Toujours au ralenti, l'industrie chimique française se montre pessimiste pour 2024

« La chimie en Europe est en net décrochage par rapport au reste du monde et à la plupart des autres secteurs industriels », a affirmé la fédération professionnelle de la chimie, qui tenait son assemblée générale annuelle lundi. En cause notamment : la flambée des prix de l'électricité et la faible demande en Europe.
En 2024, la croissance de la production chimique française « pourrait se limiter à 1% », souligne l'association France Chimie, dans un communiqué diffusé lors de son assemblée générale ce mardi à Paris.
En 2024, la croissance de la production chimique française « pourrait se limiter à 1% », souligne l'association France Chimie, dans un communiqué diffusé lors de son assemblée générale ce mardi à Paris. (Crédits : iStock)

Flambée des prix du gaz, incertitude sur les tarifs de l'électricité, concurrence de la Chine et des Etats-Unis, faible demande européenne, renforcement des exigences réglementaires : la chimie connaît une crise « inédite » et s'affiche pessimiste pour 2024, alerte ce mardi l'organisation professionnelle France Chimie.

« La chimie en Europe est en net décrochage par rapport au reste du monde et à la plupart des autres secteurs industriels », indique le lobby français de la chimie, qui représente 4.000 entreprises en France et anticipe une année 2024 « sans souffle après le recul de 2023 ». La croissance de la production en volume en France en 2024 « pourrait se limiter à 1% », souligne l'association dans un communiqué diffusé lors de son assemblée générale à Paris.

Une baisse de 40% des investissements de croissance

L'industrie chimique française anticipe pour cette année une baisse de 40% des investissements « de croissance » au profit des investissements « réglementaires ou de maintenance » (+20%). De sorte que, selon un baromètre interne projeté lors de l'assemblée générale, 46% prévoient un report de leurs investissements en France, et 30% un arbitrage en faveur des sites de production dans d'autres pays.

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Par ailleurs, une « large majorité des entreprises se préparent à des mesures structurelles d'économie », a souligné Frédéric Gauchet, président de France Chimie lors d'une rencontre avec la presse. Ainsi, 85% des adhérents de France Chimie anticipent des plans de réduction des coûts, selon le même baromètre. Et d'après ce sondage interne, l'assombrissement des perspectives du secteur est très prégnant. En effet, 56% des entreprises interrogées s'affichent  pessimistes pour l'année à venir, contre 50% en décembre et 42% en septembre dernier.

La faible demande et le prix de l'énergie européenne en cause

Le taux d'utilisation des capacités industrielles de la chimie européenne est d'environ 74% « depuis cinq trimestres », ce qui est « insuffisant pour assurer sa rentabilité », déplore de surcroît Frédéric Gauchet. D'après lui, il s'agit d'une durée plus longue que celle de la crise sanitaire et que la crise financière de 2008.

Pour expliquer cette dépression du secteur, le cadre souligne à la fois des « causes conjoncturelles » comme la faible demande européenne, mais également structurelles comme des prix européens de l'énergie « supérieurs au reste du monde ».

D'ailleurs, selon la dernière grande consultation des entrepreneurs réalisée par OpinionWay, paru début mars, 71% des entreprises tricolores sont touchées par cette hausse du coût de l'énergie. Sur le total des sondés, 41% des répondants affirment même que l'impact de cette hausse est important.

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« Ce contexte défavorable est aggravé par la politique d'investissement agressive de la Chine qui conduit à des surcapacités mondiales sur de nombreux segments, et par le bond attendu des investissements industriels aux Etats-Unis subventionnés par l'Inflation reduction act (IRA), ce qui pourrait accroître le retard de compétitivité en Europe », ajoute la fédération France Chimie.

La chimie française plus résiliente qu'outre-Rhin

La chimie française semble un peu « mieux résister » qu'en Allemagne, grâce au secteur des parfums et cosmétiques, en hausse de 15% depuis 2021, et à la meilleure tenue des spécialités chimiques (-4% contre -13% en Allemagne).

Mais ces chiffres « masquent un décrochage de la chimie de base » en France comme dans les autres pays européens, notamment « la pétrochimie, la chimie minérale et les polymères » (plastiques, ndlr) qui souffrent d'une « perte de compétitivité, aggravée par la pression d'une concurrence internationale pas toujours soumise aux mêmes exigences réglementaires » (« polluants éternels », pesticides, plastiques...).

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En France, France Chimie, qui bataille contre EDF et sa politique commerciale, place en tête de ses revendications « une électricité bas carbone à un prix compétitif dans un contexte où la prochaine régulation du nucléaire se doit de préserver l'attractivité du territoire France ».

En matière de décarbonation, les industries installées dans la « Vallée de la Chimie », dans la périphérie de Lyon sont un exemple à citer. Elles ont récemment lancé un plan visant à réduire de 40 % leurs émissions de GES d'ici à 2030, puis de 80 % en 2050. Pour y arriver, les industriels locaux envisagent de mutualiser leurs coûts et investir dans des sources d'énergie plus propres et moins onéreuses que le pétrole ou le gaz. Notamment l'hydrogène vert, le biogaz ou encore le solaire.

Le pétrolier ExxonMobil se déleste d'une partie de ses sites en France

Jeudi de la semaine dernière, le géant pétrolier américain ExxonMobil une réduction de ses activités à Port-Jérôme (région Normandie), qui « devrait entraîner la suppression de 677 emplois », ainsi qu'un projet de vente, via sa filiale Esso France, de la raffinerie de Fos-sur-Mer et de dépôts de carburants dans le sud de la France à un consortium suisse.

Pour expliquer les difficultés de son site de pétrochimie, ExxonMobil a notamment évoqué des facteurs conjoncturels comme « les coûts opératoires et énergétiques plus élevés en Europe qui le rendent non compétitif ». Cette réorganisation des activités d'ExxonMobil en France s'inscrit dans un contexte de difficultés pour les employés des plateformes pétrolières françaises. En plus du prix élevé de l'énergie européenne, le recul de la demande de produits pétroliers, avec un chauffage au fioul en perte de vitesse et l'électrification progressive du parc automobile, fait partie des causes expliquant cette perte de vitesse.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 17/04/2024 à 8:52
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Une bonne nouvelle qui on l'espère ira jusqu'à sa disparition. L'espoir fait vivre oui et pour vivre il ne faut plus leur chimie.

à écrit le 17/04/2024 à 8:49
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L'énergie est le coût principal pour la majorité des industriels petits ou grands mai aussi après le loyer ou crédit pour les particuliers. La grande inertie de nos politiques pour remettre à plat système du coût du mégawatt est la pire des incompéte...

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