Le PDG d'Arkema voit "difficilement une reprise avant 2010"

Trois ans après son introduction en Bourse, le groupe chimique se veut prudent mais serein face à la crise. Il reporte cependant d'un an son objectif de rentabilité 2010.

La Tribune - Vous publiez ce matin vos résultats 2008. Qu'en retenez-vous?

Thierry Le Hénaff : Nos résultats 2008 sont solides malgré un contexte économique au dernier trimestre très dégradé. Nous avons enregistré un chiffre d'affaires de 5,6 milliards d'euros, en recul de 0,7% par rapport à 2007. A taux de change et périmètre constants, il augmente cependant de 2,2%. Conformément à notre communication du mois de décembre 2008, notre marge d'Ebitda est très proche des 9% de l'an dernier. Cela démontre notre bonne résistance. Arkema conserve également un bilan très solide : notre endettement net est ressorti à moins de 500 millions d'euros , soit une fois l'Ebitda. C'est un atout indéniable en ces temps de crise. De plus, nous avons généré un flux de trésorerie libre positif sur l'année.

Quel a été l'impact de la crise?

Les neuf premiers mois de l'année ont été conformes à nos prévisions d'activité. Mais nous avons connu mi-octobre, puis mi-novembre une chute brutale de la demande sur nos marchés, accompagnée d'importants déstockages. Au quatrième trimestre, les baisses de production ont atteint 20% en volume, soit 10% du chiffre d'affaires. Certains marchés ont cependant bien résisté, comme la nutrition animale, l'énergie ou le traitement de l'eau.

Comment se sont comportées vos différentes activités ?

En chimie industrielle (45% des ventes), nous avons enregistré une forte hausse du résultat porté par les produits fluorés et la thiochimie (soufre). Les débouchés de cette branche vont de l'automobile aux revêtements ou à la détergence, et les lancements de nouveaux produits ont porté leurs fruits. Les produits vinyliques en revanche (25% des ventes) ont connu un net recul. Le prix de l'éthylène, matière première principale du PVC, utilisé dans l'automobile et la construction, s'est envolé et nous avons eu des difficultés à augmenter nos prix de vente. Enfin, la marge opérationnelle des produits de performance (un tiers du chiffre d'affaires) est restée stable, malgré la forte baisse d'activité sur le marché des polymères en fin d'année (polyamides notamment). Il s'agit là d'une belle performance au regard de celles de nos concurrents.

Comment a évolué l'activité par zone géographique ?

C'est l 'Asie qui a tiré la croissance jusqu'en octobre. Mais nous avons connu un net fléchissement à partir de novembre. Les Etats-Unis ont souffert des difficultés du marché de la construction puis de l'écroulement de l'industrie automobile. En Europe, le recul a été d'une moindre amplitude.

Etes-vous parvenus à compenser la hausse des matières premières par des hausses de prix ?

Nous avons passé des hausses de prix moyennes de plus de 8% l'an dernier. Dans les produits de performance et la chimie industrielle (3/4 du chiffre d'affaires), elles ont compensé la hausse des matières premières. Cela n'a pas été le cas pour le PVC.

Arkema a été introduit en Bourse en mai 2006. Trois ans plus tard, où en est le groupe ?

Nous sommes au rendez-vous et nous pouvons être fiers du travail accompli depuis trois ans. Nous avons réalisé l'ensemble des engagements communiqués lors de notre introduction en bourse. Notamment, la croissance moyenne de l'Ebitda de 10 à 15% par an entre 2005 et 2008 est ressortie à 12% malgré un manque à gagner de 100 millions d'euros dû à l'environnement économique. Un ratio d'endettement inférieur à 40% des fonds propres : il est de 25% à fin 2008. Enfin, notre besoin en fonds de roulement (BFR) devait rester contenu à 20% du chiffre d'affaires 2008, il a représenté 18,7% des ventes.

Concernant l'objectif de 12% de marge d'Ebitda en 2010 défini dans un environnement normalisé, ces conditions normalisées sont attendues plutôt en 2011. Nous gardons aussi notre objectif de 550 millions d'euros d'économies de frais fixes sur la période 2005-2010. Cela veut dire 220 millions d'économies sur 2009-2010. C'est ambitieux mais réalisable. En 2005, six point de marge d'Ebitda nous séparaient de la moyenne de l'industrie, aujourd'hui nous avons ramené notre retard à trois points.

Comment envisagez-vous l'année en cours ?

Le contexte restera très difficile. Le premier trimestre ne montre aucune amélioration par rapport au dernier trimestre 2008, avec toujours des déstockage chez nos clients : l'électronique et l'emballage ont notamment pris le relais de la construction et de l'automobile. La chimie, c'est l' "industrie de l'industrie" et donc un indicateur avancé de la crise mais aussi de la sortie de crise.

Justement, quand voyez-vous cette reprise ?

Nous ne connaissons ni la durée ni la profondeur de la crise. Mais je vois difficilement une reprise avant 2010. Dans l'intervalle, nous nous appuierons sur nos meilleurs atouts, notre structure financière solide , la rapidité de notre transformation et notre capacité d'innovation . Nous donnerons la priorité à la gestion du cash. En 2009, nous visons une amélioration de plus de 100 millions d'euros de notre BFR et une génération de cash-flow positive.

Quels sont vos objectifs opérationnels pour cette année ?

Compte tenu du manque de visibilité, nous ne souhaitons pas donner d'objectifs de résultats pour 2009. Pour autant, nous continuons à investir pour préparer l'après-crise. Ainsi, nos projets en Chine sont maintenus : nous souhaitons faire de notre site de Changshu, près de Shanghai, le troisième site mondial d'Arkema. Nous voulons aussi réaliser 250 millions de chiffre d'affaires (contre 25 aujourd'hui) dans les polymères très haute performance, des produits à forte valeur ajoutée dont les prix sont jusqu'à dix plus chers que les polymères classiques. Nous sommes persuadés que l'innovation est un antidote à la crise actuelle car elle permet à nos clients de se différencier.

Vous aviez réduit la production de vos usines en fin d'année dernière. Envisagez-vous des suppressions de postes ?

Nous avons déjà fait passer nos effectifs de 19.000 postes début 2005 à 15.000 l'an dernier. Aujourd'hui, nos usines tournent entre 70 et 90% de leurs capacités. Nous continuerons cette année à nous adapter en fonction de la demande. S'il y a des réponses fortes et rapides à apporter, nous le ferons, mais il faut aussi continuer la transformation à plus long terme du groupe.

Dans le contexte actuel, êtes-vous touijours à la recherche d'acquisitions ?

Ce n'est pas la priorité actuelle. Si nous avons assez de flexibilité pour le faire, nous étudierons les opportunités d'acquisitions de petite taille comme celles réalisées l'an dernier dans les polymères haute performance : GEO (23 millions d'euros) ou OPM (1,5 million d'euros) .Il nous reste encore par ailleurs des cessions de petites lignes d'activité à effectuer.

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