
Il ne faut plus parler du projet Hercule, mais du Grand EDF pour désigner la vaste réorganisation de l'énergéticien historique. Le projet Hercule, tel que présenté initialement à la Commission européenne, est désormais considéré comme caduc par le gouvernement français, qui estime qu'il n'offrait pas les garanties suffisantes pour assurer l'intégrité du groupe dont il détient 84% du capital, contrairement à ce que laissaient penser les précédentes déclarations de l'exécutif et de la direction d'EDF.
Le projet a donc été entièrement repensé, a-t-on appris ce mardi 11 mai, au lendemain d'un long entretien entre le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.
Objectif de ce nouveau projet : négocier sur la base d'un groupe intégré et non sur un groupe avec des entités en concurrence les unes avec les autres. Pour rappel, le gouvernement français et la direction d'EDF soutenaient le projet Hercule qui prévoyait une réorganisation de l'entreprise en trois entités pour lui donner plus de moyens d'investir dans le nucléaire et les énergies renouvelables, et satisfaire également aux règles de concurrence fixées par Bruxelles : EDF Bleu avec les activités nucléaires et le réseau de transport RTE, EDF Vert avec les activités commerciales, de distribution et les renouvelables et EDF Azur, avec les concessions hydrauliques. Malgré ces trois entités distinctes, la France insistait sur le fait qu'EDF devait rester un groupe "intégré" avec une direction et une stratégie uniques.
Garantir les flux humains et financiers
Dans le détail, la nouvelle mouture du projet du gouvernement doit, elle, permettre de garantir l'intégrité du groupe en matière de ressources humaines, en autorisant, par exemple, qu'un dirigeant venant du nucléaire soit nommé à la direction des énergies renouvelables. Mouvement qui n'aurait pas été possible dans la version initiale du projet. Outre le flux des personnes entre les différentes entités du groupe, l'exécutif défend aussi la libre circulation des flux financiers, tandis que la version précédente, telle qu'interprétée par Bruxelles, interdisait de transférer les bénéfices d'une entité à une autre qui en aurait besoin, comme les renouvelables. Le projet du Grand EDF doit également assurer une gouvernance commune, notamment en matière de trading.
Ce nouveau projet, défendu par l'exécutif, s'éloigne donc de la vision défendue par la Commission européenne, qui voulait "l'éclatement d'EDF", selon le PDG du groupe, Jean-Bernard Lévy. Depuis le début des négociations, cette dernière se positionne, en effet, pour une mise en concurrence libre et absolue entre l'hydroélectrique, le nucléaire et les énergies renouvelables, avec une étanchéité totale entre les différentes entités du groupe.
Un bras de fer encore plus ardu
Ces deux visions radicalement opposées ont-elles une chance de se rapprocher ? Sous ce nouveau prisme, le bras de fer entre le gouvernement et Bruxelles, déjà initié depuis de long mois, s'annonce bien plus ardu. Alors que le gouvernement ne veut pas s'enfermer dans un calendrier qui le conduirait à négocier sous la pression, les chances de voir la réorganisation d'EDF aboutir avant les prochaines élections présidentielles paraissent très minces. En attendant, les négociations techniques se poursuivent et un prochain rendez-vous avec Margrethe Vestager est prévu début juin.
"Le projet du grand EDF est un projet stratégique pour la nation française. Il permet de garantir le financement de l'axe stratégique du nucléaire et le développement massif et rapide d'EDF sur les renouvelables. C'est un atout stratégique pour notre pays car un de nos atouts c'est d'avoir une électricité disponible en volumes suffisants, décarbonée et à un prix stable. Nous voulons conforter cet actif pour les décennies qui viennent. Nous voulons bâtir un grand EDF pour le 21e siècle", fait-on valoir du côté de Bercy.
S'il doit apporter plus de clarté et de sécurité aux salariés d'EDF et auprès des Français pour les convaincre de la nécessité d'une réorganisation, ce revirement dans les négociations sonne aussi comme un aveu. Celui que le projet Hercule aurait pu conduire à un démantèlement du groupe, comme le redoutent les syndicats depuis de nombreux mois. Longtemps tenus à l'écart des négociations, ces derniers devraient jouer un rôle plus important dans les semaines, voire mois, à venir. Ils ont, eux aussi, rendez-vous au début du mois de juin avec Bruno Le Maire.
Le durcissement de la position française intervient alors qu'EDF et la France font le forcing pour que le nucléaire soit inclus dans la taxonomie verte européenne, qui doit conditionner l'accès aux financements et donc les investissements pour de nombreuses années.
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