Immobilier : 140.000 logements G et F reclassés, une première brèche dans le calendrier d'interdiction à la location ?

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu vient d'annoncer une modification du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour tous les logements de moins de 40 m² classés G et F. Pourquoi le gouvernement a-t-il pris cette décision ? Quelles conséquences aura-t-elle sur le calendrier de rénovation du parc immobilier français ? Explications.
Maxime Heuze
« Nous sortons 140.000 logements de 40 m² de la catégorie des passoires énergétiques (étiquetés F ou G) », vient d'annoncer Christophe Béchu. (Photo d'illustration)
« Nous sortons 140.000 logements de 40 m² de la catégorie des passoires énergétiques (étiquetés F ou G) », vient d'annoncer Christophe Béchu. (Photo d'illustration) (Crédits : Reuters)

Réforme de bon sens ou aveu de faiblesse du gouvernement ? Alors que l'échéance de l'interdiction à la location en 2025 des logements classés G approche, l'exécutif fait une première concession pour répondre aux cris des professionnels du secteur et des propriétaires.

Les biens de moins de 40 m2 classés G seront automatiquement reclassés F - portant leur interdiction à 2028 - quand les F passeront à E et deviendront interdits à la location en 2034. A la clé, « nous sortons 140.000 logements de 40 m² de la catégorie des passoires énergétiques (étiquetés F ou G) », a annoncé ce lundi Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, dans une interview au Parisien.

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Un choix motivé par le fait que, toujours selon le ministre, « plus de 27% des très petits biens (...) soient considérés comme des passoires, ce qui ne reflète pas la réalité ». Un simulateur sera mis en place dès cette semaine par l'Agence de la transition écologique (Ademe) pour que les propriétaires de petites surfaces puissent savoir s'ils sont concernés, fait valoir son cabinet.

Un calcul qui pénalise les petites surfaces

A l'origine de cette mauvaise notation : une surreprésentation du poids de l'eau chaude sanitaire dans la mesure de la consommation d'énergie des petits biens qui pénalisait ces dernières et dégradait injustement leur diagnostic de performance énergétique (DPE). Dans les faits, la consommation d'eau chaude ne dépend pas de la taille du ballon, mais de la quantité d'habitants utilisateurs.

Pourtant, jusqu'alors, « plus le ballon d'eau chaude est grand, et plus la note du DPE est pénalisante pour un petit logement, même s'il est bien isolé et performant », pointait la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers (CDI) de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier), dans une lettre adressée au gouvernement en mai.

Neuf mois après cette remarque, le ministère de la Transition écologique a donc répondu à la CDI en reclassant les petites surfaces. « C'est une bonne chose pour les propriétaires et les locataires car cela va laisser sur le marché des logements qui auraient été injustement retirés de la location », réagit, pour La Tribune, Yannick Ainouche, le président de la CDI.

Retirer les petites surfaces aurait eu l'effet « d'une bombe sociale » appuie Frédéric Utzmann, président et cofondateur de l'entreprise de rénovation énergétique Effy. Et pour cause, les locataires de ces petites surfaces auraient été injustement pénalisés... alors même qu'il s'agit généralement des ménages les moins aisés.

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Peu de conséquences sur le calendrier de rénovation du parc français

Revers de la médaille, cette reclassification automatique ne va pas donner de coup de pouce à la rénovation énergétique des passoires thermiques, au contraire.

« Donner de la souplesse aux petits logements, c'est surtout éviter d'être trop contraignant en direction des petits logements, et ça, ça ne permet pas de les rénover à un niveau performant alors que c'est cela notre objectif » regrette, de son côté, Vincent Legrand, gérant de l'institut negawatt au micro de France Info.

Une conséquence à nuancer cependant. « Cela ne concerne que les petites surfaces, donc la grande majorité des passoires thermiques qui sont des biens de plus de 40 m² devront toujours être rénovées si leurs propriétaires veulent continuer à les louer en 2025 pour les G et 2028 pour les F » rappelle Frédéric Utzmann. Surtout, les petites surfaces sont toutes ou presque intégrées dans des copropriétés et bénéficieront donc de rénovations, que leurs propriétaires le veuillent ou non, par le biais de ces dernières.

Cette mesure aura donc des conséquences limitées sur le rythme de rénovation du parc français. Reste que les défis sont grands et nombreux. La France s'est en effet fixée pour objectif de diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre du parc immobilier français en 2030 par rapport à 2015 et même d'atteindre la neutralité carbone en 2050.

Or, l'Hexagone comptabilise encore 6,6 millions de passoires sur 37 millions de logements, selon les chiffres du ministère. « Nous ne touchons pas au calendrier et à l'ambition [...] le 1er janvier n'est pas une date couperet », a néanmoins affirmé, dans Le Parisien, Christophe Béchu. Sur RTL, le nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, s'est, lui, refusé à parler de « recul » en matière écologique.

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Serons-nous prêts en 2030 ?

 « Nous ne serons pas prêts pour 2030 », répond clairement à La Tribune Loïc Cantin, président de la Fnaim. Mais pour ce dernier, le nœud du problème ne se situe pas dans l'interdiction à location des passoires thermiques.

« Il y a deux problèmes majeurs sur la question de la rénovation du parc immobilier français. La lourdeur administrative des copropriétés qui peuvent mettre 1 à 3 ans pour se décider à faire des travaux et le fait que la filière du bâtiment n'est pas prête », ajoute le porte-parole des agents immobiliers.

