Quand le métro de Montréal trace ses usagers pour leur suggérer des achats ciblés

Dans la ville québecoise, les nouveaux préceptes du commerce connecté sont appliqués à la lettre sous la forme d'un service sur téléphone mobile proposant des coupons de remises géolocalisés et personnalisés.
Marina Torre
Pour son budget 2015, la STM a prévu un réduction des dépenses de 57 millions de dollars canadiens.

A Montréal, le commerce a pris depuis longtemps déjà ses aises sous terre pour mieux passer l'hiver. Il s'installe désormais dans la poche des usagers du métro. La Société de transport de Montréal (STM), qui gère le réseau de la métropole québécoise propose en effet une nouvelle forme d'espace publicitaire d'un genre nouveau à des années-lumières de la réclame placardée ou même que l'affichage vidéo.

Nouveaux codes du commerce digitalisé

Certes, elle prend la forme désormais quasi banalisée d'une application mobile. Mais celle-ci, baptisée "STM Merci", va plus loin qu'une aide à la navigation dans le réseau de transport. Elle conjugue géolocalisation, personnalisation, coupons de remises et récompenses. Bref, elle adopte ces nouveaux codes du commerce digitalisé qui ne manqueront pas d'être abondamment discutés par les professionnels du marketing réunis pendant trois jours à Paris dans le cadre du show consacré au numérique LeWeb14.

"Le client renseigne ses goûts dans l'application, il peut par exemple choisir l'opéra. Ce simple choix génère une facturation auprès des partenaires" proposant des services de billetterie, indique Frédéric Puche, responsable marché, technologies et mobilité chez SAP France qui a présenté cette application le 9 décembre à Paris, un peu plus d'un an après son lancement à Montréal.

Prochaine station: achat

 "Ensuite, poursuit-il, il peut choisir ou non de bénéficier d'un coupon puis choisir un restaurant pour lequel il bénéficiera d'une promotion". Pour se rendre du restaurant à l'opéra, un itinéraire en métro est calculé. C'est à ce moment là que le traçage prend tout son sens car si, sur le chemin ainsi calculé, sa route croise un autre commerce partenaire susceptible de lui offrir des produits correspondants à une éventuelle envie du moment, une autre incitation lui sera envoyée. En clair, entre le restaurant et l'opéra, "un fleuriste lui proposera par exemple une promotion", indique Frédéric Puche.

Le programme ne s'arrête pas là. Quand l'usager emprunte le métro, sa carte Opus (équivalent du pass Navigo à Paris) enregistre le nombre de ses déplacements. Et il est récompensé. Il cumule en effet des "arbres" sortes de points de fidélité, qui donnent accès à de nouvelles promotions. Des points s'acquièrent également en consommant les coupons de rabais proposés. Lesquels vont de 15% sur les billets pour le Barbier de Séville à quelques dollars de rabais sur des jeux vidéos en passant par une boîte de "trois pralines gratuite pour l'achat d'une bûche de Noël" chez un chocolatier. En tout, 340 commerçants sont partenaires.

Bien sûr le tout est accompagné "d'infolettres" (newsletter en franglais de France) adressées régulièrement par courriel et d'un blog régulièrement mis à jour pour informer plus généralement des promotions éventuelles. Et inciter les usagers à prendre le métro pour se rendre dans certains lieux de la ville pendant les période creuses. Pour assurer la continuité du service sous terre, les stations commencent à s'équiper d'antennes afin de pouvoir se connecter au réseau cellulaire.

"Magasiner en temps réel"

Le credo: "proposer le bon produit au bon moment et à la bonne personne", martèle Rachid Chennaf, directeur de la distribution chez SAP. Apparemment, il est partagé par une large majorité des directeurs marketings des grands groupes de distribution. Près des trois quarts (72%) sont en effet convaincus que leur priorité consiste à "veiller à ce que la demande des clients soit satisfaite rapidement", selon une enquête menée auprès de 150 décideurs du secteur par IDC pour Capgemini et SAP publiée à l'occasion de cette présentation ce 9 décembre. Le service montréalais, montré comme exemple, va même plus loin puisqu'il tend à devancer cette demande, grâce à des algorithmes prédictifs.

Côté sécurité des données privées, l'éditeur assure ne disposer que d'informations anonymisées. Reste à savoir si les Montréalais se montreront tout de même réticents face à l'intrusion d'un tel service, ou bien si cette formule de bons plans pour "magasiner" malin les fera courir après les pralines en chocolat. Pour l'heure "25.000 personnes ont téléchargé l'application" et "110 000 personnes sont membres du programme Merci via l'infolettre", indique Pierre Bourbonnière, directeur marketing de la STM.

12 milliards de dollars espérés

Pour l'heure la STM a "mis l'application mobile en pause" avant une reprise en 2015. Mais le site fonctionne toujours.  Pierre Bourbonnière ajoute dans un courriel:

 "Le programme fut un beau succès et nous a permis de développer une proposition de développement qui nous laisse croire à un potentiel de génération de revenu dépassant les 12 millions de dollars sur 3 ans (environ 8,5 milliards d'euros). Ceci inclus les revenus clients générés par de nouveaux déplacements et par des revenus autonomes issues de paiements par nos partenaires."

(article créé le 9 décembre 2014 et mis à jour le 10 décembre)

Marina Torre

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 11/12/2014 à 0:03
Signaler
Une nouvelle pollution.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.