![Une hausse des droits de douane implique une course vers le bas pour les constructeurs européens, selon Philippe Houchois, analyste chez Jefferies.](https://static.latribune.fr/full_width/2367762/voitures-electriques.jpg)
La France est-elle compétitive face à la Chine dans la production de petites voitures électriques ? « Non », si l'on en croit les candidats aux élections européennes, balançant tour à tour le risque d'une « invasion chinoise » et d'une destruction de la filière automobile en France si rien n'est fait. Nombre d'entre eux demandent à l'Europe de rehausser les droits de douane pour rendre l'Hexagone plus compétitif... sans qu'aucun ne donne néanmoins de chiffre précis.
Le candidat tête de liste des Républicains, François-Xavier Bellamy estimait il y a quelques semaines qu'« il faut faire comme les Etats-Unis qui ont des droits de douane de 27,5% et protéger nos marchés ». D'autant que les Américains ont, depuis, annoncé la hausse à 100% de leurs droits de douane à l'importation de véhicules en provenance de Chine.
« Les Américains ne prennent pas beaucoup de risques, car il y a uniquement Volvo et Polestar qui importent et cela représente une très faible part des échanges. Finalement, c'est très symbolique, cela envoie surtout un signal fort à la Chine », explique néanmoins Philippe Houchois, analyste chez Jefferies.
Si appliquer 100% de droits de douane paraît impossible sur notre territoire, à combien devraient-ils s'élever en Europe pour permettre à la France d'être compétitive face à la Chine ? C'est l'une des questions à laquelle a tenté de répondre l'étude menée par la Fondation pour la Nature et l'Homme et de l'Institut Mobilités en Transition de l'IDDRI parue lundi.
6% d'écart de compétitivité avec la Chine
Les deux institutions se sont focalisées sur les prix de revient de fabrication des véhicules de segment B, soit le segment des citadines incluant les Renault Clio, la Citroën C3 ou encore la Toyota Yaris. Dans l'étude, la France est comparée à l'Espagne, la Slovaquie et la Chine pour un horizon 2028-2030.
Pour calculer cet écart, l'étude s'est appuyée sur quatre piliers de comparaison : coût du travail, prix de l'énergie, subventions françaises et européennes ainsi que les impôts sur la production. Plusieurs approximations ont néanmoins été réalisées dans l'étude, comme la prise en compte de fournisseurs dans une zone proche de l'usine d'assemblage du véhicule, ainsi qu'un lissage du prix des matières premières.
Il en ressort que l'écart de compétitivité de la Chine avec la France est de 6%, soit environ 1.000 euros par voiture. Et ce, en appliquant les droits de douane actuels de 10% à l'entrée des véhicules en Europe, mais également les frais de transport. De quoi renforcer l'inquiétude d'une bataille déséquilibrée entre les constructeurs européens et les constructeurs chinois sur le Vieux continent.
Trouver le juste équilibre
« Dans notre scénario à 2030, la Chine, avec 10 % de droits de douane, a un avantage de 6 points de prix de revient de fabrication théorique, qui peut être neutralisé en réhaussant la taxe à l'import à 16 % minimum. Dans un scénario où les droits de douane seraient doublés, à hauteur de 20 %, l'avantage compétitif s'inverse au profit de la France à hauteur de 3 points », indique toutefois l'étude.
Une proposition qui colle avec celle déjà envisagée par la Commission européenne, qui planche sur une fourchette entre 15% et 20% actuellement. Si les droits de douane sont montés à 15%, cela correspondrait à ceux mis en place par Pekin sur les produits européens qui entrent en Chine et ferait donc sens, selon plusieurs experts.
Mais une telle solution ne convient pas à tous, en particulier aux grands groupes automobiles, fortement mondialisés.
« Pour les constructeurs, cela impliquerait une course vers le bas, car on s'affranchit de la concurrence. Personne n'en veut parce que cela ne fait que repousser le problème », constate Philippe Houchois, analyste chez Jefferies.
« Lorsque vous mettez une bulle autour d'un marché, qui peut être le marché américain ou le marché européen, la première chose que vous créez, c'est une énorme inflation à l'intérieur de la bulle », a renchérit Carlos Tavares.
En Europe, les constructeurs auraient, en effet, davantage à perdre si la Chine se décidait à répliquer à cette hausse des droits de douane. En particulier les groupes allemands, qui exportent encore beaucoup vers Pékin, mais aussi les constructeurs français qui fabriquent à bas coût dans l'Empire du milieu. D'autant que la Chine a déjà menacé de taxer les importations d'autres produits européens, comme le cognac.
La solution de l'« éco-score »
Pour éviter une guerre commerciale, l'étude appuie plutôt l'idée de l'« éco-score », ou des aides à destination des produits à l'empreinte carbone la plus faible, actuellement appliquées sur le bonus écologique à l'achat de voitures neuves. Cet « éco-score » pourrait ainsi être étendu à de nouveaux dispositifs : « quotas de verdissement, taxe sur les véhicules de société par exemples ».
« Une taxe carbone aux frontières est l'une des solutions les plus intelligentes », confirme Phillippe Houchois. Mais cela est plus complexe à mettre en place que les droits de douane, car il faut calculer l'impact de chaque élément du véhicule.
Les mandataires de l'étude relèvent, en outre, d'autres pistes pour améliorer la compétitivité française comme un malus sur les véhicules les plus lourds, ainsi que des synergies entre entreprises européennes.
« En France, la délocalisation a eu lieu avant la transition vers le véhicule électrique. Cette nouvelle technologie peut être un point de bascule, anticipe Bernard Jullien, économiste spécialisé dans l'automobile. L'Espagne était dans la même situation que la France il y a 10 ans et aujourd'hui, elle fabrique plus de 3 millions de véhicules par an, dont une grande partie en électrique ». Emmanuel Macron a quant à lui fixé un cap de 2 millions de voitures électrifiées fabriquées en France pour 2030.
Autre point fort de l'étude : « l'écart de compétitivité calculé ne dépasse pas 2% à 2,5% entre la France et les autres pays européens ». En ajoutant tous les facteurs, les pays européens restent proches de la France, à un écart de prix de véhicule de 400 euros avec l'Espagne et de 260 euros avec la Slovaquie, deux pays choisis par Stellantis pour les productions respectives des 208 électriques et C3 électriques. « Une délocalisation de la production en Espagne permettrait aux entreprises françaises de booster leur compétitivité en baissant leur prix de vente par véhicule de 3%, soit passer d'un prix affiché de 25.900 euros à 25.370 euros », souligne l'étude. Un écart de prix largement compensé par des effets marketing comme la notion de "Made in France", prônée par Renault pour sa Renault 5 par exemple, estiment les deux institutions environnementales.La France très proche de ses voisins européens
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