La commercialisation enregistre un cinquième trimestre de baisse consécutif avec seulement 18.000 logements réservés. Selon les statistiques dévoilées jeudi par le ministère de la Transition écologique, les réservations de logements neufs auprès des promoteurs ont chuté de presque 40% (39,9%). Ce niveau est inférieur à celui connu au plus fort des effets de l'épidémie de Covid-19 : une baisse de 18% par rapport au deuxième trimestre 2020.
Ce repli est plus fort pour les maisons (-44,9% sur un an et -16,3% par rapport au trimestre précédent) mais concerne aussi les appartements (-39,5% sur un an et -10,1% par rapport au trimestre précédent).
Quant aux mises en vente, qui représentent l'offre nouvelle des promoteurs, elles tombent à 21.000, avec une baisse de 10,3% en un trimestre et de 29,5% sur un an.
Inégalités territoriales
La baisse des réservations concerne particulièrement les zones les plus denses qui restent peu dynamiques, alors que la zone C, qui comprend les petites communes, se singularise par une progression de mises en vente de 15,7%. Ainsi les niveaux des mises en vente et des réservations retrouvent leur niveau d'avant crise sanitaire. Le niveau de l'encours des logements dans cette zone est en constante augmentation depuis le début 2022 : il atteint désormais 9 .000 logements.
Les causes de la crise
Les promoteurs pâtissent d'un contexte économique très défavorable. Tout d'abord, la remontée rapide des taux d'intérêt réduit le pouvoir d'achat des emprunteurs. Ensuite, la hausse des coûts de construction se répercute sur les prix de vente.
Autre sujet d'inquiétude dans le secteur, la diminution, annoncée par le gouvernement, des aides à la construction neuve, avec la suppression programmée de la niche fiscale Pinel et le recentrage des prêts à taux zéro.
Les promoteurs en difficultés
Chez Bouygues, le chiffre d'affaires de la branche immobilier a reculé de 14% au premier semestre. Même tendance chez Vinci où les réservations de logements neufs ont plongé de 36%, alors que les autres filiales du géant du BTP (construction, énergies, autoroutes...) affichent une santé de fer.
« Cela fait environ trois ans que nous voyons les signes avant-coureurs de cette crise, et nous constatons que les réponses apportées par les décideurs, nos gouvernants, ne sont pas à la hauteur des enjeux de la filière », dénonçait fin juillet le PDG du groupe, Xavier Huillard.
Quant à Nexity, le premier promoteur français, il a dû abaisser ses objectifs financiers pour 2023 alors que ses réservations de logements diminuaient de 20%. Le groupe table à présent sur un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros à la fin de l'année, contre 4,5 milliards jusqu'ici.
Se diversifier pour limiter l'impact de la crise
Pour diminuer son exposition aux soubresauts du marché de la construction, le groupe Nexity a déjà commencé sa diversification au-delà de la promotion immobilière, son cœur de métier historique. L'objectif est de devenir un « opérateur global d'immobilier », présent dans tous les métiers de l'immobilier et servant tous types de clients, particuliers, professionnels ou collectivités.
Altarea s'est également lancé dans un projet de diversification, plus radical, dans les entrepôts logistiques, data centers et installations photovoltaïques. Au premier semestre, il a fortement réduit ses investissements dans la promotion immobilière, achetant beaucoup moins de terrains à bâtir. Le groupe « assume la forte baisse de résultats qui en découle », a affirmé son président Alain Taravella dans un communiqué. Altarea est, en effet, passé dans le rouge, avec une perte nette de 18 millions d'euros au premier semestre contre un bénéfice de 327 millions un an auparavant.
« Altarea peut se permettre de mener une politique plus radicale grâce à son modèle diversifié et à sa puissance financière », a assuré Alain Taravella, dont le groupe mise gros sur la construction écologique, à travers les bâtiments en bois ou la rénovation des logements.
Chantiers tertiaires et investissements de la part des promoteurs
À court terme, des promoteurs aident davantage leurs clients à financer leurs acquisitions malgré la hausse des taux d'intérêt.
« Un certain nombre de confrères et nous-mêmes essayons de compenser en partie le différentiel, pour tenter d'enrayer un peu le sujet en attendant que les taux se stabilisent », explique à l'AFP Franck Hélary, directeur général adjoint de Crédit Agricole Immobilier.
D'autres compensent les difficultés rencontrées dans le secteur du logement par de grands chantiers tertiaires. Nexity, par exemple, a réussi à présenter un chiffre d'affaires en hausse au premier semestre notamment grâce à ses opérations en cours dans l'immobilier de bureaux. Le promoteur par ailleurs annoncé début juillet un partenariat avec Carrefour pour transformer des zones commerciales.
Le phénomène est le même chez Kaufman & Broad, qui a compensé une érosion de 11% de ses réservations de logements par le lancement d'un méga-chantier de bureaux dans le quartier de la gare d'Austerlitz à Paris, purgé de tout recours après des années de bataille judiciaire. Le promoteur indique aussi s'être davantage tourné vers les gros investisseurs, comme les bailleurs sociaux ou les collectivités.
« C'est une aide complémentaire pour essayer d'engager des travaux et de ne pas se retrouver dans une position où les chantiers devraient être retardés », estime Franck Hélary.
(Avec AFP)
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