Les locataires trop riches devront quitter leur logement social : la mesure choc du gouvernement

Pour palier le manque de logements sociaux, le gouvernement entend demander aux bailleurs sociaux d'examiner la situation des locataires de HLM qui ne seraient plus éligibles aux critères d'un logement social. Une disposition qui serait inscrite dans le projet de loi logement, présenté en mai au Conseil des ministres.
Le gouvernement entend favoriser la sortie du logement social des locataires qui ont « largement dépassé les plafonds de revenus » (Photo d'illustration).
Le gouvernement entend favoriser la sortie du logement social des locataires qui ont « largement dépassé les plafonds de revenus » (Photo d'illustration). (Crédits : © Youssef Boudlal / Reuters)

[Article publié vendredi 12 avril 2024 à 12h26, mis à jour à 14h53] C'est une mesure qui va mettre le feu aux poudres. Le gouvernement entend favoriser la sortie du logement social des locataires qui ont « largement dépassé les plafonds de revenus », a annoncé jeudi Guillaume Kasbarian, le ministre délégué au Logement, dans un entretien au journal Les Echos. Une façon de juguler la crise du logement. Selon le ministre, 8% des locataires de HLM ne seraient plus éligibles à un logement social s'ils en demandaient un aujourd'hui.

« Quand on a 5,2 millions de logements sociaux en France et 1,8 million de ménages qui candidatent légitimement pour y entrer, est-il normal qu'ils soient empêchés de le faire alors qu'il y a des gens au sein du parc social dont la situation a largement changé depuis qu'ils se sont vu attribuer leur logement ? », s'interroge le ministre dans les colonnes du quotidien économique.

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Evaluation régulière et obligatoire

Actuellement, les locataires de HLM doivent répondre annuellement à une « enquête ressources » pour attester de leur situation économique. S'ils dépassent un certain plafond de ressources, leur bailleur peut majorer leur loyer, et s'ils font état de revenus encore plus élevés, leur bailleur peut, dans certains cas, refuser de renouveler leur bail.

Désormais, le gouvernement entend exiger des bailleurs sociaux une évaluation régulière et obligatoire de « la situation personnelle, financière et patrimoniale » des locataires du parc social. Objectif affiché, « interroger le renouvellement du bail » et « le niveau des loyers ».

« Il faut réinterroger la pertinence à continuer à occuper un logement social de ceux qui ont largement dépassé les plafonds de revenus, ont pu hériter, ont parfois une résidence secondaire en leur possession, et dont le patrimoine - et c'est le sens de la vie - a évolué », poursuit le ministre.

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Logements locatifs intermédiaires

Toutes ces nouvelles dispositions devraient ainsi être intégrées dans le projet de loi logement. Il sera présenté en Conseil des ministres en mai, pour un examen au Sénat en juin. Adoptée en 2000, la loi SRU - pour Solidarité et renouvellement urbain - impose aux villes un quota de 20 à 25% de logements sociaux. Le gouvernement entend ainsi la réformer, en intégrant dans le décompte des logements intermédiaires avec des loyers plus élevés que les HLM, mais toujours en dessous des prix du marché, et à destination des classes moyennes.

Une façon de permettre aux communes en retard dans leurs quotas de logements sociaux de mettre à la place ces logements intermédiaires. Entre 2020 et 2022, près des deux tiers des communes concernées par la loi SRU n'ont pas tenu leurs objectifs de production de logements sociaux, certaines, comme Nice, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ou Toulon, en étant même très loin.

« Pour les communes déficitaires, qui donc ont des objectifs de construction de logements sociaux, nous souhaitons leur ouvrir la possibilité d'utiliser le LLI (logement locatif intermédiaire, ndlr) pour atteindre leurs objectifs », résumait ainsi la veille Guillaume Kasbarian lors d'un point presse à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne).

