe aux essais de fabrication additive mis au point dans l'écosystème local.
Les Fonderies Nicolas, à Nouzonville (Ardennes). Cette PME de 40 salariés participe aux essais de fabrication additive mis au point dans l'écosystème local. (Crédits : Olivier Mirguet)

Transmettre des technologies disruptives de fabrication vers les industries de l'automobile et de la métallurgie : telle est l'ambition de la plateforme scientifique Platinium 3D, née en 2015 à Charleville-Mézières sous l'impulsion de l'antenne locale de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM). Destinée aux entreprises, aux laboratoires publics ou privées et aux étudiants, cette plateforme a été équipée d'outils destinés à la fabrication additive, une spécialité qu'elle entend défendre sur le territoire des Ardennes.

Mise en œuvre dans des domaines essentiels de l'industrie locale tels que l'outillage, les pièces d'usure ou de grande dimension, la fabrication additive regroupe différents procédés qui permettent de restituer physiquement des objets en trois dimensions. Contrairement aux procédés soustractifs classiques tels que l'usinage, le fraisage ou la découpe, elle procède par ajout de matière. L'équipe de Platinium 3D (six salariés) maîtrise six technologies de fabrication, allant de la fusion sélective par laser à fabrication additive "sable". Ses outillages sont spécifiques : les imprimantes 3D, bancs d'essais mécaniques et outils de contrôle non destructif constituent un parc de machines pour lequel 3,5 millions d'euros ont été investis au profit de Platinium 3D, financés par les collectivités, l'UIMM, l'Etat ou encore des fonds européens.

"Dès le départ, nous avons disposé d'un écosystème qui savait travailler ensemble : le lycée Bazin, le centre régional d'innovation et de transfert de technologie, l'université", résume Hervé Bonnefoy, responsable scientifique de Platinium 3. L'équipe orientée vers la recherche, le développement et la réalisation de prototypes s'est installé sur un plateau technique de 400 mètres carrés, sur le site du Centre de formation interprofessionnelle (CFAI) de Charleville-Mézières. Cette surface sera doublée en 2021.

Développer les recettes propres

La collaboration initiée sous forme de consortium s'est muée en 2019 en association, offrant un accès facilité à des financements. Le Conseil régional du Grand-Est, Ardennes Métropole, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et le Fonds européen de développement régional (Feder) ont participé à son premier budget propre, établi à 3 millions d'euros pour une période de quatre ans. Des recettes commerciales apportées par des projets privés de recherche appliquée, doivent soutenir son développement. "Nous voulons passer de 80 % à 50 % de subventions au terme de cet exercice budgétaire quadri-annuel", annonce Bruno Flan, directeur de Platinium 3D. Le fabricant de cycles Cycleurope à Romilly (Aube) a confié la mise au point d'un prototype en polymères, en fabrication additive, pour valider les cotes et l'implantation d'une motorisation électrique. "Nous proposons des pré-séries ou de séries, mais nous ne sommes pas qualifiés pour tous les secteurs. Dans l'aéronautique ou la santé, ce ne serait pas possible", note Hervé Bonnefoy. Platinium 3D s'est engagé dans un partenariat avec Framatome, l'Université de Bourgogne et le groupe Manoir Industries pour la mise au point de conteneurs pour la compression isostatique à chaud.

D'autres débouchés sont apparus dans la rétroconception, qui consiste à refabriquer une pièce existante après avoir reproduit son modèle numérique en 3D. Cette technique s'applique notamment à la restauration de voitures anciennes : une niche de marché dans laquelle la Platinium 3D a fait ses premiers pas en reproduisant à l'identique le phare d'une voiture américaine de collection conçue dans les années 1950. Une démarche de prototypage a enfin été mise au point avec des dentistes et prothésistes locaux, à l'aide d'un stéréolithographe qui utilise le principe de photopolymérisation pour fabriquer des modèles de prothèses à partir d'une résine sensible aux UV.

Gagner en efficacité

Pour gagner en efficacité dans la diffusion des technologies de la fabrication additive, Platinium 3D doit miser sur des collaborations renforcées avec son écosystème. La création de start-ups doit contribuer à cet objectif. L'entreprise 3D Métal Industrie, spécialisée dans l'impression 3D en sable et dont la technologie est issue de Platinium 3D, est née en avril 2019. Ses moules sont destinés à la fabrication additive indirecte, dans des fonderies locales. Six d'entre elles, Rollinger, La Fonte ardennaise, le Groupe Bouhyer, les fonderies Vignon, les fonderies Nicolas et la Fonderie Rocroyenne d'Aluminium, sont devenues actionnaires de 3D Métal Industrie, investissant chacune 15.000 euros. "Nous voulons positionner les Ardennes comme terre d'industrialisation, sachant développer des pièces en un temps record", propose Renaud Mignolet, fondateur de 3D Métal Industrie. Il espère obtenir cette année une subvention d'1 million d'euros, avec France Relance, pour acquérir une deuxième machine. "Charleville-Mézières, c'est le seul endroit en Europe où les moyens d'impression 3D sont disponibles, avec un grand nombre de fonderies accessibles dans un rayon de 50 kilomètres. Un tel écosystème, ça ne peut pas se délocaliser", soutient Renaud Mignolet. Cet hiver, il a fabriqué des moules et coulé des pièces en plomb pour l'entreprise meusienne Le Bras, spécialisée das les chantiers de rénovation des monuments historiques. L'une de ces pièces, une gargouille, ira orner la cour du Louvre à Paris. 3D Métal Industrie a aussi initié des collaborations avec des grandes groupes, la SNCF ou Arcelor. La fonderie PSA de Charleville lui a confié la réalisation de prototypes pour son carter de moteur électrique, qui entrera en production en 2022. Pour son premier exercice complet, 3D Métal Industrie a réalisé 680.000 euros de chiffre d'affaires.

Renaud Mignolet n'entend pas seulement se développer en sous-traitance. Cette année, cet ingénieur en métallurgie peaufine la mise au point d'une rampe hélicoïdale pour la production d'électricité d'origine hydraulique. La pièce, issue d'un moule en sable conçu sur une imprimante 3D, présente un diamètre de 2,65 mètres. Elle équipera des centrales micro-hydrauliques pour des puissances jusqu'à 100 kilowatts. Labellisé par la Fondation Bertrand Piccard, son projet a fait l'objet d'un brevet européen et une filiale a été créée : Helliogreen sera opérationnelle après une levée de fonds de 250.000 euros menée avec des investisseurs locaux.

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Commentaire 1
à écrit le 26/01/2021 à 20:01
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V ... !! Je viens d'apprendre un truc : il y a encore des fonderies en France !!??

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