Airbnb défie les hôteliers sur leur propre terrain

Invité à Paris pour parler taxe de séjour et entrepreneuriat, le Pdg d'Airbnb, Brian Chesky, en a profité pour distiller quelques pistes de développement qui ont de quoi effrayer les hôteliers. Visite guidée.
Marina Torre
Brian Chesky, co-fondateur d'Airbnb avec son acolyte de l'école de design de Rhode Island Joe Gebbia a l'habitude de raconter qu'il a trouvé ses premiers capitaux en vendant des boites de céréales à l'effigie de Barack Obama et John McCain pendant la campagne présidentielle de 2008.
Brian Chesky, co-fondateur d'Airbnb avec son acolyte de l'école de design de Rhode Island Joe Gebbia a l'habitude de raconter qu'il a trouvé ses premiers capitaux en vendant des boites de céréales à l'effigie de Barack Obama et John McCain pendant la campagne présidentielle de 2008. (Crédits : Reuters)

Au sommet d'un escalier majestueux éclairé aux couleurs de la ville, sous les dorures et les boiseries de ses plafonds peints, la mairie de Paris ouvre ses salons au patron d'Airbnb. Brian Chesky, de passage dans la capitale française ce 26 février, est surtout venu montrer patte blanche sur le versement de la taxe de séjour et la traque des "meublés touristiques".

Le Pdg de 34 ans était également invité à deviser sur son expérience et sa vision lors d'une rencontre avec de jeunes entrepreneurs baptisée "fireside talk" ("conversation informelle"), sur le modèle des bavardages radiophoniques du président Roosevelt dans les années 1930 - mais sans la cheminée. Ce qui lui a donné l'occasion d'esquisser l'avenir de sa plateforme de location. Et celle-ci réserve encore bien des (mauvaises) surprises aux professionnels de l'hôtellerie, qui lui reprochent déjà de marcher sur leurs plates-bandes.

Projet Blanche Neige

"Nous voulons être un jour capable d'offrir un service du début à la fin du voyage", a-t-il affirmé. "Dans le cadre d'un projet au nom de code Blanche Neige, raconte cet ancien designer fan de Walt Disney, nous avons réfléchi à ce que serait le voyage idéal en pensant à Paris". Et de souligner : "Les gens ne viennent pas à Paris pour séjourner dans une maison, ils viennent à Paris pour voir Paris."

Partant de ce constat, il a fait plancher ses équipe pour imaginer les services qui pourraient ainsi accompagner le voyageur à partir du moment où il prépare son voyage, jusqu'à son retour. "Dans les prochains mois, nous aurons sans doute de nombreuses annonces à faire", prévient-t-il.

Trouver facilement taxi, concert, bon resto ou club branché

Déjà, dans ce laboratoire géant que représente San Francisco, ville de naissance d'Airbnb, plusieurs "expérimentations" sont en cours.

Premier domaine visé par la bête noire des hôteliers : la conciergerie. Trois ans après un premier essai non concluant de conciergerie par téléphone, le site américain retente le coup. Cette fois sous forme d'une application mobile. "Local companion", testée depuis le printemps propose de trouver une blanchisserie, un taxi ou un chauffeur, une baby-sitter, mais aussi des places de concert, des dîners dans des restaurants "prisés", des propositions de conférences. Elle propose même de trouver les adresses des clubs les plus branchés du moment... bref, l'ensemble des services que tout bon concierge d'hôtel, qu'il soit Clé d'Or ou pas, est censé fournir à ses clients.

Seulement, à la différence du service d'accueil d'un hôtel, l'application ne permet pas à ce jour d'effectuer directement des réservations. Il s'agit simplement de mettre en relation des visiteurs avec des habitants de la ville qui acceptent de partager leurs bonnes adresses. "Un peu comme un réseau social", concède-t-on chez Airbnb.

Les grandes chaînes d'hôtels n'ont pas attendu son éventuelle extension à d'autres villes que San Francisco ni à d'autres pays pour développer leurs propres applications, options de paiement incluses. Avec ces dernières, elles espèrent faire la différence via un système de points qui vise à fidéliser les clients.

>Lire : La réponse digitale des hôteliers à la vague Airbnb

Fidéliser aussi une clientèle locale  pour assurer un complément de revenu

L'autre grand chantier concerne la restauration. Cet élément constitue l'un des points forts de la stratégie de différenciation pour certains hôtels. Dans les gammes les plus élevées, en particulier, ceux-ci misent de plus en plus sur la gastronomie ainsi que sur la "mixologie" (le bar), pour justifier leur valeur ajoutée et leurs prix plus élevés. Bonne table et cocktails "signature" ont en outre pour mission d'attirer une clientèle locale, de façon à compléter les revenus des établissements tout en assurant leur rayonnement. "C'est une tendance que l'on observe beaucoup en Asie et qui commence à se développer depuis quelques années en Europe", confie un professionnel du secteur qui assure, comme certains de ses confrères "vouloir ainsi créer un lieu de rencontre".

Jusqu'aux repas en "peer-to-peer"...

Partant du même constat, Airbnb teste - à San Francisco, toujours - la vente de repas entre particuliers. Plus précisément, des hôtes peuvent désormais "inviter" des visiteurs, contre une rémunération, à déguster entrées, plats et desserts qu'ils ont préparés.

"La restauration de pair à pair(*) va devenir une industrie gigantesque", prédit Brian Chesky, qui compare d'ailleurs l'industrie du tourisme à celle du pétrole. Il estime que les nouvelles offres de repas collaboratives répondent à un besoin de socialisation. "Une maison est un lieu formidable pour partager une expérience de 'repas social' ", admet-il.

Mais cela pourrait prendra du temps. En effet, louer sa maison, son appartement ou sa chambre permet de réaliser un profit immédiat sans coûts supplémentaires excessifs - à condition de ne pas en faire sa profession... Mais, préparer et vendre des dîners, c'est une toute autre affaire qui nécessite non seulement des compétences culinaires basiques mais aussi des investissements. Il a d'ailleurs omis la question de la réglementation sanitaire.

Quoi qu'il en soit, d'autres start-up ont déjà investi ce créneau - apparemment porteur...

>Lire : VizEat, la start-up parisienne qui veut devenir le Airbnb de la table d'hôtes

18 mois, c'est "long"

Sur le temps qu'il faudra avant de voir se répandre ces nouveaux services rivaux de ceux des hôtels, le créateur d'Airbnb n'a évidemment rien dit. Mais il est pressé. Il a trouvé très longs les dix-huit premiers mois de l'ancienne start-up au cours desquels elle peinait à trouver des financements.

Et il juge qu'au cours des six ans écoulés depuis sa création, il en a déjà "perdu" deux faute d'avoir "recruté les bons talents tout de suite" et d'avoir déménagé assez tôt de San Francisco à New York où se trouvaient la majorité de ses utilisateurs...

Désormais présent sur toute la planète et valorisé plusieurs milliards de dollars, il semble avoir toutes les cartes en main pour tenter sa chance dans la "sharing economy".

(*) Pair à pair ou peer-to-peer, en anglais, désigne avant tout un modèle d'échange de fichiers particulier au monde informatique, Ndlr.

Marina Torre

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