Les compagnies aériennes déplorent le manque de carburant durable mis à leur disposition (Iata)

La production de carburants d'aviation durables (SAF) a doublé en 2023 et va tripler en 2024, mais elle reste insuffisante pour couvrir les besoins du transport selon l'Iata. La principale association de compagnies aériennes veut que le quart de la production mondiale de carburants renouvelables revienne à l'aviation pour assurer sa décarbonation. Sans cela, le transport aérien pourrait ne pas atteindre pas le zéro émission nette en 2050.
Léo Barnier
L'Iata estime que 25 à 30 % du carburant vert doit revenir à l'aviation pour soutenir sa décarbonation.
L'Iata estime que 25 à 30 % du carburant vert doit revenir à l'aviation pour soutenir sa décarbonation. (Crédits : Toby Melville)

La production de carburants d'aviation durables (SAF) a beau croître de façon exponentielle chaque année, elle est encore loin de couvrir les besoins exprimés par les compagnies aériennes. Et si certains acteurs des secteurs de l'énergie et de l'aérien multiplient les annonces sur leurs engagements à produire des carburants d'aviation durables (SAF), les prévisions font état d'un décalage persistant. Tout en saluant les efforts faits, Willie Walsh, directeur de l'Association internationale du transport aérien (Iata), juge que cela ne suffira pas à combler les besoins de l'aviation. Et il pointe notamment les conflits d'usage avec les autres secteurs, estimant qu'il faut qu'une part plus importante des carburants renouvelables produits à travers le monde doit revenir au transport aérien, si celui-ci veut être en mesure d'atteindre son objectif de zéro émission nette en 2050.

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Une production décuplée

Sur le papier, les chiffres sont encourageants : avec 500.000 tonnes de SAF produits cette année, soit 625 millions de litres, la production a doublé par rapport à 2022. Et, selon l'Iata, ce chiffre devrait encore tripler l'an prochain pour grimper jusqu'à 1,5 million de tonnes (1.9 milliard de litres). Pour autant, cela ne représente encore que 0,2 % puis 0,5 % de la production de carburant d'aviation qui ne cesse de croître et qui devrait dépasser les 300 millions de tonnes l'an prochain.

L'Association salue d'ailleurs les 43 compagnies qui ont signé des engagements et contrats pour intégrer une part de SAF dans leur consommation de carburant. Cette part varie entre 5 et 10 %, Hemant Mistry, directeur en charge de la transition vers l'objectif de zéro émission nette pour l'Iata, précisant qu'elle se situe pour la plupart autour de 10 %. Cela représentera un volume de 13 millions de tonnes à l'horizon 2030.

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L'Iata veut 25 % pour l'aviation

Willie Walsh salue « une croissance impressionnante ». Mais il s'empresse de dénoncer que la part de carburants renouvelables destinée à l'aviation dans la production globale (tous usages confondus) reste minime. L'Iata l'évalue à 3 % en 2023 et 6 % en 2024.

L'aviation ne pèse ainsi pas bien lourd face aux autres usages, à commencer par le secteur routier qui est encore loin d'être électrifié. « Cette répartition limite l'offre de SAF et maintient les prix à un niveau élevé. L'aviation a besoin de 25 à 30 % de la capacité de production de carburants renouvelables pour les SAF », a-t-il ainsi déclaré lors du Global Media Day de son association ce mercredi à Genève. Cela représenterait entre 16 et 19 milliards de litres de SAF sur les 63 millions de tonnes (78 milliards de litres) de carburants renouvelables qui doivent être produits à l'horizon 2030.

Et le directeur général de l'Iata en fait une condition pour réussir la décarbonation du secteur : « À ces niveaux, l'aviation sera sur la trajectoire nécessaire pour parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d'ici à 2050. Tant que ces niveaux ne seront pas atteints, nous continuerons à manquer d'immenses occasions de faire progresser la décarbonisation de l'aviation. »

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Pression sur les Etats

Profitant de l'adoption d'un objectif intermédiaire de 5 % de SAF utilisé à travers le monde d'ici 2030, lors de la troisième conférence sur les carburants de substitution pour l'aviation (CAAF/3) organisée par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), Willie Walsh a exhorté les gouvernements à « maintenant mettre en place des mesures politiques permettant d'atteindre l'augmentation exponentielle nécessaire de la production de SAF ». Hemant Mistry estime que cela permettra de réduire les émissions des vols internationaux de 34 millions de tonnes de CO2 d'ici 2030 - sur un total de 682 millions de tonnes de CO2 à cette date - mais qu'il faudra pour cela 14 millions de tonnes (17,5 milliards de litres) de SAF. « C'est un chiffre important qu'il faut garder à l'esprit à mesure que nous avançons dans cette perspective », a-t-il déclaré.