Le ministre a néanmoins essayé de rassurer en s'engageant à maintenir « les objectifs cibles de 20 à 25% de logements sociaux » dans les communes concernées par la loi SRU, dont la réforme à venir a suscité de nombreuses inquiétudes, notamment des bailleurs. « Le LLI s'adresse à la classe moyenne supérieure, qu'on ne nous dise pas que c'est avec ça qu'on va faire de la mixité sociale », dénonçait fin mars la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, jugeant que le gouvernement était « à côté de la plaque ». La confédération des bailleurs sociaux appelle ainsi le gouvernement à renoncer à réformer la loi SRU.

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Plus de pouvoir aux maires

Par ailleurs, le texte doit donner plus de pouvoir aux maires dans l'attribution des logements sociaux ou dans la décision d'en vendre, a détaillé Guillaume Kasbarian. « Les maires présideront désormais systématiquement la commission d'attribution pour les logements neufs. Cela les mettra en position de maîtrise et leur permettra de faire un lien entre l'acte de construire et l'attribution de logements sociaux », explique-t-il dans le quotidien économique.

Le ministre a également indiqué vouloir aussi simplifier la vente de logements sociaux. Si les locataires d'un logement intermédiaire peuvent aujourd'hui acquérir le bien au bout de 18 ans, Guillaume Kasbarian souhaite réduire ce délai à 5 ans. Et alors que la vente d'un logement social est « conditionnée à une autorisation préfectorale », il a précisé vouloir aussi « transférer la décision au maire ».

Crise du logement

Le gouvernement tente tant bien que mal de résoudre la crise du logement. Ainsi, la production de logements sociaux est en déclin depuis 2018, sous le triple effet de la baisse des subventions, de la hausse des coûts de construction et des ponctions de l'Etat sur les bailleurs. Selon l'USH, les autorisations de logements sociaux devraient passer sous la barre des 85.000 en 2023, le « pire niveau depuis 2005 », alors qu'il en faudrait « 198.000 par an ».

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Principal déclencheur : la remontée en flèche des taux directeurs des banques centrales en 2022 pour lutter contre l'inflation. Effet boule de neige, elle a fait grimper les taux immobiliers et poussé les banques à fermer le robinet du crédit.

Une autre question légitime se pose : où vont se reloger les locataires qui ne répondent plus aux critères des logements sociaux ? Pour l'heure, le marché locatif reste également saturé avec, fin 2023, une baisse de l'offre locative de 36% en deux ans, encore plus forte à Paris, avec 50% en un an, a indiqué SeLoger en début d'année, site spécialisé dans les transactions immobilières.

Les oppositions politiques vent debout contre la proposition de Guillaume Kasbarian

« Démagogique », « cynique », « hypocrite »... L'idée avancée par le gouvernement d'évincer de leur logement social les locataires devenus trop aisés a suscité vendredi une vague d'indignation à gauche et parmi les organisations du secteur, y voyant une diversion face à une production de HLM qui patine. Cette « notion de logement à vie (...) n'a pas de réalité juridique », a taclé dans un communiqué l'Union sociale pour l'habitat, l'organisation représentative du secteur HLM, appelant à « ne pas céder à la démagogie ».

« Le ministre a raison de reconnaître la réalité de la file d'attente des demandes de logements sociaux. Mais il a tort de considérer que c'est en "insécurisant" les locataires du parc social qu'on palliera les insuffisances de la politique du logement que nous constatons depuis 2017 », a déploré l'ancienne ministre écologiste Emmanuelle Cosse, qui dirige désormais cet organisme.

Avec ces annonces, « en réalité, le gouvernement fait payer aux locataires du parc social son incapacité à produire du logement social », a encore dénoncé le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat. Même son de cloche à la Confédération nationale du logement, qui a regretté sur le réseau social X le « cynisme » de la proposition.

Dans un communiqué, le sénateur communiste estime que cette réforme « est d'une hypocrisie sans nom puisqu'elle laisse entendre que les locataires HLM seraient aujourd'hui inexpulsables ». En l'état actuel de la réglementation, les locataires doivent répondre annuellement à une « enquête ressources » pour attester de leur situation économique.

