Énergie : le GNL compensera le gaz russe cet hiver en Europe, mais 2023 s'annonce compliqué

L'Europe a fait le choix de se passer des énergies russes, notamment du gaz. Ses achats sont passés de 191 milliards de mètres cube en 2019 à 90 milliards cette année, et sans doute 38 milliards l'an prochain, prévoit le cabinet Wood Mackenzie. Pour s'approvisionner, c'est donc vers le gaz naturel liquéfié (GNL) que les pays européens se sont tournés, entrant ainsi dans un véritable bras-de-fer avec l'Asie pour s'arracher des cargaisons provenant des États-Unis, du Qatar ou d'ailleurs. Une rivalité qui va se poursuivre en 2023.
D'après le think-tank Bruegel, la baisse de consommation de gaz des ménages et des entreprises dans l'Union européenne est de l'ordre de 25% en octobre par rapport à 2019-2021.
D'après le think-tank Bruegel, la baisse de consommation de gaz des ménages et des entreprises dans l'Union européenne est de l'ordre de 25% en octobre par rapport à 2019-2021. (Crédits : DADO RUVIC)

Des millions d'Européens ont vu leur facture de gaz monter en flèche depuis le printemps 2022, conséquence directe de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et de la fermeture progressive des gazoducs russes vers l'Europe.

Si des pays comme l'Espagne et la France ont gelé les tarifs pour les consommateurs, d'autres comme la Belgique ont plus ou moins laissé les fournisseurs répercuter la hausse sur leurs clients. « J'ai un peu paniqué », raconte Sofie, propriétaire de sa maison mal isolée de 90 mètres carrés à Oostduinkerke, chauffée par une chaudière au gaz. Elle payait 120 euros par mois avant la guerre pour gaz et électricité. Sa facture est depuis passée à 330 euros. Si bien que, désormais, elle surveille sa consommation, chauffe à 18°C, et se renseigne pour installer panneaux solaires et double vitrage...

Comme Sofie, une nouvelle génération de Belges, de Français ou d'Italiens a perdu en 2022 son insouciance énergétique et appris à surveiller ses radiateurs. Dans l'ancien monde, le gaz était abondant et pas cher. Son prix de référence sur le marché européen variait peu, autour de 20 euros le mégawattheure. Cette année, il est monté jusqu'à 300 avant de retomber vers 100 euros. « Je n'ai jamais connu de période aussi chaotique », confie à l'AFP Graham Freedman, analyste au cabinet Wood Mackenzie, qui ausculte depuis 40 ans le marché du gaz naturel.

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Du GNL pour compenser le gaz russe

À cause des prix fous, certaines usines ont dû s'arrêter. Particulièrement dans la chimie allemande, l'un des principaux consommateurs de gaz du pays.

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Pour autant les réserves européennes ont pu être remplies en totalité cet été avec les derniers mètres cube de gaz russe, et personne n'a subi de coupure. « Jusqu'à février, l'idée même que l'Europe s'en sorte sans énergie russe paraissait impossible », se souvient Simone Tagliapietra, du think-tank Bruegel à Bruxelles. « L'impossible est devenu possible ». Les Européens ont aussi eu de la chance : la douceur de l'automne a retardé l'allumage des chaudières.

Quoi qu'il en soit, la baisse de consommation des ménages et des entreprises dans l'Union européenne est exceptionnelle, de l'ordre de 25% en octobre par rapport à 2019-2021, calcule Bruegel. La moitié des Allemands ont des chaudières au gaz, et leur baisse de consommation est « extrême, énorme », confirme Lion Hirth, professeur de politiques énergétiques à la Hertie School à Berlin. Il y voit la volonté de « ne pas payer Poutine », autant que de réduire les factures. En quelques mois, la Russie a ainsi perdu son premier client gazier, l'Europe. Les achats sont passés de 191 milliards de mètres cube en 2019 à 90 milliards cette année, et sans doute 38 l'an prochain, prévoit Wood Mackenzie.

Il a alors fallu compenser par ce GNL que l'UE délaissait autrefois puisqu'il était plus cher. Avec un effet pervers. « L'Europe s'est mise à payer plus cher que l'Asie pour le gaz, et des pays comme l'Inde et le Pakistan n'ont pas pu rivaliser », souligne Graham Freedman. Conséquence climatique : faute de GNL, ces pays moins riches brûlent plus de charbon.

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Le nouveau rôle clé des gazoducs

Pour décharger le GNL des navires méthaniers, il faut des terminaux portuaires capables de le regazéifier et réinjecter dans les réseaux terrestres. L'Allemagne n'en avait aucun, la France et l'Espagne plusieurs. Ce qui donne un nouveau rôle aux gazoducs du nord-est de la France. Alors qu'ils servaient traditionnellement à importer du gaz de l'est, ils renvoient désormais vers l'est le gaz importé via Fos-sur-Mer ou Saint-Nazaire. Et pour la première fois vers l'Allemagne. « On renvoie beaucoup plus de gaz vers la Suisse », qui réexpédie ensuite vers Italie et Allemagne, explique à l'AFP Guillaume Tuffigo, de GRTgaz, qui gère les gazoducs français.

Pour l'hiver prochain, et les suivants, il n'y aura plus de gaz russe pour remplir les réserves. Plus l'hiver sera froid, plus il faudra acheter de GNL à partir du printemps... et plus « le combat » entre Europe et Asie s'intensifiera, indique à l'AFP Laura Page, spécialiste du gaz chez Kpler. Et Graham Freedman d'abonder : « Il n'y a pas assez de gaz dans le monde pour remplacer le gaz russe ». Ce n'est que vers 2025 ou 2026 que les nouveaux projets de GNL produiront des millions de tonnes supplémentaires.

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(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 11/12/2022 à 14:43
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Je n'arrive pas à comprendre, pourquoi cet article ne site pas l'Espagne qui possède à elle seule 7 terminaux portuaires et un 8ème en construction, pays le plus important transformateur de GNL en d'Europe, le Portugal possède 1 seul terminal et la F...

à écrit le 07/12/2022 à 13:33
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" et de la fermeture progressive des gazoducs russes vers l'Europe." Logique ,qu'il le coupe, puisque l'UE n'en voulait plus du gaz russe

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