Réforme de bon sens ou aveu de faiblesse du gouvernement ? Alors que l'échéance de l'interdiction à la location en 2025 des logements classés G approche, l'exécutif fait une première concession pour répondre aux cris des professionnels du secteur et des propriétaires.
Les biens de moins de 40 m2 classés G seront automatiquement reclassés F - portant leur interdiction à 2028 - quand les F passeront à E et deviendront interdits à la location en 2034. A la clé, « nous sortons 140.000 logements de 40 m² de la catégorie des passoires énergétiques (étiquetés F ou G) », a annoncé ce lundi Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, dans une interview au Parisien.
Un choix motivé par le fait que, toujours selon le ministre, « plus de 27% des très petits biens (...) soient considérés comme des passoires, ce qui ne reflète pas la réalité ». Un simulateur sera mis en place dès cette semaine par l'Agence de la transition écologique (Ademe) pour que les propriétaires de petites surfaces puissent savoir s'ils sont concernés, fait valoir son cabinet.
Un calcul qui pénalise les petites surfaces
A l'origine de cette mauvaise notation : une surreprésentation du poids de l'eau chaude sanitaire dans la mesure de la consommation d'énergie des petits biens qui pénalisait ces dernières et dégradait injustement leur diagnostic de performance énergétique (DPE). Dans les faits, la consommation d'eau chaude ne dépend pas de la taille du ballon, mais de la quantité d'habitants utilisateurs.
Pourtant, jusqu'alors, « plus le ballon d'eau chaude est grand, et plus la note du DPE est pénalisante pour un petit logement, même s'il est bien isolé et performant », pointait la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers (CDI) de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier), dans une lettre adressée au gouvernement en mai.
Neuf mois après cette remarque, le ministère de la Transition écologique a donc répondu à la CDI en reclassant les petites surfaces. « C'est une bonne chose pour les propriétaires et les locataires car cela va laisser sur le marché des logements qui auraient été injustement retirés de la location », réagit, pour La Tribune, Yannick Ainouche, le président de la CDI.
Retirer les petites surfaces aurait eu l'effet « d'une bombe sociale » appuie Frédéric Utzmann, président et cofondateur de l'entreprise de rénovation énergétique Effy. Et pour cause, les locataires de ces petites surfaces auraient été injustement pénalisés... alors même qu'il s'agit généralement des ménages les moins aisés.
Peu de conséquences sur le calendrier de rénovation du parc français
Revers de la médaille, cette reclassification automatique ne va pas donner de coup de pouce à la rénovation énergétique des passoires thermiques, au contraire.
« Donner de la souplesse aux petits logements, c'est surtout éviter d'être trop contraignant en direction des petits logements, et ça, ça ne permet pas de les rénover à un niveau performant alors que c'est cela notre objectif » regrette, de son côté, Vincent Legrand, gérant de l'institut negawatt au micro de France Info.
Une conséquence à nuancer cependant. « Cela ne concerne que les petites surfaces, donc la grande majorité des passoires thermiques qui sont des biens de plus de 40 m² devront toujours être rénovées si leurs propriétaires veulent continuer à les louer en 2025 pour les G et 2028 pour les F » rappelle Frédéric Utzmann. Surtout, les petites surfaces sont toutes ou presque intégrées dans des copropriétés et bénéficieront donc de rénovations, que leurs propriétaires le veuillent ou non, par le biais de ces dernières.
Cette mesure aura donc des conséquences limitées sur le rythme de rénovation du parc français. Reste que les défis sont grands et nombreux. La France s'est en effet fixée pour objectif de diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre du parc immobilier français en 2030 par rapport à 2015 et même d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
Or, l'Hexagone comptabilise encore 6,6 millions de passoires sur 37 millions de logements, selon les chiffres du ministère. « Nous ne touchons pas au calendrier et à l'ambition [...] le 1er janvier n'est pas une date couperet », a néanmoins affirmé, dans Le Parisien, Christophe Béchu. Sur RTL, le nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, s'est, lui, refusé à parler de « recul » en matière écologique.
Serons-nous prêts en 2030 ?
« Nous ne serons pas prêts pour 2030 », répond clairement à La Tribune Loïc Cantin, président de la Fnaim. Mais pour ce dernier, le nœud du problème ne se situe pas dans l'interdiction à location des passoires thermiques.
« Il y a deux problèmes majeurs sur la question de la rénovation du parc immobilier français. La lourdeur administrative des copropriétés qui peuvent mettre 1 à 3 ans pour se décider à faire des travaux et le fait que la filière du bâtiment n'est pas prête », ajoute le porte-parole des agents immobiliers.
Dans son baromètre annuel du secteur, en janvier, la Fnaim avait en effet rappelé que pour rénover tous les biens F et G d'ici à 2028, il faudrait mobiliser 50 milliards d'euros par an et doubler le nombre de professionnels de la rénovation énergétique.
Aujourd'hui, le gouvernement déclare que la nécessité d'avoir fait des travaux pour relouer une passoire thermique ne s'appliquera qu'au moment du renouvellement du bail. Dans le cadre de l'examen en cours du projet de loi sur l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, un amendement sera en outre déposé pour suspendre l'interdiction à louer pendant deux ans, le temps de réaliser des travaux. Deux demandes historiques des administrateurs de biens, que ce soit la major Foncia ou l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS).
Pour parvenir à respecter le calendrier et les objectifs de 2030 et 2050, les professionnels de l'immobilier appellent le gouvernement à mettre les bouchées doubles en matière de régulation et d'incitation à la rénovation. « Il devient urgent de mettre en place une exonération fiscale pour la rénovation et la transformation des logements existants », pointe par exemple Yannick Ainouche, le président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers, en référence à l'arrêt du dispositif Pinel qui incitait à la construction dans le logement neuf. De son côté, le fondateur d'Effy pointe deux mesures qui pourraient donner un bon coup de pouce à la filière. « Il faut accélérer la rénovation globale des bâtiments mais aussi garder une incitation aux petites rénovations qui sont un peu délaissées alors qu'elles sont importantes pour inciter le plus de ménages possibles à faire des travaux », affirme Frédéric Utzmann qui insiste aussi sur l'importance du contrôle des acteurs de la rénovation pour donner confiance aux Français et les faire passer à l'action.Les professionnels appellent l'Etat à mettre en place d'autres solutions pour doper les rénovations
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