(Avec AFP)

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Commentaires 30
à écrit le 19/04/2024 à 9:06
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Ceci est insensé comment être certain que vous aurez le même salaire dans 1 ou 2 ans je vous donne un exemple aujourd'hui je gagne 1800€ par mois mon épouse 1900€ L.annee prochaine je serai à la retraite j aurai 980€ par mois aiaiai la nou...

à écrit le 19/04/2024 à 9:04
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Ceci est insensé comment être certain que vous aurez le même salaire dans 1 ou 2 ans je vous donne un exemple aujourd'hui je gagne 1800€ par mois mon épouse 1900€ L.annee prochaine je serai à la retraite j aurai 980€ par mois aiaiai la nou...

à écrit le 13/04/2024 à 12:59
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"Les locataires trop riches devront quitter leur logement social : la mesure choc du gouvernement" Les associations de migrants rassurées, aucune obligation de chercher un emploi pour squatter avec femmeS et enfantS un logement HLM financé par ...

à écrit le 13/04/2024 à 8:24
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Enfin ! Ben dites donc... quoi que va y avoir de nombreuses levées de boucliers et certainement que ceux aux bons réseaux pourront continuer d'obtenir un loyer au rabais alors qu'ils sont plein dep ognon. Payer toujours moins, acheter toujours moins ...

à écrit le 13/04/2024 à 2:49
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Mesure on ne peut plus logique qui devrait déjà être appliquée de manière drastique. Il faut laisser les pauvres entre eux.

le 13/04/2024 à 10:56
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Ben oui, c'est le 'principe'. Les gens dont les revenus augmentent, souvent, ils partent vers d'autres quartiers, et ça n'aide pas à la "mixité" dont on parle (dans le vide ?). Comment gérer la pénurie (comme pour la médecine) ? Le Livret A semble n...

à écrit le 13/04/2024 à 2:38
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A l'évidence le régime MacRon veut faire le ménage dans les HLM afin de les réserver exclusivement aux riches caïds prospérant de l'économie informelle notamment du trafic de drogue...

à écrit le 12/04/2024 à 19:19
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Il y a quelques années un élu des hauts de seine occupait un appart. hlm tout en étant propriétaire de 4 appartements qu'il donnait en location !!

à écrit le 12/04/2024 à 19:10
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Question: est ce que les pistonnés devront quitter leurs logements sociaux de 150 mètres carrés appartenant à la ville de Paris situés à proximité de l'Odéon ? Pour le reste ce dispositif existe déjà , je connais un couple avec enfants dont l'épou...

à écrit le 12/04/2024 à 18:58
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Au lieu de construire on va chasser les locataires, çà ne coutera rien !

à écrit le 12/04/2024 à 18:26
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C’est tout ce qu’ils ont trouvé pour avoir des logements disponibles? Virer des gens solvables qui travaillent ou ont travaillé pour mettre les milliers d’immigrés dont on ne sait que faire ni où les mettre.Bravo! La France est grande et généreuse,...

à écrit le 12/04/2024 à 17:48
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Maintenant, on est contre la mixité sociale!

le 13/04/2024 à 11:35
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@ thevrst: C est pas les mêmes hlm et les mêmes populations socio- culturelles qui y vivent : entre Odéon face au Palais Royal ou dans le marais rien a voir avec Drancy ou grigny sur orge …dans les beaux quartiers il n y a aucune femme de ménage o...

le 13/04/2024 à 11:35
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@ thevrst: C est pas les mêmes hlm et les mêmes populations socio- culturelles qui y vivent : entre Odéon face au Palais Royal ou dans le marais rien a voir avec Drancy ou grigny sur orge …dans les beaux quartiers il n y a aucune femme de ménage o...

à écrit le 12/04/2024 à 17:23
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Il suffirait dans ces cas d'augmenter les loyers à un niveau égal ou légèrement supérieur à celui du marché et de leur donner le choix de racheter au prix du marché. Avec l'argent gagné par les HLM on pourra rénover d'autres HLM (en construire non p...

le 13/04/2024 à 9:03
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Le problème, c'est que les prix des HLM sont bien plus en phase avec le pouvoir d'achat de la population que les prix du privé qui pour le coup rentent dans la catégorie des rentes (à Paris, ils ont augmenté en moyenne cinq fois plus vite que les sal...