Dans son baromètre annuel du secteur, en janvier, la Fnaim avait en effet rappelé que pour rénover tous les biens F et G d'ici à 2028, il faudrait mobiliser 50 milliards d'euros par an et doubler le nombre de professionnels de la rénovation énergétique.

Aujourd'hui, le gouvernement déclare que la nécessité d'avoir fait des travaux pour relouer une passoire thermique ne s'appliquera qu'au moment du renouvellement du bail. Dans le cadre de l'examen en cours du projet de loi sur l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, un amendement sera en outre déposé pour suspendre l'interdiction à louer pendant deux ans, le temps de réaliser des travaux. Deux demandes historiques des administrateurs de biens, que ce soit la major Foncia ou l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS).

Les professionnels appellent l'Etat à mettre en place d'autres solutions pour doper les rénovations

Pour parvenir à respecter le calendrier et les objectifs de 2030 et 2050, les professionnels de l'immobilier appellent le gouvernement à mettre les bouchées doubles en matière de régulation et d'incitation à la rénovation. « Il devient urgent de mettre en place une exonération fiscale pour la rénovation et la transformation des logements existants », pointe par exemple Yannick Ainouche, le président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers, en référence à l'arrêt du dispositif Pinel qui incitait à la construction dans le logement neuf.

De son côté, le fondateur d'Effy pointe deux mesures qui pourraient donner un bon coup de pouce à la filière. « Il faut accélérer la rénovation globale des bâtiments mais aussi garder une incitation aux petites rénovations qui sont un peu délaissées alors qu'elles sont importantes pour inciter le plus de ménages possibles à faire des travaux », affirme Frédéric Utzmann qui insiste aussi sur l'importance du contrôle des acteurs de la rénovation pour donner confiance aux Français et les faire passer à l'action.

Maxime Heuze

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Commentaires 14
à écrit le 13/02/2024 à 11:35
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L'important, c'est de construire en neuf selon les normes basse-consommation (classes A éventuellement B du DPE), comme le font les suédois depuis quarante ans, ce qui leur permet de disposer dès aujourd'hui d'un parc quasi neutre en carbone. Le rest...

à écrit le 13/02/2024 à 10:22
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Le DPE est un bidule technocratique , les français sont assez grand pour isoler leur logement. Par ailleurs , installer des panneaux solaires ne nécessite pas d'isoler sa maison car vous produisez votre propre énergie. Dans les villes comme Paris pa...

le 13/02/2024 à 11:25
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Oui, mais "les toits parisiens, et leur célèbre zinc, sont classés au patrimoine mondial de l'Unesco". Et de toute façon, il n'y a plus de soleil à Paris (deux fois moins d'heures d'ensoleillement qu'à Toulon ou Perpignan). Faut-il que tout le monde ...

à écrit le 13/02/2024 à 10:02
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Cesser de faire "suer" les Français avec les DPE, ZFE, Etc...

le 13/02/2024 à 10:18
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leurs promesses valident bien un échec de leur politique !

à écrit le 13/02/2024 à 9:29
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"140.000 logements G et F reclassés",une première brèche Il y a encore du boulot ,au 1er janvier 2022, ce sont environ 5,2 millions de logements, soit 17 % du parc qui seraient des passoires énergétiques avec l'étiquettes F et G du DPE.

à écrit le 13/02/2024 à 9:23
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Vu du bout du monde, on se rend compte de la main mise des fonctionnaires sur TOUS les secteurs d'activite. Pire que l'URSS. Mais qu'attendent les francais pour se remuer ? C'est de la dictature organisee.

à écrit le 13/02/2024 à 9:18
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Des pseudo diagnostics effectués tués par des personnes qui doivent faire du chiffre.. l’immobilier locatif est plombé durablement, car l’adoucissement de mesures ne change rien au fond. il devient impossible de rentabiliser un investissement pour un...

à écrit le 13/02/2024 à 8:53
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Parce que la spéculation financière immobilière. Nos dirigeants sont faibles et nuls.

à écrit le 13/02/2024 à 7:33
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Que le DPE soit du bidon, servant d´une part le lobby écolo, d´autre part Macron dans son dada anti-construction, on le savait (d´ailleurs le gouvernement utilise de moins en moins le terme « passoire thermique », inventé par une agence de pub, pour ...

à écrit le 12/02/2024 à 19:48
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Le DPE sous sa forme actuelle est une aberration, tous les professionnels l'ont assez dit et les technocrates de Pompili à l'époque n'ont évidemment pas écouté. L'usine à gaz imaginée par nos technocrates ecolos, et consultants appointés a couté un ...

le 13/02/2024 à 18:47
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C'est comme tout ce que les politiciens imposent. Crit air c'est la même chose. Les politiciens n'y connaissent rien et imposent des norme écrite pas des test ou des contrôles physique... donc votre maison est construite en x elle a la norme f elle ...

à écrit le 12/02/2024 à 18:48
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Il ne faut pas que les propriétaires d'appart. classé F ou G se leurrent .Leurs éventuels futurs locataires seront le reflet du bien mis à la location .J'en ai fait l'expérience ceux qui ne sont pas exigeants le sont à tous les niveaux; dégradations,...

le 12/02/2024 à 19:46
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@ldx - D'où le succès d'Air BnB😁

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