Le pionnier de l'hydrogène vert PowiDian veut changer d'échelle

Cette spin-off d’Airbus, spécialisée dans le stockage hydrogène et qui affiche plus de dix années de R&D, vient de lever des fonds auprès de Bouygues Construction. Un soutien financier qui se double d’un partenariat commercial, grâce auquel PowiDian entend mettre l’accent sur une nouvelle activité : la commercialisation de groupes électrogènes verts pour décarboner, entre autres, les chantiers.
Juliette Raynal
Grâce à sa technologie de stockage d'énergies renouvelables, Powidian permet de subvenir aux besoins en énergie des sites les plus isolés. Ici, un refuge dans le parc national de la Vanoise.
Grâce à sa technologie de stockage d'énergies renouvelables, Powidian permet de subvenir aux besoins en énergie des sites les plus isolés. Ici, un refuge dans le parc national de la Vanoise. (Crédits : Powidian)

Un refuge dans le parc national de la Vanoise, un dispensaire dans le cirque de Mafate sur l'île de la Réunion, un site pour le ministère de la Défense dans l'océan Indien, des habitations sur les îles norvégiennes de Froan. Tous ces sites isolés ont un point commun : aucun ne sont raccordés au réseau électrique (ou difficilement), mais tous sont autonomes en énergie grâce à la technologie de la start-up PowiDian, spécialisée dans le stockage des énergies renouvelables grâce à l'hydrogène. Cette start-up vient de boucler une levée de fonds, pour un montant non communiqué, auprès d'un acteur de poids : Bouygues Construction, via sa filiale de capital-risque Construction Venture, dont les prises de participation (sept depuis sa création en 2015) se limitent à 20% du capital.

Jusqu'à présent, PowiDian n'avait été soutenue financièrement que par Xerys, une société de capital-développement spécialisée dans les PME innovantes. Active dans les secteurs de la santé, le développement durable et les nouvelles technologies connectées, elle investit des tickets moyens compris entre 10 et 60 millions d'euros

L'hydrogène vert depuis 2009

PowiDian fait partie des pionniers de l'hydrogène vert. Officiellement fondée en 2014 par deux anciens de Cassidian (maintenant Airbus), elle voit le jour après quatre années de R&D menées dans le cadre du programme européen SAGE, lancé en 2010.

"A l'époque, tout le monde nous a traités de fous. Tous estimaient que l'hydrogène vert ne démarrerait jamais", se souvient Jean-Marie Bourgeais, président et cofondateur de PowiDian, aux côtés de Pierre Langer.

Les deux entrepreneurs, eux, croient en l'hydrogène propre. Ils conçoivent des stations de production d'énergie vertes et entièrement autonomes. Au départ, dans l'idée d'alimenter de manière fiable des réseaux de radio sécurisée. Ces stations fonctionnent à partir de différentes énergies renouvelables (solaire ou éolien par exemple) par nature intermittentes. Pour répondre à la problématique de stockage inhérente à cette caractéristique, PowiDian a développé deux réponses : pour le court terme, elle utilise des batteries lithium ion et, pour le plus long terme, l'hydrogène.

Dans le détail, l'énergie produite sur place est convertie en hydrogène grâce à un électrolyseur. Sous forme d'hydrogène, l'énergie peut alors être stockée en quantités importantes dans un espace restreint. Lorsque l'énergie est nécessaire, par exemple en l'absence prolongée de soleil ou de vent, l'hydrogène peut être reconverti en énergie et rendue disponible grâce à une pile à combustible.

Des stations autonomes et intelligentes

Outre la conception de la partie matérielle, PowiDian développe la partie logicielle qui permet de piloter à distance les différents composants des stations et de les faire communiquer entre eux. "Nous y ajoutons de l'intelligence artificielle pour augmenter la durée de vie des appareils", précise Jean-Marie Bourgeais. Les technologies d'apprentissage automatique utilisées permettent de mieux comprendre les phénomènes météorologiques et ainsi de décider, ou non, de la mise en marche des équipements, afin de ralentir leur vieillissement.

En parallèle de cette activité historique, l'entreprise technologique se développe sur deux autres axes : la vente de capacité électrique garantie et la commercialisation de groupes électrogènes à hydrogène, en alternative aux groupes traditionnels qui, eux, fonctionnent au gasoil. C'est ce segment qui a séduit Bouygues Construction, qui entend accompagner ses clients dans la décarbonation des chantiers.

Décarboner les chantiers

Le groupe de BTP vise plusieurs applications, dont les chantiers en ville.

"Les groupes électrogènes classiques provoquent des nuisances sonores et consomment du gasoil. Avec PowiDian, nous réduisons nos consommations ainsi que les nuisances. Nous allons aussi pouvoir aller sur des bâtiments passifs ou à énergie positive, ainsi que sur des sites industriels ou sur des îles. Ce sont autant de marchés pour nous que nous pouvons rendre plus autonomes en énergie", développe Julien Bourcerie, directeur open innovation de Bouygues Construction.

Ces groupes électrogènes composés d'une pile à combustible alimentée en hydrogène pourraient aussi intéresser l'univers de l'événementiel. Toutefois, ils restent aujourd'hui bien plus onéreux que les groupes électrogènes classiques. Le rapport est de l'ordre de 1 à 10. En revanche, leur durée de vie, selon PowiDian, est bien plus longue : 50.000 heures contre 15.000 pour les groupes au gasoil. Autre avantage : pas besoin de dimensionner le dispositif au pic de consommation, qui intervient lors du démarrage de la machine, puisqu'ici ce sont les batteries qui absorbent cette pointe sur un court laps de temps.

S'adosser à un groupe mondial

Grâce à ce nouveau partenariat commercial, l'entreprise technologique, encore déficitaire, espère bénéficier d'un réseau commercial mondial et ainsi accéder à des marchés difficiles d'accès pour une petite entreprise de 30 collaborateurs, répartis entre La Ville-aux-Dames (près de Tours) et à Élancourt, en région parisienne.

"Cette opération nous adosse à une entreprise qui veut accélérer dans l'hydrogène. En 2021, nous voulons faire exploser notre chiffre d'affaires. Nous espérons au moins le doubler tous les ans, voire plus", confie Jean-Marie Bourgeais sans divulguer toutefois le niveau de revenus de l'entreprise.

L'entrepreneur entend surfer sur le plan de 7 milliards d'euros sur dix ans dédié à l'hydrogène. "Cela change les perspectives de développement", estime-t-il, tout en restant prudent. "Il y a une bulle qui est en train d'exploser. Le soufflé va retomber un peu mais pas complètement. En revanche, ça n'ira pas aussi vite que tout le monde le pense", prévient-t-il.

Lire aussi : Fiscalité du BTP: l'alternative écologique au gazole non routier se fait attendre

Juliette Raynal

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