Cela ressemble à un ultimatum... «S'il n'y a pas de reprise sur la deuxième quinzaine de novembre, on va assister à des fermetures d'usines», a averti Luc Chatel, l'un des représentants de la filière automobile en France, inquiet des conséquences du confinement. Le reconfinement a effectivement conduit les concessions automobiles à baisser leur rideau. Considérés, tout comme les libraires, comme des commerces non-essentiels, ils n'ont le droit de garder ouvert que les ateliers de maintenance. Seule différence avec le premier confinement, le gouvernement a accepté que les concessionnaires procèdent au "click&collect" qui permet de remettre des voitures à des clients, sur rendez-vous.
Des marchés à l'export
En réalité, ce processus convient surtout à des livraisons de voitures déjà commandées. Pour les constructeurs, le vrai sujet est surtout la prise de commande. Une source d'un constructeur nous indique sur les premières semaines de novembre, la baisse du marché français gravite dans une fourchette de 50 à 70%. Cela rappelle évidemment le désastre de ce printemps, lorsque le confinement avait fait chuter le marché de 80% au plus fort de la crise, mais à l'époque, la chute s'évaluait à l'échelle européenne. Cette fois, la moitié du Vieux Continent n'est pas concernée par le confinement, seuls quelques pays ont mis en place des mesures de restrictions sanitaire de type couvre-feu. Pour les constructeurs automobiles français, il ne serait pas judicieux de fermer des usines alors même que celles-ci exportent. Les Français doivent ainsi être en capacité de livrer en Espagne, un important marché pour eux, mais également en Allemagne où Opel est très puissant et dont le GrandLand X est produit à Sochaux.
En outre, les groupes automobiles français disposent d'importants carnets de commandes qu'ils doivent livrer, notamment à travers ce fameux "click&collect". Leur carnet de commandes est d'autant plus épais qu'ils ont lancé des modèles majeurs avec les 208 et 2008 pour Peugeot, et les Captur et Clio pour Renault. Certes, la Clio est produite en Turquie et la 208 en Slovaquie, tandis que les Captur et 2008 sont produits en Espagne (respectivement Valladolid et Vigo). Il n'empêche qu'il faut des moteurs, et des pièces partagées avec d'autres modèles auprès de fournisseurs. Par exemple, PSA produit ses moteurs à Tremery près de Metz.
Eviter les fermetures intempestives
Et les constructeurs automobiles veulent absolument éviter des "Stop&Go" de leurs usines qui sont extrêmement coûteux d'un point de vue logistique. Enfin, un porte-parole de PSA confirme que si le marché des particuliers est partiellement grippé du fait du confinement, celui des sociétés fonctionne toujours.
Ainsi, la fermeture d'usine pourrait bien être une menace sans conséquence immédiate, toutes choses égales par ailleurs. Si l'Europe devait se reconfiner dans la même échelle qu'au printemps, ce scénario pourrait alors redevenir pertinent.
Pour l'heure, les constructeurs se contentent donc de gérer la production en utilisant des variables d'ajustement interne. Ainsi, les intérimaires sont les principales victimes du confinement. Ainsi, chez PSA on a supprimé les heures supplémentaires dans les usines de Sochaux et Mulhouse, et supprimé l'équipe de nuit à Rennes. Le groupe a également sursoit à son projet de quatrième équipe à Sochaux. Les usines lissent leur carnet de commandes dans le temps pour éviter d'avoir à fermer, quitte à allonger les délais de livraison. «Pas question de cumuler des stocks, c'est aussi ce qui avait provoqué la chute de PSA au début des années 2010», rappelle-t-on chez le constructeur automobile français qui avait frôlé la faillite en 2013.
Les concessionnaires particulièrement actifs
«Les vérités sont successives surtout dans ce contexte de crise sanitaire», fait valoir un porte-parole du groupe PSA qui confirme que le groupe pilote sa politique industrielle au jour le jour des annonces gouvernementales, mais qu'aucune fermeture n'est programmée pour le moment.
Mais il reste un autre corps de métier qui souffre directement du confinement, celui des distributeurs qui peut difficilement lisser dans le temps les ventes. Le CNPA, le syndicat qui les représente, est particulièrement actif pour pousser le gouvernement à autoriser la réouverture des concessionnaires. Beaucoup plus que les constructeurs automobiles...
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