
"Aujourd'hui", Ardian "ne travaille pas à un projet de contre-OPA" par rapport à celui présenté à l'Autorité des marchés financiers le 8 février par Veolia afin d'acquérir la totalité du capital de Suez. La présidente du fonds français, Dominique Senequier, l'a affirmé mercredi 17 février devant les commissions "de l'aménagement du territoire et du développement durable" et "des affaires économiques" du Sénat, qui l'entendaient dans le cadre des travaux du comité de suivi du projet de fusion de Veolia avec Suez.
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Au contraire, Ardian serait favorable à la nomination d'un médiateur, afin de trouver une issue au conflit qui oppose les deux leaders français de l'eau et des déchets depuis la publication par Veolia de son projet, le 30 août, puis le rachat, le 5 octobre, de 29,9% des parts de Suez à Engie. Une solution récemment prônée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, soutenue par plusieurs parlementaires et acceptée par Suez, mais sur laquelle Veolia ne s'est pas encore prononcé.
"Pas de meilleur avenir pour Suez que celui qu'elle s'est choisi"
Ardian, qui - avec le fonds américain GIP - a adressé le 17 janvier une lettre d'intention au Conseil d'administration de Suez, en promettant de le soutenir dans la recherche d'une issue amicale avec Veolia, reste en effet "prêt à accompagner Suez dans une solution négociée", malgré l'OPA hostile finalement présentée par Veolia. Ce choix a surpris Dominique Senequier, puisque le PDG de Veolia, Antoine Frérot, l'avait appelée le 2 février pour solliciter son soutien dans des discussions amicales avec Suez, avant de rencontrer le DG de Suez Bertrand Camus le 5 février, a expliqué la présidente d'Ardian aux sénateurs. Le fonds affirme toutefois garder deux convictions.
"Il existe une "voie permettant de garder un Veolia et un Suez puissants et mieux armés pour investir et se développer, en les recentrant chacun sur leurs points forts".
Et "iI n'y a pas de meilleur avenir pour Suez que celui qu'elle s'est choisi elle-même", selon Dominique Senequier, pour qui sa vision stratégique à l'horizon 2030 semble solide et "pertinente".
Un accord indispensable
Le soutien d'Ardian reste toutefois soumis à plusieurs conditions : la préservation d'une capacité de recherche et développement permettant à Suez de continuer de poursuivre sa vision, ainsi que le soutien de ses parties prenantes. En tirant les enseignements de son échec dans le troisième acteur de l'eau français, la Saur, dont Ardian était actionnaire lorsqu'en 2013 celui-ci a été repris par ses créanciers, le fonds insiste néanmoins sur la nécessité que Suez - bien que centré en France - garde un relais de croissance à l'international :
Le marché français de l'eau est "mature et en décroissance structurelle", a rappelé le responsable d'Ardian Infrastructures, Mathias Burghardt.
A propos du périmètre qui pourra être négocié avec Veolia, Ardian s'est également dit "surpris" par les actifs de Suez auxquels Veolia dit ne vouloir absolument pas renoncer, qui représentent 30% du chiffre d'affaire de sa cible (4,6 milliards d'euros) :
"A quoi bon une opération hostile sur 100% du capital si on est intéressé seulement à 30%?", s'est interrogée Dominique Senequier, en soulignant par ailleurs qu'aucun des actifs français n'est considéré par Veolia comme stratégique.
Mais la recherche d'un périmètre "viable" ne dépend pas d'Ardian, a-t-elle admis, et dépend de la principale condition du soutien du fonds : soit la conclusion d'un accord entre Suez et Veolia. "Nous ne croyons pas à un capitalisme hostile", a souligné Dominique Senequier, en insistant sur le fait que les entreprises ne sont pas des "concepts", mais des "collectivités", et que la majorité des fusions, notamment celles hostiles, ne réussissent pas.
"Nous sommes part de la solution, et pas du problème", a insisté le responsable d'Ardian Infrastructures, Mathias Burghardt.
Un projet "à long terme"
Ardian, a également insisté devant les sénateurs sur sa capacité d'accompagner des "champions français" de l'industrie "à long terme", via des fonds à 15 ans dans le secteur des infrastructures, voire la possibilité de créer des "fonds de continuation" permettant de détenir des sociétés stratégiques au-delà de ce délai.
"Meridiam (le fonds auquel Veolia compte céder Suez Eau France en cas de fusion, afin de répondre aux exigences de la concurrence, ndlr) n'a pas le monopole de l'investissement à l'échelle de 25 ans", a lancé Dominique Senequier.
Quant à GIP, censé intervenir à parité avec Ardian aux côtés de Suez, il pourrait soutenir l'entreprise française dans son développement aux Etats-Unis, où elle investit déjà 40% de ses capitaux, a expliqué Mathias Burghardt. Le fonds français et celui américain ont des visions proches en matière industrielle et de RSE, et ont déjà été coactionnaires, ajoute Ardian, en affirmant croire dans les avantages d'une gestion partenariale par rapport au contrôle unique dans le domaine des infrastructures. Sans compter que les entreprises françaises cotées en Bourse, dont Veolia, sont déjà largement détenues par des fonds étrangers, a souligné Dominique Senequier, en répondant ainsi aux critiques d'Antoine Frérot vis-à-vis de l'intervention d'un fonds étranger.
Meridiam veut aussi créer un "acteur international"
Auditionné également mercredi matin au Sénat, le fonds Meridiam a lui aussi assuré sa volonté de faire de Suez Eau France, qu'il compte racheter à Veolia, un "acteur international" apte à jouer le rôle de concurrent autonome de Veolia. Toutes les capacités de recherche et de développement de Suez seront transférées à la nouvelle entité, le projet sera porté avec le management et les salariés de Suez, et la dette sera maintenue à un niveau soutenable pour ne pas obérer ses capacités d'investissement, a promis Thierry Déau, président et fondateur de Meridiam, qui a également répété son engagement à maintenir tous les emplois pendant 5 ans.
Alors que la guerre judiciaire entre Suez et Veolia fait rage et que l'examen des autorités de la concurrence pourrait prendre encore plusieurs mois, il a affirmé vouloir profiter de ce temps pour continuer de "discuter avec le corps social" de Suez.
"Nous avons besoin de leur soutien", a-t-il déclaré.
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