à écrit le 12/04/2024 à 17:21
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Il suffirait dans ces cas d'augmenter les loyers à un niveau égal ou légèrement supérieur à celui du marché et de leur donner le choix de racheter au prix du marché. Tout le monde sera gagnant aprce que avec l'argent par les HLM on pourra restructur...

à écrit le 12/04/2024 à 16:05
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Ne pas oublier que certains logement sociaux sont perdus au fin fond de la pampa et ne trouve pas preneur Ne pas oublier que normalement les loyers sont augmentés pour les personnes dépassant les ressources minimales et compense en partie les impay...

à écrit le 12/04/2024 à 15:56
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1) les logements sociaux sont à réserver aux gens qui travaillent et qui traverses une mauvaises passe. 2) La location de ces logements devraient être limités en durée 5, 10 voire 15 ans. 3) il n'est pas normal que ces logements servent comme le so...

le 12/04/2024 à 18:29
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"les logements sociaux sont à réserver aux gens qui travaillent et qui traverses une mauvaises passe." Propos absurde car la perte d'un emploi est une mauvaise passe entrainant souvent un divorce et la perte d'un logement acquis en couple...

à écrit le 12/04/2024 à 13:49
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Ca dépend où on fixe le seuil de revenu pour devoir dégager, et dans quelle ville. Moi ce que je vois c'est que Macron a fait entrer 3 millions de nouveaux "français" en 7 années et qu'il faut bien trouver un moyen de les loger avec un déficit de 6 %...

à écrit le 12/04/2024 à 13:46
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Oui et si on virent également tous les politiques les artistes les industriels des logements hlm de paris ou autres grandes agglomérations sur des endroits prestigieux comme au Trocadéro , au Palais Royal ou dans le Marais… de même que les politique...

à écrit le 12/04/2024 à 13:46
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Oui et si on virent également tous les politiques les artistes les industriels des logements hlm de paris ou autres grandes agglomérations sur des endroits prestigieux comme au Trocadéro , au Palais Royal ou dans le Marais… de même que les politique...

à écrit le 12/04/2024 à 13:45
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Dommage, c’étaient les seuls qui payaient leur loyer !

à écrit le 12/04/2024 à 13:36
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Il y a quand même pas mal de monde en région parisienne qui se moque du modèle social et le dévoye. Les gens qui nous disent qu’ils restent dans les logements sociaux et achètent une résidence à la plage… C’est quand même bien se moquer du monde. Évi...

à écrit le 12/04/2024 à 13:35
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Et ils vont aller où les gens virés de leur logement social (je ne parle pas des fonctionnaires de la mairie de Paris payés 10000 euros par mois pour saccager Paris et qui bénéficient d'un logement social) ? Le marché de la location privée est compl...

le 12/04/2024 à 16:50
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C'est effectivement l'angle mort de la démagogie droitarde, virer les gens sans solution de repli sérieuse, virer des gens de HLM alors qu'il faut un salaire de cadre sup pour se loger dans le parc privé, virer de la fonction publique des profils aux...

à écrit le 12/04/2024 à 13:06
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La question du logement est le vrai révélateur de la paupérisation de la population car si on avait conservé les niveau d'éligibilité des années 70/80, plus de 90% des Français seraient éligibles, mais les HLM donnaient au méchants Gaulois une libert...

le 12/04/2024 à 14:03
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C'est vrai que ce n'est pas normal que 25% des logements soient sociaux. En enlevant 50% de propriétaires, cela représente la moitié du par locatif ! Les logements aidés doivent être réservés à 10% de la population, laissons faire le marché !

le 12/04/2024 à 15:03
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Les besoins de HLM augmentent car la mondialisation a eu pour effet d'entraîner un tassement des salaires à des niveaux voisins des 10% les plus pauvres, d'où la fameuse saillie de Hollande disant qu'en France on est riche à 4000€ nets mensuels car à...

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