
Ce n'est pas un hasard si la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher s'est rendue, vendredi dernier, sur le site de Framatome au Creusot (Saône-et-Loire), site industriel historique de la métallurgie française dès le 18e siècle, devenu aussi à la fin des années 1950 le berceau des ambitions nucléaires françaises, pour annoncer cet investissement de 100 millions d'euros sur trois ans.
« Un nouvel atelier industriel de Framatome va être construit ici au Creusot », sur le site de Framatome, qui « permettra la relocalisation des pièces de haute précision auparavant fabriquées en Europe de l'Est », a déclaré la ministre en visant l'immense forge du leader du nucléaire, une des rares au monde capables de réaliser les pièces de grande taille indispensables aux centrales nucléaires.
Et d'ajouter :
« C'est l'une des seules forges au monde capables de réaliser les pièces de grande taille indispensables à la fabrication des réacteurs nucléaires », rappelait la ministre de la transition énergétique lors de sa visite.
C'est en effet sur ce site du Creusot que sont fabriquées les cuves des chaudières nucléaires. Des pièces monumentales dont certaines pèsent jusqu'à 400 tonnes et mesurent près de 13 mètres de hauteur.
Relocalisation de la fabrication des « internes de cuves »
Aujourd'hui, face aux enjeux de souveraineté énergétique, le groupe Framatome (14.000 collaborateurs à travers le monde, 4,12 milliards d'euros de chiffre d'affaires) relocalise, dans un nouvel atelier, la fabrication des « internes de cuve » auparavant sous-traitées en Europe de l'Est, notamment celles destinées aux deux EPR britanniques commandés à EDF pour les sites de Hinkley Point C et de Sizewell C.
Ces pièces sont destinées à la construction des futurs réacteurs nucléaires EPR 2, sachant que ceux-ci seront fabriqués « à un rythme de 1,5 par an », selon le gouvernement. Les premières livraisons seront effectuées mi-2026, soit à temps pour la livraison des six prochains EPR 2, dont les premières mises en service doivent avoir lieu d'ici à 2035.
L'enveloppe est répartie comme suit : 10 millions d'euros pour l'achat du bâtiment, 20 millions pour l'acquisition des équipements, 20 millions pour l'installation des machines, et entre 10 et 15 millions d'euros qui seront dédiés à la formation et à la qualification des opérateurs.
Les actionnaires de Framatome sont EDF à 75,5%, Mitsubishi Heavy Industries à 19,5% et Assystem à 5%. EDF étant elle-même détenue à 90% par l'État français.
En 2023, la filière nucléaire va réaliser 10.000 embauches
« Nous allons augmenter de 30 % notre production d'électricité nucléaire dans les prochaines années, avec le seul programme d'excellence d'EDF et la connexion de Flamanville, pour fournir aux Français une énergie bas carbone, compétitive et disponible à chaque instant », a rappelé Agnès Pannier-Runacher.
Une stratégie qui n'exclut pas pour autant le développement en parallèle des énergies renouvelables. La ministre de la Transition écologique a également précisé que « la filière du nucléaire devrait recruter 10.000 personnes cette année ».
De son côté, Framatome, lui, mise sur la création d'une centaine d'emplois sur trois ans. Une quinzaine de postes de chaudronniers et soudeurs sont déjà à pouvoir en ce début d'année 2023.
« Nous les recrutons aujourd'hui pour les faire monter en compétence et être prêts en 2026 lorsque la production démarrera », précise Laurent Gless, directeur du site Framatome au Creusot.
La standardisation, élément essentiel de la stratégie française
Afin d'éviter la même erreur qu'à Flamanville, le gouvernement mise sur la standardisation de ces nouveaux EPR 2. Framatome vient de livrer le projet britannique de réacteur EPR « Hinkley Point C », porté par EDF, et travaille toujours sur le deuxième EPR britannique, « Sizewell C ».
Même si, pour ces deux projets britanniques, Framatome sous-traitait les internes de cuves - ce qu'il ne fera plus pour les nouveaux réacteurs français -, le savoir-faire est quasi identique pour fabriquer les EPR 2.
« Standardiser les productions est essentiel car c'est ce qui va nous permettre de délivrer des composants en respectant les exigences de nos clients, tout en garantissant à la fois la qualité et le rythme de production », explique Bernard Fontana, Pdg de Framatome.
« L'idée est de faire un seul design français, et ensuite de le dupliquer », poursuit-il.
50.000 composants à sortir, dix ans de charge de travail
Pour Framatome, les six réacteurs attendus par le gouvernement à horizon 2035 représentent 50.000 composants à fabriquer, soit une charge de travail qui s'étalera sur une décennie.
Les gros composants de la chaudière nucléaire, tels que la cuve du réacteur, la tuyauterie primaire ou le générateur de vapeur, seront fabriqués, c'est-à-dire forgés et moulés, sur le site du Creusot, puis assemblés sur le site de Saint-Marcel, à 40 kilomètres de Chalon-sur-Saône.
Les composants mobiles des centrales nucléaires seront fabriqués sur le site de Jeumont, dans le Nord, et tous les assemblages liés aux combustibles seront réalisés sur le site de Romans-sur-Isère, en Auvergne-Rhône-Alpes.
Mme Pannier-Runacher a rejeté les critiques d'un passage en force de cette politique de relance alors que le projet de loi d'accélération du nucléaire n'est toujours pas approuvé par le Parlement. Il sera débattu à l'Assemblée nationale à partir du 13 mars, après avoir été (facilement) voté par le Sénat en janvier.
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