Prêt à investir un demi-milliard en France, Futerro regrette de passer « sous les radars de Paris »

Le belge Futerro vient de lancer la concertation qui doit le conduire à investir 500 millions d’euros dans la construction, près du Havre, d’une bioraffinerie de PLA : un plastique fabriqué à partir de matières végétales. Ses dirigeants regrettent de ne pas avoir été conviés au dernier sommet Choose France de Versailles qui a déroulé le tapis rouge aux investisseurs étrangers.
L'amidon de blé sera transformé en pellets de plastique, utilisables comme ceux issus du pétrole.
L'amidon de blé sera transformé en pellets de plastique, utilisables comme ceux issus du pétrole. (Crédits : DR)

A t-elle échappé aux antennes de l'Elysée ? Filiale du groupe sucrier belge Galactic, Futerro ne figurait pas parmi les invités de la grand-messe macronienne des investisseurs étrangers. L'entreprise wallonne vient pourtant de franchir la première marche préfigurant un investissement de belle taille dans l'Hexagone. Plus précisément au sein du complexe industriel de Port-Jérôme, en Seine-Maritime. En visite sur place en milieu de semaine, son PDG a donné le coup d'envoi de la consultation publique devant déboucher sur la construction de « la première bioraffinerie de PLA (un plastique biosourcé ndlr) entièrement intégrée au monde » -telle que la présente ses concepteurs.

Prêt à dépenser 500 millions d'euros dans cette affaire, Frédéric Van Gansberghe a manifestement été un peu vexé de n'être pas convié à Versailles bien qu'il se défende de « chasser les subsides publics ».

« Je trouve dommage que le projet qu'on va monter passe sous les radars de Paris, a t-il commenté placidement devant les journalistes. C'est oublier qu'il incarne le tout début de la chimie verte qui doit remplacer la pétrochimie ».

Du blé au plastique

Le projet en question découle des trente années de recherche menées par Futerro autour du PLA (acronyme de PolyLactic Acid) avec le soutien du français Total qui en fut l'un des fondateurs et actionnaires avant de décider de faire cavalier seul.

Pour rappel, l'acide polylactique qui est présent dans notre organisme est obtenu par la fermentation du sucre ou de l'amidon contenus dans un végétal (betterave, canne à sucre, maïs...). Il est  ensuite polymérisé pour obtenir une matière transparente et rigide modelable comme ses équivalents pétrosourcés. Recyclable et biodégradable, il peut entrer dans la fabrication d'emballages, de pièces rotomoulées voire de textiles, l'une des pistes privilégiées par Futerro. « Notre ambition est de refaire des fibres similaires au coton », indique son PDG.

Deux ans après avoir construit une usine en Chine -grosse consommatrice de PLA- d'une capacité de 100.000 tonnes, la firme belge, qui figure parmi les 4 grands acteurs mondiaux de la spécialité, tente donc sa chance sur le Vieux continent. Le futur site normand devrait produire 75.000 tonnes de PLA à partir de 300.000 tonnes d'amidon de blé « cultivé localement », précise l'entreprise. Outre ses unités de fermentation et de polymérisation, il sera le premier à abriter dans ses murs une installation de recyclage moléculaire. Le tout alimenté par une chaudière au gaz qui devrait fonctionner avec « 10 à 15% » de biogaz produit en interne. « Nous avons regardé une option au bois mais la ressource est trop en tension », explique Frédéric Van Gansberghe pour justifier le recours à une énergie carbonée.

Deux usines en projet

L'usine, où sont promis 250 emplois directs et 900 indirects, devrait être mise à feu en 2026. Soit deux ans après l'unité de fabrication de PLA qu'exploitera la co-entreprise  TotalEnergies/Corbion au sein de l'ex raffinerie de Grandpuits (Seine et Marne). Si ces deux projets arrivent à leur terme, la France produira quelque 175.000 tonnes de PLA avant la fin de la décennie. Restera aux deux groupes, hier partenaires aujourd'hui concurrents, à convaincre les utilisateurs du Vieux continent de prendre le virage. Jusqu'ici ceux-ci se montrent peu friands de ce plastique biosourcé qui reste cantonné à des marchés de niches comme ceux des filaments d'impression 3D ou des fils de suture résorbables.

