L'inflation généralisée et les polémiques sur les prix trop élevés du train n'y auront rien fait. SNCF Voyageurs vient de réaliser un record de fréquentation estivale cette année. Après un été 2022 déjà décrit comme « exceptionnel » par Christophe Fanichet, PDG de la filiale passagers du groupe SNCF, l'opérateur ferroviaire vient d'atteindre les 24 millions de passagers sur la longue distance (TGV et Intercités).
Interrogé à l'occasion d'une rencontre organisée par l'Association des journalistes des transports et des mobilités (AJTM) ce mercredi, Christophe Fanichet s'est naturellement réjoui de cette hausse de 4 % du nombre de voyageurs, soit environ 1 million de passagers supplémentaires. Il a insisté sur le fait qu'il s'agit d'un mouvement qui s'inscrit dans le temps, au-delà du phénomène de rattrapage post-Covid qui avait pu être constaté l'été dernier. « Cela confirme cette envie de train des Français, qui s'annonce durable » a-t-il analysé.
La mer, mais aussi la montagne et la campagne
Le trafic a été, sans surprise, soutenu par les destinations littorales avec les façades méditerranéenne et atlantique, mais aussi par ce que Christophe Fanichet a qualifié de « tourisme vert ». Cela s'est traduit par une hausse du nombre de passagers de 6 % vers les Alpes et de 15 % vers des régions comme la Bourgogne et l'Alsace.
Cet engouement s'est d'ailleurs aussi constaté sur les autres segments. Sans donner le détail du nombre de passagers, Christophe Fanichet a indiqué que le trafic TER avait augmenté de 10 % par rapport à l'été précédent, voire de 20 % sur les régions des Pays de Loire, Occitanie et Sud. Et de 4 % sur les lignes internationales, qui ont accueilli 6 millions de passagers cet été.
Autre point positif pour le patron de SNCF Voyageurs, les délais de réservation s'allongent. « Les Français ont largement anticipé », a-t-il déclaré. La moitié des billets ont ainsi été achetés au moins 25 jours à l'avance, soit 8 jours de plus qu'il y un an.
Le taux d'occupation a ainsi dépassé les 80 % en moyenne sur l'ensemble de la longue distance, TGV et Intercités. Et SNCF Voyageurs revendique plus de 40 % de TGV complets. C'est autant que l'an dernier, mais avec 450.000 places proposées en plus lors de l'ouverture des ventes le 8 mars.
Yield management...
Sur la question des prix, qui est revenue à plusieurs reprises sur la table tout au long de l'été, Christophe Fanichet a de nouveau affirmé que la moitié des billets ont été vendus à moins de 45 euros, notamment grâce à Ouigo et la carte Avantage. 50 % des voyageurs ont ainsi eu recours à l'une de ces deux offres. De même, il a rappelé que la hausse tarifaire moyenne n'a été que de 5 % alors que les coûts ont augmenté de 13 %.
Si l'anticipation a sans doute aussi permis à un certain nombre de voyageurs de voyager à des prix raisonnables, le nombre de passagers et le fort taux de remplissage laissent entrevoir des retombées économiques substantielles pour SNCF voyageurs, grâce à l'utilisation du yield management. Celui-ci consiste à optimiser les recettes avec des tarifs variant dans le temps en fonction de la date d'achat du billet et du taux de réservation du train.
Pour l'an prochain, le PDG de SNCF Voyageurs a assuré que la préparation budgétaire venait de démarrer et qu'elle se poursuivrait jusqu'en décembre, tandis que les négociations annuelles obligatoires n'avaient pas encore démarré. Et par conséquent, qu'il était encore trop tôt pour établir des prévisions sur les coûts en 2024 - même s'il s'est réjoui de la baisse des coûts de l'électricité - ainsi que les évolutions de la politique tarifaire. L'offre sera néanmoins revue à la hausse avec 12 rames supplémentaires attendues d'ici 2025, pour un total de 50 unités.
...Et pass rail
SNCF Voyageurs va devoir aussi composer avec la volonté gouvernementale de mettre en place un « pass rail » pour pouvoir prendre tous les TER à prix modique. Portée depuis plusieurs mois par Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, l'idée a été relancée lundi par Emmanuel Macron. Ce jeudi, le ministre a précisé qu'il serait destiné à tous les passagers. Il faut que « ce soit simple, que les Français quel que soit leur âge puissent acheter ce pass et voyager en Intercités ou en TER de manière illimitée, pour un prix unique pas cher », et « si possible aussi avec les bus, les métros, les tramways dans les grandes villes », a-t-il expliqué sur France 2.
Cela n'est pas sans rappeler le modèle allemand du « Deutschlandticket » comme le rappelle l'AFP, c'est-à-dire un abonnement qui permet de voyager sur tous les réseaux urbains (métro, bus, tramways) et dans les trains régionaux du pays pour 49 euros par mois. Une mesure qui doit coûter 3 milliards d'euros par an jusqu'en 2025.
Sur ce point, Christophe Fanichet s'est réjoui de toute initiative qui pourrait bénéficier à l'attractivité du train, mais a renvoyé la balle à l'Etat et aux régions quant au dimensionnement et au financement de la mesure. Or ces dernières se montrent plutôt sceptiques pour le moment, misant notamment sur leurs propres offres promotionnelles.
De son côté, Clément Beaune a promis que « l'Etat mettra à la poche, bien sûr » pour financer ce dispositif, prônant un pass à « un prix attractif » qui serait « autour de ce qu'ont fait les Allemands ». Le tarif sera discuté, « et j'ai commencé cette discussion, avec chaque président de région, tranquillement, avec les présidents de métropoles et les maires des grandes villes », a-t-il précisé. Et de conclure : « On va discuter ensemble, mais il ne faut pas que ça soit cher ». Le cabinet du ministre a, en effet, souligné auprès de l'AFP qu'il était « trop tôt » pour parler du prix du pass rail. Ce tarif fera l'objet d'« une concertation avec les élus régionaux » et devra être « peu cher », a-t-on confirmé.
Moins de trains, plus de places
Interrogé sur la baisse du nombre de rames TGV, et notamment l'impact sur le service, Christophe Fanichet a reconnu qu'une baisse avait été entamée depuis plusieurs années afin de rationaliser économiquement l'exploitation, avec des rames plus capacitaires et une utilisation supérieure en particulier avec les TGV Ouigo. Il assure ainsi que le nombre de fréquences n'a pas baissé depuis le plan de transport 2022 et que le nombre de places en circulation en France a augmenté de près de 15 % entre 2013 et 2023.
Le patron de SNCF Voyageurs a aussi indiqué que la production cet été avait été « de bien meilleure qualité que l'an dernier », avec un gain de plusieurs points sa régularité. Une amélioration qu'il voit d'un bon œil avant la coupe du monde de rugby, qui devrait générer 1 million de passagers en plus et qui constitue une grande répétition avant les Jeux olympiques et paralympiques à Paris en 2024.
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