Pour arriver à développer cette production, Hemant Mistry insiste lui aussi sur le cadre politique. Et sur ce point, il ne se prive pas pour adresser une pique aux mandats obligeant les compagnies à incorporer un pourcentage de SAF dans sa consommation de carburant. Selon lui, ceux-ci - et donc en premier lieu le règlement RefuelEU Aviation adopté par l'Union européenne - font peser le risque de l'investissement uniquement sur l'industrie.

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Le modèle américain

Comme Willie Walsh, directeur général de l'Iata avant lui, il encense en revanche le système d'incitation américain où « il y a des prestataires, des producteurs, des fournisseurs qui collaborent tous avec le gouvernement pour définir comment cela va être vendu et où les investissements doivent être faits ».

Selon les estimations de l'Iata, cette dernière option va ainsi davantage stimuler le marché. Les incitations généreraient ainsi une demande de plus de 10 millions de tonnes de SAF à travers le monde, dont 9 millions pour les seuls Etats-Unis, contre moins de 7 millions de tonnes pour les systèmes de mandats, dont 3,5 millions de tonnes pour l'Union européenne.

Léo Barnier

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Commentaires 9
à écrit le 07/12/2023 à 18:32
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On marche sur la tête : les cies aériennes nous demandent de manger plus de junk-foods 3 et autres macro - deja bien présentes à bord- pour récupérer les huiles industrielles euh alimentaires … déjà qu il n y a pas assez de terres cultivables et a...

à écrit le 07/12/2023 à 18:32
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On marche sur la tête : les cies aériennes nous demandent de manger plus de junk-foods 3 et autres macro - deja bien présentes à bord- pour récupérer les huiles industrielles euh alimentaires … déjà qu il n y a pas assez de terres cultivables et a...

à écrit le 07/12/2023 à 14:46
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Très simple ! Qu'ils réduisent leur vol .... Vaste rigolade ce carburant durable dont nous sommes abreuvés de pub par les compagnies lorsque nous sommes à bord de leurs avions

à écrit le 07/12/2023 à 13:59
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Les carburants d’aviation durables ne sont pas « écologiques ». En effet, pour produire des carburants d’aviation alternatifs en quantités industrielles il faut disposer de grandes quantités de biomasse, d’algues, de cultures agricoles ou de déchets...

à écrit le 07/12/2023 à 10:40
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Un carburant "durable" est une farce, du greenwashing, en clair une "couillonade" pour donner bonne conscience aux inconditionnels du transport aérien accrocs au "tourisme" (transhumance) de masse.

le 07/12/2023 à 11:10
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Même si ça engage du CO2 récupéré de cheminées industrielles, et de l'hydrogène vert (cher), ça demande quantité d'énergie pour le fabriquer, réutiliser l'huile de friture usagée filtrée ça ne fournirait pas assez, sinon cette source là a des vertus ...

à écrit le 07/12/2023 à 10:15
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Cependant, les carburants synthétiques sont encore plus coûteux à produire, jusqu'à dix fois plus que le carburéacteur traditionnel et plus que les FAS à base de biocarburants, et l'offre disponible sur le marché est très limitée.

à écrit le 07/12/2023 à 8:54
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Qund on est hors sol on vole... Sérieux le carburant durable ça n'existe pas. C'est tout. Et même si cela était il faudrait le réserver aux services essentiels.

à écrit le 07/12/2023 à 7:30
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"Décarboner l'aviation" c'est comme dégraisser l'huile d'arachide, ce n'est pas possible mais comme trop important pour les PIB des pays on fait rentrer les ronds dans les carrés à grands coups de marteau et puis c'est tout.

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