Relancé en 2021 par Jean Castex, alors Premier ministre, avec Paris-Nice et Paris-Lourdes, le train de nuit poursuit son développement après des années d'attrition. Dimanche soir d'abord, puis lundi soir, deux nouvelles lignes vont être inaugurées. La première est domestique entre Paris et Aurillac dans le Cantal, la seconde est européenne entre la capitale française et Berlin, son homologue allemande. Si les deux projets répondent à des logiques différentes, ils s'inscrivent tous deux dans la politique de promotion du ferroviaire voulue par le gouvernement depuis Elisabeth Borne, Première ministre, jusqu'à Clément Beaune, son ministre délégué chargé des transports. Et ce à coups de subventions.
Opération désenclavement
Ce dimanche, Clément Beaune sera à la Gare d'Austerlitz à Paris pour le départ du premier train direct vers Aurillac depuis l'abandon de la ligne il y a tout juste 20 ans en compagnie de Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs. L'objectif est clair indique-t-on du côté du ministère, il s'agit de désenclaver la ville du Massif Central et assurer la continuité du service public. Trois classes de voyage sont proposées, depuis la place assise jusqu'à la cabine privative, et des prix à partir de 19 euros sans commune mesure avec ceux pratiqués en journée (avec une correspondance à Clermont-Ferrand)... mais 12 heures de voyage.
La desserte sera assurée dans un premier temps pendant les périodes de vacances des zones A et C, auxquelles appartiennent respectivement les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Ile-de-France, ainsi que les vendredi et dimanche soir. Cela représente déjà 220 nuits, mais l'objectif affiché est de passer en quotidien à l'horizon 2025.
Liaisons capitales
Dès le lendemain, le ministre des Transports poursuivra son périple ferroviaire à Berlin, pour embarquer à bord du train qui reliera la capitale allemande à la Gare de l'Est à Paris en 13 heures. Là encore, trois classes de voyage et des prix attractifs à partir de 29,90 euros, mais les trains ne seront pas des trains Corail exploités par SNCF Voyageurs, mais les trains Nightjet d'Österreichische Bundesbahnen (ÖBB), les Chemins de fer fédéraux autrichiens.
Cette liaison, opérée trois fois par semaine, s'inscrit dans le cadre du partenariat signé en 2020 entre l'opérateur français, son homologue autrichien et la Deutsche Bahn (DB) en Allemagne, qui a déjà permis de relancer le Paris-Vienne fin 2021. Les deux trains seront d'ailleurs couplés avant d'être séparés lors d'un arrêt technique à Mannheim en Allemagne, après avoir desservi Strasbourg. Ils seront alors combinés avec les Bruxelles-Vienne et Bruxelles-Berlin en partenariat avec la SNCB.
Ainsi, en sus des deux lignes encore en exploitation vers Briançon d'un côté, et Albi, Latour-de-Carol via Toulouse et Cerbère de l'autre, ce sont donc cinq nouvelles liaisons de nuit - trois domestiques et deux européennes - qui ont vu le jour depuis 2021 du fait de la volonté gouvernementale. Et l'objectif d'atteindre dix lignes domestiques en 2030 est toujours d'actualité.
Des millions d'euros par an
Le projet apparaît comme séduisant avec ses petits prix, son alternative à la voiture et à l'avion, ou encore le charme particulier du train de nuit, et suscite l'attrait de la part des voyageurs. On parle ainsi d'un « succès avéré » du côté ministère des Transports avec 150.000 passagers entre Paris et Nice en 2022 et 66.000 entre Paris et Lourdes.
Pourtant, l'investissement de deniers publics apparaît indispensable à l'équilibre financier de cette initiative. Plusieurs dizaines de millions d'euros seront nécessaires chaque année pour compenser le déficit d'exploitation. Un coût qui s'ajoute aux importants investissements initiaux dans le matériel roulant.
Pour le Paris-Berlin, la subvention va se chiffrer autour de la dizaine de millions d'euros par an selon une source ministérielle. Et ce seulement pour la partie sous exploitation française de la ligne, soit un peu plus d'un tiers du trajet. Le Paris-Aurillac, établi comme un service conventionné par l'Etat au même titre que les trains d'équilibre du territoire (TET), nécessitera 3 millions d'euros par an. Et il en va de même pour les autres lignes, même si aucun chiffre global n'a été avancé.
Et cela devrait continuer pour quelques années encore. Du côté de l'Hôtel de Roquelaure, on assure que la facture pourra être revue à la baisse si les résultats d'exploitation s'améliorent - le niveau de subventions est calculé selon le montant estimé des pertes - tout en reconnaissant qu'il faut déjà au minimum deux ou trois ans pour qu'une ligne atteigne son plein potentiel commercial.
Coût matériel
Suite à la relance de l'intérêt pour les trains de nuit au cours du précédent quinquennat, 44 millions d'euros avaient été investis pour rénover 71 voitures à destination des lignes encore en service. Puis, avec le plan de relance, ce sont 100 millions supplémentaires qui sont venus s'ajouter à l'addition pour lancer les nouvelles lignes domestiques : 76 millions d'euros pour la rénovation de 93 voitures et 24 millions d'euros pour les installations de service en gare et en centre de maintenance. La facture initiale prévoyait 50 millions d'euros pour une cinquantaine de voitures et autant pour les infrastructures.
Et au vu de l'âge des voitures Corail utilisées, qui avoisine les quarante ans, un budget est déjà prévu pour le Projet de loi de finances 2025 en vue de l'acquisition de matériels neufs. Des appels d'offres sont en cours d'élaboration à cet effet, avec la possibilité de passer par une Rosco (société de location de matériels roulants). Cela ne concernera que les lignes domestiques, les lignes internationales restant opérées avec les voitures d'ÖBB, un peu plus récentes, mais cela devrait encore se chiffrer en dizaine de millions d'euros.
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