Les dirigeants de Futerro attendent donc beaucoup du parlement européen qui discute en ce moment d'un nouveau règlement (dit PPWR) pour encadrer les emballages et les déchets d'emballage. Ils espèrent que Bruxelles imposera aux industriels un taux d'incorporation de biopolymères de l'ordre de 20 à 30% dans la composition des barquettes, pots et autres contenants. « Pour l'instant, cette disposition a disparu de la proposition de texte au profit de la notion de polymères innovants qui ne veut rien dire. Nous souhaitons qu'elle soit réintroduite », souligne Frédéric Van Gansberghe. C'est une autre raison pour laquelle l'intéressé aimerait apparaître dans les radars de l'Elysée.

Un belge à la chasse aux hectares

La France n'est pas la seule à connaître des difficultés d'accès au foncier industriel. A preuve. Avant de jeter son dévolu sur un terrain de 20 hectares situé en bord de Seine sur la commune de Lillebonne (Seine-Maritime), Futerro a tenté de poser ses valises à proximité de son siège wallon, sur les zones industrialo-portuaires du Benelux. Las. Ils ont dû y renoncer, faute de terrain disponible.  « Comme nous avons besoin d'un accès à l'eau pour l'acheminement des matières premières, nous avons cherché à Gand, Anvers et Rotterdam  sans succès », confirme son PDG.

Finalement, c'est donc le complexe industriel de Port-Jérôme qui a emporté la partie sur proposition de Business France. Devant la presse, Frédéric Van Gansberghe s'est félicité d'y avoir trouvé un environnement favorable. « Son savoir-faire en pétrochimie et la présence à proximité du port du Havre et de nombreuses installations agricoles constituent un terroir parfait pour passer à la biochimie ». De l'or noir à l'or vert en somme.

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Commentaires 6
à écrit le 19/05/2023 à 19:13
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bienvenue à nos amis BELGES!! santé bonheur !! un ch'ti culturellement proche j' espère que la taille du pays ou la langue d' origine ne rentre pas dans les indicateurs des grilles excel...de l' elysée...

à écrit le 19/05/2023 à 19:13
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bienvenue à nos amis BELGES!! santé bonheur !! un ch'ti culturellement proche j' espère que la taille du pays ou la langue d' origine ne rentre pas dans les indicateurs des grilles excel...de l' elysée...

à écrit le 19/05/2023 à 18:30
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C'est plus "Choose France by default" because ailleurs pas de terrains. Il serait interessant de verifier si les projets qui choisissent la France sont en moyenne plus consommateurs de terrain et moins créateurs d'emploi que ceux qui choisissent l'A...

le 19/05/2023 à 19:13
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"sont en moyenne plus consommateurs de terrain" ça dépend de la taille des installations, la giga-usine de batteries Tesla en Allemagne doit consommer autant d'eau que la ville à côté, ça pose problème (infrastructures, etc). Une partie des choose Fr...

à écrit le 19/05/2023 à 18:29
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C'est plus "Choose France by default" because ailleurs pas de terrains. Il serait interessant de verifier si les projets qui choisissent la France sont en moyenne plus consommateurs de terrain et moins créateurs d'emploi que ceux qui choisissent l'A...

le 19/05/2023 à 19:17
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"ça confirmerait que nous ne sommes pas compétitifs" c'est une évidence, nous sommes NULS ! (une boutade britannique dit que même si nous (les français) ne travaillions que 4 jours par semaine, on produirait plus que les GB en une semaine de 5 jours)...

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